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samedi 31 janvier 2015

31 janvier : Dominique...

...a été le personnage central de mes rêves, cette nuit, et de la fête liégeoise qui se déroulait dans ma tête. Il y avait un chanteur invité, mais Dominique le remplace au pied levé pour entonner des chansons d'étudiants. Il y a beaucoup de monde mais, dans un coin, je discute avec lui de ce chanteur devenu philosophe qu'était Adamo. En fait cette réunion joyeuse avait pour prétexte mon départ pour une sorte de tour du monde sur un frêle esquif, une sorte de matelas pneumatique avec une arche bâchée en tête pour se protéger de la pluie. Je partais avec deux femmes, Isabel et Sylvie et nous devions suivre le cours du Rhin jusqu'à l'océan en passant notamment par Munich ! Le lancement du bateau se faisait par un tout petit ruisseau. Au dernier moment, l'un des spectateurs de cette mise à l'eau, Martine, je crois, va me chercher un pull, au cas où j'aurais froid. Il y a des tas de détails que j'épargnerai au lecteur. Il s'agit d'un de ces rêves que l'on fait parfois et qui rivalise d'incohérence avec tout ce qu'on peut imaginer. On dirait que les détails se rajoutent les uns aux autres pour que le rêve soit de plus en plus chaotique et incohérent. Comme s'il s'agissait de le rendre le plus difficile possible à raconter et à interpréter.

vendredi 30 janvier 2015

30 janvier : Le persil par la racine

Et oui ! hier à midi, j'ai mangé pour la première fois ce légume méconnu mais délicieux, les racines de persil qui ressemblent à de grosses carottes blanches. Je les blanchis pendant une dizaine de minutes après les avoir coupées en tranches. Puis je les mets à frire dans la poêle avec des lardons. J'ai trouvé la recette sur Internet. C'est très bon.

Avant de m'endormir hier soir, j'ai lu du René Char et notamment ses textes sur Rimbaud. Une grande admiration servie par un style magnifique.

Aujourd'hui, c'est décidé, je me remets à l'article que je dois écrire pour "le chaos des écritures" sans oublier cependant de poursuivre la série de mes verbes.

On dirait bien que les fondamentalistes sont en train de gagner la partie. Dans Libé, ce matin, je lis un article sur les exemples d'autocensure dans le monde de la culture. Ils se multiplient et je trouve cela très inquiétant surtout après la manifestation du 11 janvier qui devait démontrer l'attachement de tous les Français au principe de laïcité. Il me semble qu'il faudrait au contraire multiplier les libres expressions de nos idées notamment vis-à-vis des religions et des croyances. Je pense que les dessinateurs de Charlie Hebdo seraient catastrophés par les timidités culturelles actuelles. Expos et pièces de théâtre annulées, film déprogrammé, nous nous mettons nous-mêmes, à travers ces auto-censures, dans des attitudes de soumission incompréhensibles, surtout après les événements que nous venons de connaître. Après le sursaut "Charlie", serions-nous en train de suivre le scénario imaginé par Houellebecq ?

jeudi 29 janvier 2015

29 janvier : Visite de GO

Cette nuit, en rêve, j'ai eu la visite de Guy Ourisson. Cela m'a fait plaisir. Nous avons discuté très sereinement. Après, il y a eu d'autres rêves ce qui fait que je ne me souviens plus des détails du rêve avec Guy. Je me souviens cependant du personnage principal de ces autres rêves : mon père. C'est quand même étonnant de s'apercevoir à quel point nos parents ne nous lâchent pas, même après leur mort. Je n'irai pas jusqu'à envier le statut d'orphelin, non. Mais mon père (biologique, enfin... très probablement !) sera toujours mon père. Pareil pour ma mère et (allons-y, tant qu'on y est) mes cinq frères et mes trois soeurs. Est-ce que le compte y est ? Non ! Pas encore puisqu'il y a les grands parents, les arrière grands parents, etc... jusqu'à ceux qui se perdent dans la nuit des temps et que, dieu merci, je ne connaitrai sans doute jamais et dont, jamais, je ne pourrai rêver.

En relisant ce que j'ai écrit ce matin, je me rends compte que la visite de Guy Ourisson était un prélude, une annonce des autres rêves car je l'ai considéré longtemps comme mon père spirituel. J'étais son vilain petit canard parmi tous ses enfants chimistes. Ce qui ne veut pas dire que je me prends aujourd'hui pour un cygne, loin de là. D'ailleurs les cygnes sont des animaux très antipathiques. Ils ne sont bons qu'à nager doucement sur des lacs en regardant (fièrement, évidemment — la fierté de la bêtise) des barques d'amoureux se balancer en faisant quelques clapotis.


mercredi 28 janvier 2015

28 janvier : Le respect

Il fait moins froid ce matin mais le ciel est encore tout noir. J'ai terminé mon jeûne de deux jours hier soir. Cela fait du bien. Ce matin voici les paroles de Bouddha qui m'ont été envoyées :


"Etre libéré de la convoitise est bonheur en ce monde,
le dépassement de tout désir sensuel.
Mais éliminer la prétention de “je suis”--
ceci est le bonheur le plus élevé."

Cela rejoint la discussion que j'ai entamée avec Martine. 

On dit souvent que dans les banlieues parisiennes (et ailleurs) le grand problème serait identitaire. Les jeunes n'ont aucun modèle, rien à quoi s'identifier et que c'est ce que les imams leur offrent : une "cause", et donc la possibilité de ressentir ce "je suis" dont le bouddhisme se méfie tant, et à juste titre d'après moi. Ce "je suis" n'a de sens à mon avis que si on peut le faire suivre de "là", c'est à dire qu'il n'a de sens que s'il signifie la présence complète, l'attention. Et c'est alors seulement qu'il peut y avoir respect. 

mardi 27 janvier 2015

27 janvier : Auschwitz il y a 70 ans

Il y a 70 ans, les Russes découvraient Auschwitz. Les actualités sur Arte ont passé quelques images prises par les premiers sur les lieux. C'est toujours le même choc qui secoue peut-être encore plus au fur et à mesure que les années passent. Je n'ai jamais visité le site et j'aimerais bien le faire avec Charlotte et mes petits enfants un jour. Tous mes petits enfants. Un élève d'Ermesinde m'en parlait l'autre jour. Il y était allé avec d'autres élèves : un groupe mené par Julia.  Il me disait qu'il n'irait jamais plus. "C'est trop dur", disait-il.

Hier soir, une soirée cinéma avec Melville, Le Doulos et Jarmusch, The limits of control, deux films puissants. Le second qui étonne : une réflexion prolongée sur la solitude, l'imaginaire et le réel, bref, sur le cinéma.

C'est mon deuxième jour de jeûne.

A propos de mon dessin d'hier : je sais qu'il peut choquer mes amis anglais. Et pourtant, c'est un souci "pédagogique" qui m'animait par le biais de cette référence à Magritte. La liberté extrême de nos représentations du monde, des gens, des dieux, de la terre, des choses... cette liberté est un fait. Notre esprit explore tous les caprices de l'imaginaire, toutes les nuits, en rêve, et tous les jours dans nos fantasmes. Cette liberté définit l'humain, factuellement. Il n'est pas d'autre issue que de l'accepter et de la défendre quand elle est attaquée. Objection : cette liberté (d'expression) serait une affaire individuelle et il serait toujours possible de ne pas faire de nos rêves et pensées l'enjeu d'une communication avec autrui. On pourrait les garder pour soi. Devenir le coffre-fort de nos propres représentations. Enfermer l'humain dans l'humain que nous sommes. Ce serait oublier que nos représentations sont déjà l'expression de tout ce qui nous vient d'ailleurs que soi. Ce qui rend difficile l'exercice de cette liberté (d'expression), c'est précisément autrui en tant qu'il peut, factuellement, tenter de la contrôler, d'y opposer un pouvoir quelconque, de brider (joli verbe) nos rêves, qui ne sont pas si "nôtres" que nous croyons. Ce sont les rêves qu'il faut défendre. Brider l'expression de nos pensées, c'est leur donner du poids, c'est couler du plomb en elles, ça revient à les farcir de réel. Et c'est à ce moment là qu'elles deviennent dangereuses pour tout le monde.

lundi 26 janvier 2015

Battre

J'étais très énervé hier soir, contre le monde entier, tout en sachant bien, évidemment, que c'était moi-même qui avait un problème. Un problème existentiel. D'ailleurs je venais d'écrire un article supplémentaire dans ma série de verbes. Le voici :

Battre

Les chiens, les enfants, sa coulpe ou le pavé. Ou alors soi contre le monde entier. J’ai beaucoup d’amis qui, aujourd’hui, témoignent. Ils se sont bien battus, souvent, par nécessité, contre une multiplicité d’ennemis incroyablement divers : les vauriens de l’école et de la rue, l’injustice des profs et du patron, la connerie des collègues et des institutions, l’adversité, le destin, la maladie... et oui, la mort aussi. Ils se battent, se relèvent, ils sont couverts de cicatrices. Et ils disent, en sirotant leur cognac au coin du feu : « La vie est une lutte. » Je suis plein d’admiration, non seulement devant la profondeur philosophique de ce trait de sagesse qui m’atteint comme une flèche au coeur, mais surtout devant leur courage. Moi qui n’ait jamais battu autre chose que la crème, les mayonnaises et la campagne. Bref, je ne me suis jamais vraiment battu, je n’ai rien conquis, je suis à l’extrême opposé d’Alexandre le Grand. Tout ce que j’ai, tout ce que je suis, m’a été donné. Et je n’ai pas fait grand chose de ce qui m’a été donné. Autant dire, rien. Je ne suis bon qu’à rien. Et là, je me rengorge enfin. Croyez-vous qu’il soit si facile de n’être bon qu’à rien ?


* * *

Ceci dit, la grande nouvelle du week end, c'est quand même la victoire de Syriza en Grèce. J'ai relu, à ce propos l'article qu'il avait lui-même publié dans Le Monde Diplomatique il y a deux ans, je crois. Voici l'URL où on peut trouver cet article d'Alexis Tsipras que j'ai trouvé très intéressant :
http://www.monde-diplomatique.fr/2013/02/TSIPRAS/48724
Il faut voir maintenant si le programme dont il a présenté une esquisse dans cet article peut déboucher sur une remise en question réelle des "pouvoirs de la finance" comme le dirait François Hollande.

* * *








Autre sujet de réflexion. J'ai eu une insomnie cette nuit et j'en ai profité pour faire un dessin, très maladroit sans doute, mais qui rend hommage à Charlie Hebdo et à la liberté d'expression qu'ils ont défendue au prix de leur vie, cette liberté
qui, dès qu'on tente de la limiter, fait qu'elle n'existe plus. Certes, je n'ai pas le talent de Luz ou de Cabu, et l'on m'excusera la grossièreté du propos, mais je n'en suis qu'à mes tout débuts en tant que caricaturiste.

Je présume qu'un tel dessin va susciter quelques commentaires.

dimanche 25 janvier 2015

Fatigue

De retour à Lisbonne, je ressens la fatigue de la semaine. J'ai dû quitter très vite la réunion du samedi matin pour attraper un avion qui au lieu de partir à 11h45, est parti vers 15 heures. Il commençait à neiger quand j'ai quitté le Lycée, il y avait une vingtaine de chasse-neige en action quand je suis arrivé à l'aéroport. Celui-ci a été fermé à 9h30.

J'ai toujours le côté gauche de mon corps en souffrance : le bras et l'épaule gauches et, quand je marche, ma jambe gauche fonctionne comme une jambe de bois. Le médecin m'a prescrit quelques visites chez des spécialistes mais je n'ai pas encore eu le temps d'y aller.  Je me fais un peu de soucis car cette partie gauche de mon corps correspond à mon hémisphère droit. Y aurait-il quelque chose qui déconne là-haut ?

samedi 24 janvier 2015

Zaltimbanq

Un très joli spectacle hier soir animé par la troupe des Zaltimbanq du Lycée et un groupe de jongleurs hongrois avec des numéros de clowns très fins et bien au point. Auparavant, nous avons discuté avec le ministre de l'éducation nationale du Luxembourg, en soulevant tous les problèmes qui nous paraissaient demander des solutions rapides et innovantes pour que l'expérience de ce "lycée-pilote" ne soit pas totalement récupérée dans une routine d'enseignement traditionnel. Le ministre nous a écoutés avec attention, ce qui est déjà, en soi, remarquable.

Hier soir, je reçois un coup de téléphone de mon ami Fred à Amsterdam qui me raconte une petite histoire abracadabrante. Quand il était venu à Strasbourg, en 1976, nous avions découvert dans un livre ancien (XVIIe siècle) une recette pour attraper les corbeaux. Cette recette consiste à fabriquer des cornets de papier au fond desquels on prépare un appât (par exemple, une petite boule de viande hachée) et sur les parois desquels on étale de la glu. Le corbeau, attiré par l'appât plonge son bec au fond du cornet qui lui reste collé sur les yeux. D'après le texte original, ainsi aveuglé, le corbeau s'envole et monte tout droit dans le ciel jusqu'à ce que, épuisé, il tombe à vos pieds. A l'époque, nous avons voulu vérifier le bien-fondé de cette histoire et nous avions tenté l'expérience dans la campagne aux alentours de Strasbourg où il y a beaucoup de corbeaux. Nous n'avions pas réussi à attraper le moindre corbeau, heureusement pour les victimes potentielles !
Mais Fred a un ami qui travaille chez lui actuellement et qui l'a informé d'une méthode analogue pour attraper les perdrix. On remplace le cornet par une bouteille à l'intérieur de laquelle on a mis quelques graines de maïs ou de blé. La perdrix plonge sa tête dans la bouteille. Mal lui en prend car, elle ne peut plus la retirer et meurt étouffée à cause de sa gourmandise ! L'ami de Fred l'a assuré de l'efficacité de cette méthode très semblable à celle que nous avions testée dans les plaines alsaciennes. Nous avons éclaté de rire tous les deux en apprenant cette histoire qui pourrait bien passer pour une histoire... de saltimbanques !

Voilà plus de trois heures que je suis à l'aéroport de Luxembourg, en attente de l'avion qui doit m'emmener à Lisbonne. Alors j'ai commencé à écrire un truc sur le verbe "Attendre". Mais je ne suis pas entièrement satisfait et je vais sans doute revenir sur ce texte. Voici donc une version provisoire du verbe.

Attendre

Tout ce qu’il y a de tendre dans ce verbe tend à se dissoudre, non pas petit à petit, au fur et à mesure que l’attente se prolonge, mais tout de suite, dès le premier instant où, même après être arrivé bien en avance, on se met à attendre. Voilà : il n’y a plus que cela à faire, attendre, et le temps se met à battre dans des rythmes contradictoires. L’extrême lenteur de son passage cohabite avec les picotements d’une impatience irrépressible, faisant de cette expérience singulière, une anticipation du moment de mourir. On cherche à remplir l’attente d’une réflexion sur l’attente qui ne fait que creuser ce remplissage du vide avec du vide. On s'abîme dans l'abîme. Tout instant supplémentaire dilate indéfiniment l'instant d'avant, sans espoir d'après. La sensation qu'il n'y a pas d'après. L'après a disparu et c'est cela qui ressemble à la mort. 

vendredi 23 janvier 2015

23 janvier : Retrouver

C'est ce que des amis vous offrent de plus précieux : ce moment très particulier où on les retrouve, où on se retrouve soi-même à travers eux, un peu différent certes, mais le même quand même, ce qui étonne parfois à cause du temps qui change tout autour de nous sauf cela même, les amis.
Je reviendrai là-dessus.

jeudi 22 janvier 2015

22 janvier : Chine

Aujourd'hui, nous passons la journée à la Chambre de Commerce de Luxembourg, pour discuter le projet, les traductions réalisées par A. et corrigées par V., les nouvelles propositions. Ce qui est surtout en jeu dans ces réunions, ce sont les préparatifs du voyage en Chine que vont faire les quatre représentants de l'équipe. Ils vont rencontrer beaucoup de monde, la question étant de créer quelque chose à Luxembourg pour accueillir et intégrer les enfants des familles chinoises dans le contexte socio-culturel européen. Ma présence n'est requise que comme conseiller "historique" du Lycée Ermesinde. Je ne fais pas partie de la délégation luxembourgeoise prévue pour ce voyage.

* * *

J'en ai parlé à Guy qui est arrivé à Mersch ce soir même : La liberté ne s'use que si l'on ne s'en sert pas. Et j'ai trouvé cette citation de je ne sais pas qui très importante à bien comprendre. Il faut faire usage de la liberté, il faut se sentir totalement libre pour que la liberté, simplement la liberté, existe. Et c'est peut-être comme cela que je comprends le mieux ce que nous devons apprendre des événements du 7 janvier. 

mercredi 21 janvier 2015

21 janvier : Rêves

Beaucoup de rêves cette nuit, rêves dont je me réveillais en me disant : il ne faut pas que j'oublie. Mais à peine rendormi, d'autres rêves se pressaient pour, eux aussi, ne pas être oubliés, me réveillant à nouveau sur cette injonction "ne m'oublie pas, j'ai droit moi aussi au récit des visions que je t'impose."


Bloquer

Le mot est assis au milieu du palais, ou couché sur le divan de ma langue, têtu comme un bouc dans ma bouche, bloquant le passage de mes pensées embouteillées, un mot qui justement m’échappe et qui, ce faisant, fait un trou dans mes textures neuronales, un mot qui se tient, silencieux, oublié mais incroyablement présent, dans l’antichambre du parloir intérieur.  Je la ressens très bien, cette absence du mot — justement, je ne sais pas lequel — qui bloque tout. Il suffit de ce manque de mot, celui-là qui n’est pas celui-là, pour que tout manque.
Le petit trou d’un seul mot disparu crée un abîme où tombe toute la langue à la renverse. Le petit trou d’un instant d’inattention qui mobilise toute l’attention, en pure perte.

mardi 20 janvier 2015

20 janvier : Köln

Aujourd'hui, je suis allé visiter une école à Cologne, la Offene Schule Köln, avec Julia et Nora. Notre visite a été passionnante. Nous avons longuement parlé avec le directeur, Hans Flinkerbusch. C'est une école où il n'y a plus de classe. Les élèves sont mélangés et ce mélange vaut pour les âges aussi bien que pour les talents scolaires : plusieurs des élèves dans la salle où nous avons vu se dérouler une session, de 10h à midi, étaient manifestement retardés. D'autres semblaient vraiment être dans le coup. Les élèves travaillent, généralement seuls, à leur table de travail, sur la matière de leur choix et pendant le temps qu'ils veulent. L'atmosphère est très calme même si les élèves bougent souvent. Ils se mettent à deux ou trois pour résoudre un problème, repartent travailler seuls, font appel à un adulte pour vérifier leur travail, etc., bref une atmosphère à la fois studieuse et totalement dépourvue d'anxiété de la part des élèves. J'ai été très impressionné par l'efficacité de cet "enseignement" qui laisse beaucoup de place à l'initiative individuelle dans la manière de progresser.

La veille au soir, j'ai eu l'immense plaisir de rendre visite à ma fille Célia et à son compagnon Hendrik. Nous avons beaucoup parlé de Charlie Hebdo sans être complètement d'accord.  Le repas que Hendrik avait préparé était délicieux. Le lendemain matin, c'est Joacquim qui est venu me réveiller dans la chambre de Zéphira. Il s'est glissé dans mon lit et le grand père a eu un beau moment de tendresse avec son dernier petit fils.

lundi 19 janvier 2015

19-01-15 : Mersch

C'est là où je viens de passer la nuit. Dans cet internat qui s'appelle Sigefroid. Ne me demandez surtout pas si j'ai eu froid. A Luxembourg il a gelé cette nuit. La semaine s'annonce laborieuse. En fin d'après-midi, je repars pour Cologne. Je dormirai chez ma fille et j'aurai l'occasion de voir l'un de mes petits enfants, le dernier, Joacquim. Je m'en réjouis.
Hier soir, longues discussions avec JPC qui nous a beaucoup parlé de la Chine et des Chinois. Jeannot y va dans quinze jours avec toute une équipe pour faire avancer le nouveau projet. J'aurais dû partir avec eux mais finalement, je suis bien content de rester à Lisbonne pour pouvoir aller ensuite, à partir du 13 février, faire du ski avec Charlotte.
Je vais prendre ma douche.


dimanche 18 janvier 2015

Vociférer

Le monde musulman à feu et à sang. La présentatrice d'Arte parlait hier du "choc des civilisations". Des images d'actualités illustraient son propos. Dans presque tous les pays musulmans, on voit s'allumer les feux de la colère. Des hommes, en gros plans, vocifèrent. L'étymologie du verbe nous renvoie au verbe latin fero, "porter", et donc, "porter la voix". Il n'y a plus qu'elle, la voix. Celui qui la porte comme s'il s'agissait d'un fardeau, disparaît. La grimace à laquelle vous oblige la vocifération fait penser à une sorte de douleur, comme si la voix était lourde, aussi lourde qu'une croix. On pense à la tête d'Hitler quand il criait ses discours pour enflammer les foules : les grimaces dessinées par sa bouche qui s'ouvrait, grande, selon les hachures imposées par les syllabes, si bien mimées par Charlie Chaplin dans Les Temps modernes.
Il y a une autre piste étymologique qui n'est pas signalée dans les dictionnaires : fera, la bête sauvage. Vociférer, c'est aussi avoir la voix sauvage, la voix d'une bête, une voix qui dit et montre la sauvagerie en devenant elle-même sauvage, en échappant au discours, ou plutôt à la signification du discours, au sens du discours. Vociférer c'est dire quelque chose sans le dire, en le criant, en le désarticulant dans le cri, dans les cris. On articule la désarticulation du langage. On vocifère. Le fer n'est pas loin.
Y a-t-il des langues plus propres à vociférer que d'autres ? L'allemand est certainement apte. L'arabe aussi. Je l'avais déjà remarqué en Palestine quand j'écoutais les discours. Le japonais ne doit pas être mauvais non plus. Peut-on vociférer en italien ? en portugais ?

samedi 17 janvier 2015

17-01-15 : Les méfaits de l'exclusivité littérale

Un ciel blanc ce matin, comme du métal, et un froid humide et désagréable dans un appartement pas chauffé.  Brrrrrrr !

Les réactions du monde musulman, attisées par des hommes politiques qui voient sans doute dans leur soutien aux manifestations une belle occasion de redorer leur popularité défaillante, ne sont pas rassurantes. Par contre j'ai beaucoup aimé l'édito du Monde des livres, dont je conseille la lecture à tout le monde. Ce qui est important, c'est la pluralité des livres par opposition à un monde qui se définit de la référence à un seul livre : que ce soit la Bible ou le Coran. Ne lire qu'un seul livre, c'est forcément le lire mal. Mieux vaut sans doute, alors, ne pas lire du tout.  On peut aussi le lire et le relire. Alors, chaque fois, il s'agira d'un nouveau livre. C'est ainsi qu'on peut également apprendre qu'il y a une infinité de livres dans chaque livre, pour peu que l'on veuille bien s'attacher à la découvrir et à se découvrir soi-même en même temps.

J'ai eu du mal à trouver le titre de cette demi-page. En fait, j'aurais pu créer un néologisme : "les méfaits de l'exclusuivisme littéral".  Le mot n'est pas vraiment beau, mais, sans vouloir donner dans une sorte d'exclusuivisme platonicien (cf le Cratyle), ce qu'il désigne ne l'est pas non plus.

vendredi 16 janvier 2015

Pragmatisme

Grande discussion hier avec Z. sur le bien fondé des caricatures "Je suis Charlie". Pour lui, avec sa culture britannique très pragmatique, le problème est de savoir en quoi les caricatures peuvent être considérées comme utiles, bénéfiques, ou profitables. Il demande : "A quoi servent-elles ? A qui servent-elles ?" Est-ce que ça fait du bien aux dessinateurs de caricaturer Mahomet, tout en sachant que cette représentation est une insulte pour les musulmans ? Est-ce que ces derniers vont acquérir le sens de l'humour à travers ce qu'ils considèrent comme des insultes ? Est-ce que cela nous fait du bien, à nous les tiers, d'être du côté des rieurs ? Bref on n'a pas fini de réfléchir aux différents aspects de cette affaire compliquée.

Je me permets de signaler à nouveau (Cf le 9 janvier) l'article du Monde Diplomatique qui m'a été recommandé par Josiane :
http://www.monde-diplomatique.fr/2001/11/GRESH/8182

jeudi 15 janvier 2015

Quinze pour moi

La date d'aujourd'hui me fait penser à cette coutume enfantine que l'on avait en Belgique : quand on voit un barbu, on lèche son pouce droit que l'on appuie ensuite sur la paume de sa main gauche en contresignant avec le poing droit fermé et frappant un coup au creux de la même paume tout en disant à haute voix: "Quinze pour moi." C'est mon frère aîné qui m'a appris ce rite alors que je devais avoir quatre ou cinq ans. Nous avions tous les deux grimpé le cerisier du jardin. Mon frère était plus haut que moi. Je me tenais avec les deux bras autour d'une grosse branche. Voulant imiter mon frère, je m'avise d'utiliser mes deux mains comme prescrit et, bien évidemment, je lâche la branche et tombe (comme le fromage lâché par le corbeau de la fable). Mon frère s'est gentiment moqué de moi. Pourtant j'avais eu très peur.

J'ai cuisiné un gratin de céléri rave pour le dîner d'hier. Il était OK mais pas aussi bon que ceux que faisait maman qui, entre autres, réussissait parfaitement ses sauces blanches. Il faudra que je travaille un peu cette question.

En attendant j'ai poursuivi la lecture du livre de Z sur Gaston Bachelard. Je l'accueille aujourd'hui à midi pour déjeuner et nous aurons le loisir d'en discuter. Mais je crois que sa vision de la philosophie de Bachelard va renouveler complètement l'intérêt qu'aussi bien les Anglais que les Français peuvent avoir pour ce philosophe, méconnu ou plutôt, mal compris de part et d'autre de la Manche.

Avant-hier, j'ai donné ma conférence habituelle aux étudiants de Master d'Ana S. à l'Université Nouvelle de Lisbonne. Un public de scientifiques en majorité, peu nombreux certes, mais très attentif et qui m'a remercié très chaleureusement à la fin de ma présentation. Je leur ai parlé de mes travaux sur la communication scientifique mais aussi sur la vision que moi, j'ai, en tant que non-scientifique, de la science. Mon anglais n'était pas terrible mais j'ai quand même l'impression d'avoir réussi à faire passer quelque chose. En tout cas, un certain nombre de questions qu'ils ne se posaient sans doute pas mais dont ils semblent avoir reconnu la pertinence.

mercredi 14 janvier 2015

14/01/15 : Local contre global

Je voudrais revenir un instant sur ce besoin d'ancrage local de l'identité dont l'expression, au détour des grandes manifestations de dimanche dernier, me semble avoir peut-être été l'un des moteurs de cet immense rassemblement à Paris. Ne sommes-nous pas de moins en moins définis par notre environnement matériel immédiat, par les aliments que nous mangeons — soit des fruits ou légumes exotiques et hors saison qui nous parviennent par cargos entiers de tous les pays du monde, soit les produits industrialisés fabriqués à la chaîne et qui, de New York à Buenos Aires en passant par Tokyo, Moscou, Dehli, Durban ou Alger, se retrouvent, identiques à eux-mêmes, dans notre assiette — par les vêtements ou les chaussures (plutôt les chaussures d'ailleurs qui répondent à des exigences de confort plus fortes que celles de l'identité, ce qui fait que l'on peut voir des mollah en djellaba avec des Nike ou des Adidas aux pieds) que nous portons, par les médicaments avec lesquels nous nous soignons, par la langue que nous parlons, par les idées mêmes que nous échangeons, bref ne sommes-nous pas de plus en plus "globalisés", de moins en moins localisés, de moins en moins là, justement. Il ne s'agit évidemment pas de minimiser toutes les nombreuses bonnes raisons qui nous ont poussé à exprimer notre solidarité face au terrorisme criminel et à réaffirmer solennellement notre attachement à certaines valeurs. Mais, il s'agit peut-être, d'identifier l'amorce d'un besoin né de la prégnance de plus en plus marquée du "global" — insensible et insensé —dans nos vies. Le temps viendra peut-être où nous aurons besoin de nos voisins les plus immédiats, quels qu'ils soient, pour nous définir, uniquement parce que, eux au moins, sont présents, avec nous, là. Assistons-nous, sans en être vraiment conscients sans doute, à la revanche du "local" sur le "global" ?

* * *

Ce matin, j'ai regardé l'un des documents que JMLL a recommandé à ses amis, Printemps 45 de Mathias Haentjes. Excellent document qui nous donne une idée assez précise de ce qu'ont pu vivre les gens à cette époque tourmentée. Voici l'URL de ce document :
Par contre, je n'ai pas pu ouvrir les autres documents qui ne sont pas autorisés dans le pays que j'habite ! 

mardi 13 janvier 2015

13 janvier 15 : Chris Marker

Il fait encore nuit et les premiers avions passent au dessus de la ville.

Hier j'ai regardé le film de Chris Marker que m'a envoyé Sasha : Sans soleil. Un très beau film sur le Japon en résonnance étrange avec le Cap Vert et à la Guinée Bissau. J'avais lu le texte du commentaire auparavant. Quand je l'ai lu, j'ai trouvé ce texte extraordinaire de poésie et de justesse sur le Japon. Je revivais mes propres expériences très éphémères du Japon, des trains de Tokyo, des temples de Nara, des supermarchés aux lumières trop blanches, d'un ciel couturé de partout par les fils électriques, des écolières japonaises en chaussettes blanches, bref, le texte me faisait revivre une multiplicité d'impressions rythmant ses propres lignes de fuite avec celles de mon passé, des lignes qui finissent quand même par se rejoindre dans les brumes de l'infini. Les images du film n'étaient pas celles de ma mémoire et les émotions que j'ai ressenties en lisant le commentaire, je ne les ai plus retrouvées en l'écoutant. Il s'agissait bien du même texte. Mais les images lui avaient fait perdre son charme poétique très particulier. Autant ma lecture m'avait ravi, transporté, autant le film, bien que superbe, m'a planté devant l'ordinateur avec un regard moins attentif et des oreilles moins alertes que celles que mes yeux faisaient vibrer en lisant. Je l'ai toujours pensé : le regard d'un lecteur n'a rien à voir avec celui d'un spectateur.

lundi 12 janvier 2015

12 janvier : "Être là"

Quand les premiers rayons du soleil apparaissent au ras des toits de Lisbonne, ils éclairent en premier lieu des éléments métalliques pointés vers le ciel, des antennes, des morceaux de grues ou d'échafaudages, des angles miroitants ce qui fait ressembler la ville à une boule d'épingles d'or. J'exagère un peu certes, car, en parlant de boule d'épingles, on ne peut qu'imaginer beaucoup d'épingles alors que sur le dos de la colline, il n'y en a que quelques unes, comme sur mon propre dos quand je me suis fait soigner par l'acuponcture de Martine ou d'Isilda. Tout ça pour dire que ce matin est d'une luminosité diaphane particulièrement belle.

Nous avons passé une partie de la journée d'hier devant la télévision qui ne parlait que de cette immense élan de solidarité du peuple de France. C'était assez impressionnant, même à la télé. Beaucoup de témoignages recueillis par des journalistes auprès de gens ordinaires venus là, "pour être là" comme le disait l'une des personnes interpellées à qui,on avait demandé :
"Pourquoi êtes-vous là ?". Bref on nageait en plein dasein, car ce n'était certainement pas le seul à ne pas pouvoir rendre vraiment compte des raisons pour lesquelles il était là, juste là, sans plus.  Bien sûr, il y avait la solidarité, la défense de la liberté, de la démocratie, etc., etc. Mais me trompé-je en pensant qu'il y avait aussi ce "là" étrange : je suis un, là, parmi plus de trois millions de Charlie pour ne pas dire autre chose que "je suis là". Cette réponse que j'ai saisie au vol des images qui nous parvenaient était très émouvante et, faut-il le dire, un peu incompréhensible. Est-ce pour cela que les présentateurs ont appelé à l'antenne plusieurs philosophes à la rescousse comme s'ils avaient besoin d'aide pour comprendre. Je ne trouve pas d'ailleurs que ces philosophes nous aient vraiment éclairé. Pourquoi ne pas préserver cette petite (?) zone d'incompréhensibilité dans un événement aussi fantastiquement immense ?

* * *

En en discutant sur Skype avec Samantha ce matin, j'ai évoqué l'idée d'une mise en jeu, dans cet événement, de notre appartenance identitaire et surtout, de sa localisation, ce qui est impliqué par cette insistance sur , dans "être là".  A une époque globalisée où le lieu où l'on vit compte de moins en moins pour définir et engager notre identité, cet événement est devenu un prétexte pour s'opposer à ce décollement de l'identité de son ancrage dans un lieu concret, dans un espace familier. Beaucoup de témoignages ont également évoqué leur motivation par une référence qui faisait appel à l'idée qu'ils participaient à quelque chose d'historique. "Quand mes petits enfants m'interrogeront là-dessus, je pourrai leur dire : "Oui ! J'y étais"." Il faut donner à ce "y" toute l'importance qu'il a quant à la jouissance identitaire qu'il induit. Et la dimension mondiale qu'a pris l'événement a, selon moi, quelque chose à voir avec ce besoin planétaire d'ancrage dans un  dont personne ne pourra jamais gommer l'importance pour les humains. Nous avons assisté au triomphe du local contre le global. Et paradoxalement, il s'agit aussi du triomphe de l'ouverture contre la fermeture. Car rien ne s'ouvre qui ne soit très précisément localisable. 

dimanche 11 janvier 2015

Dimanche 11 janvier : Dormir

Un ciel peuplé, ce matin, de petits moutons rouges et gris, s'enfuyant en troupeaux bien disciplinés vers l'Est et maintenant, à part quelques retardataires qui, manifestement, lambinent en s'étirant, le ciel est de nouveau incroyablement pur : c'est Lisbonne. Comme c'est dimanche, la ville est parfaitement silencieuse. Tout le monde dort. Ce besoin de sommeil des humains est attendrissant. Quelles que soient les violences de la journée, les tourments diurnes qui les assaillent de toutes parts, les explosions de bonheur aussi, les courses échevelées, les précipitations et les maux, à la fin du jour, la plupart des humains s'endorment, se confient dans les bras de Morphée, leurs yeux se ferment et leurs rêves commencent... Je sais, ce rythme n'est pas aussi tranquille et régulier que je le dis : beaucoup d'humains veillent sur ceux qui dorment, beaucoup aussi ne réussissent pas à dormir parce qu'ils sont angoissés ou qu'ils sont traversés par la souffrance. Ce qui est émouvant, c'est cet abandon consenti qui intervient tôt ou tard chez tout être humain, du tortionnaire le plus cruel à l'enfant le plus innocent, de l'intellectuel le plus tourmenté à la jeune femme qui vient de faire l'amour dans le plus grand désordre du corps, des savants les plus incroyablement visionnaires aux soldats boueux des tranchées, des géants boxeurs les plus effrayants aux troupes de jeunes fêtards hululant dans les rues de Lisbonne, tous, à la fin du jour (et parfois de la nuit !), s'endorment...


Les moutons rouges et gris de ce matin sont revenus. Ils sont maintenant tout blancs comme s'ils avaient traversé une rivière, là-haut.

samedi 10 janvier 2015

Entretien d'embauche

Cette nuit, j'ai fait un rêve bizarre : je devais passer un entretien d'embauche. Les candidats passaient l'un après l'autre. Je devais passer devant des hommes d'affaires, style "Demesmaeker" (pour ceux qui ont lu Spirou dans leur jeunesse). L'entretien commence et on me pose des questions sur une soupière cassée par Irène. Je ne sais pas trop de quel boulot il s'agit. Puis tout à coup l'un des membres de ce jury me pose une question en roulant de gros yeux et je m'aperçois qu'il s'agit de mon fils Fabien qui me montre le petit autocollant au revers de son veston (un peu analogue au "Je suis Charlie" que je portais sur mon anorak, avant-hier) sur lequel il était écrit, en rouge cette fois, CEO. Bref c'était lui le patron de la boîte qui voulait (peut-être) m'embaucher. Une prémonition ?

La journée d'hier s'est déroulée en partie devant la télé qui repassait en boucle les deux attentats de Paris et ce qui s'ensuivit en termes d'assauts simultanés vers 17h par les policiers du GIGN et du RAID, avec toutes les réactions politiques et autres (les experts, les militaires, les journalistes, les religieux, l'homme ou la femme de la rue, les lycéens, les automobilistes coincés dans leur bagnole sur le périph, les mères de famille, les témoins, les gens qui ont dû se mettre à plat-ventre dans leur propre appartement pour éviter les "balles perdues", celui qui a serré la main du terroriste en croyant qu'il s'agissait d'un policier "qui ne tue pas les civils", bref tous les acteurs possibles et imaginables — même les inimaginables —, sollicitées pour faire le point toutes les deux minutes. J'étais scotché. Pas suffisamment cependant pour ne pas faire quelques courses, lire, et surtout visionner le petit film de 52' d'Hervé Nisic, L'Espace d'un homme, consacré à Alexandre Grothendiek que j'ai trouvé très réussi. Le metteur en scène a cependant le projet d'en faire un long métrage semble-t-il, ce dont on peut se réjouir.

vendredi 9 janvier 2015

A Lisbonne aussi...

... somos todos Charlie !
Une petite manifestation hier au bout de l'avenue de la Liberté réunissant un millier de personnes environ avec beaucoup de français bien sûr, mais aussi beaucoup de Lisboètes, scandant "liberté de la presse", "je suis Charlie", "liberté d'expres-sion" et chantant la Marseillaise. Nous y étions. Charlotte y a retrouvé des amis du lycée. Des grands, pas ceux de sa classe. Nous y avons retrouvé quelques amis également. Pierre-Yves et Pascal étaient avec nous. Il y avait des bougies et beaucoup de chaleur. Nous sommes allés manger dans le quartier ensuite. Voici deux photos :
Pierre-Yves et Pascal s'en vont aujourd'hui. D'ailleurs je suis étonné qu'ils ne soient pas encore réveillés.
Hier j'ai préparé une tarte au fromage et aux tomates pour Z. qui l'a appréciée. Malheureusement il est encore quelque peu dépressif. Il a toujours mal à son côté gauche suite à une mauvaise chute chez lui pendant la nuit de Noël. Cette douleur avec en plus ce froid inhabituel auquel on ne peut pas échapper même dans les maisons où il n'y a pas de chauffage, c'est un peu dur à supporter surtout quand on est très solitaire comme lui. Je crois que nos déjeuners du jeudi le réconfortent un peu.

Bien sûr, j'ai continué à suivre les nouvelles sur France Inter et sur TV5 où sévit toujours Pujadas avec ses questions si souvent ridicules. J'ai en particulier repris le débat organisé par Médiapart dans ses propres locaux et qui réunissait des représentant de toute la presse française. Un débat intéressant où il s'est dit des choses intelligentes et sensées bien que ancrées dans des perspectives très différentes les unes des autres. C'est là qu'on sentait le mieux l'unité et la solidarité du monde des journalistes. Sans eux, mais surtout sans le courage dont ils font parfois preuve pour exprimer autre chose que les détails du consensus mou des mass médias, il n'y a pas de démocratie et pas de liberté. Je sais que ce que je dis est évident depuis les réflexions de Tocqueville sur la démocratie en Amérique, mais il ne faut pas se lasser de le répéter.

Dans les slogans proférés à Lisbonne, il y avait aussi "ON N'A PAS PEUR". En fait, si, on peut avoir peur, comme je le disais à Charlotte mais cette peur ne doit pas nous empêcher de faire ou de dire ce qu'on croit juste. Je ne sais plus qui a dit que l'essentiel c'est de ne pas avoir peur de la peur. Celle-ci est normale et très humaine. Le principal c'est de faire en sorte qu'elle ne nous paralyse pas. La grande vertu est celle du courage et les journalistes de Charlie Hebdo en avait beaucoup. Oui ! sur ce plan, ce sont bien de véritables héros.

jeudi 8 janvier 2015

8 janvier : Je suis Charlie

Oui ! les larmes me sont venues aux yeux quand j'ai écouté les nouvelles sur l'attentat d'hier. Ils nous faisaient rire. Maintenant nous pleurons. Ce crime est tellement injuste, tellement bête. C'est peut-être cela qui fait le plus mal : la bêtise brute des hommes armés de kalachnikov. Comme si le pouvoir d'une arme nous dispensait de toute pensée. Il n'y a plus qu'à tirer. C'est vite fait. C'est à la portée de n'importe quel con obéissant. Quelle tristesse.

Il fait très froid ce matin à Lisbonne. 4°. Charlotte me disait qu'hier il avait fait 0°. C'est vraiment très rare dans un pays où les maisons ne sont pas chauffées. Bref, j'ai froid. Froid au corps et au coeur.

J'ai fait un rêve étrange cette nuit. Ça se passait autour de la vieille Dodge (1936) décapotable de mon père. Il fallait déménager d'Angleterre, de Bleachfield pour être plus précis, quartier du campus de l'Université de York où j'habitais avec Irène et nos deux enfants. Mais dans mon rêve, je déménageais avec Isabel. C'est Fabien qui conduisait la Dodge, dont le moteur dégageait une fumée blanche qui s'échappait de partout. Nous rangions le métal avec le métal, le bois avec le bois. Il y avait un portrait d'Irène qu'il fallait aussi emmener, un portrait comme une icône ancienne et qu'il fallait transporter avec précaution pour ne pas casser le verre. Je mettais les autres cadres qui ornaient la maison dans un panier. Quel rêve étrange.




mercredi 7 janvier 2015

Mercredi 7 janvier : Méditer

Cette nuit, je me suis réveillé à vers 4h en vue de faire une bonne heure de méditation mais — cela m'arrive rarement — je me suis rendormi tout aussitôt pour faire un rêve au cours duquel, je méditais justement. Malheureusement, il semblait y avoir beaucoup de bruit autour de moi ce qui fait que ma méditation onirique fut très perturbée. Je ne me suis réveillé ensuite qu'à 7 heures ce qui fait trois heures de méditation ! Enfin, bon !

La colline porte un voile de brume aujourd'hui ce qui donne au paysage urbain vu de ma fenêtre une dimension très éthérée, comme s'il s'agissait d'un tableau aux couleurs passées. La journée s'annonce très belle et je dois aller à l'Université aujourd'hui pour parler d'un projet de recherche auquel je devrais être associé avec Z. Par ailleurs, une équipe de l'Université d'Evora demande ma contribution sur un autre projet de recherche portant sur l'histoire de la physique française et de sa diffusion publique à la fin du XIXe et au début du XXe (jusqu'en 1928). Le projet me paraît intéressant aussi leur ai-je donné mon accord. Peut-être que cela me permettra de mieux connaître la ville d'Evora qui vaut une visite approfondie.

Hier j'ai visionné sur mon ordinateur un vieux film de Susan Sonntag sur les cannibales (il s'agissait plutôt d'un cannibalisme psychique). J'ai été très déçu.

mardi 6 janvier 2015

6 janvier 15 : "Etre plus léger"

Pas une seule étoile dans le ciel de Lisbonne. Si les rois mages devaient passer par ici, ils se seraient sûrement perdus.  Le beau temps est-il fini ? On ne peut pas encore le dire à cette heure.

Un peu déçu par Volodine, je suis allé sur le net pour regarder le livre Nous autres, de Zamiatine, cité dans un article que je lisais sur Bachelard. Je n'ai pas vraiment compris la raison de cette référence mais j'ai commencé à lire Zamiatine et sa description de ce monde étrange qu'il concevait dans les années 20, un monde totalement dominé par les mathématiques, par la rationalité mathématique, le découpage strictement rationnel du temps, l'universalisation d'une contrainte qui ne laisse plus aucune place au libre-arbitre. Dans le monde qu'il nous présente, les hommes ont réussi à se débarrasser de cette attitude primitive fondée sur une revendication de liberté, celle-ci étant la principale source des souffrances humaines.  J'ai "feuilleté" pour ainsi dire cet ouvrage, lisant les premières "notes" et les dernières mais j'y reviendrai certainement dès que l'occasion se présentera à nouveau.

J'ai également été attiré par le récit autobiographique de Maude Julien, récemment publié semble-t-il. L'auteur a été séquestrée par son père (et sa mère qui n'y trouvait rien à redire, apparemment) pendant 19 ans. Son père voulait l'endoctriner pour en faire une "super-woman" destinée à sauver l'humanité. Elle a grandi, passant d'épreuves en épreuves, sous la férule de ce père tyrannique, animé par des fantasmes de toute-puissance dignes d'un enfant de 5 ans.  En tout cas, le livre a l'air intéressant et je l'achèterai sans doute lors de l'un de mes prochains voyages en France.

Avec un ciel si bas à Lisbonne et ces évocations livresques, il semble que le thème de l'enfermement s'impose à mon attention aujourd'hui. J'y reviendrai.

"S'il y a une chose que j'ai apprise avec l'âge, disait Grothendiek (dans une émission de France Culture dont je donne l'adresse URL ci-dessous), c'est à être plus léger." Généralement pourtant, l'âge nous rend plus lourd et plus lent, comme en prévision de cette immortelle immobilité qui nous met tout entier et pour toujours entre les mains des lois de la gravité. Voici l'adresse promise :

http://www.franceculture.fr/emission-la-marche-des-sciences-entre-ombre-et-lumiere-alexandre-grothendieck-ou-la-vie-du-plus-gran

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J'apprends à l'instant la disparition, le 1er janvier dernier, à l'âge de 70 ans, d'Ulrich Beck, l'auteur de La Société du risque, un sociologue allemand qui avait beaucoup d'idées originales et une vision politique des évolutions du monde contemporain très intéressante et bien documentée. Triste nouvelle pour ceux qui sont encore là et qui se souviendront de lui.

lundi 5 janvier 2015

5 janvier 15 : Retour en classe

C'est aujourd'hui que Charlotte retourne au lycée pour entamer son deuxième trimestre.  J'espère que tout ira bien. En tout cas elle vient de se lever d'elle-même sans que j'aie eu besoin de la réveiller trente six fois avant qu'elle ne daigne sortir du lit.

Dehors il fait très sombre. C'est encore la nuit. Les premiers avions arrivent et j'entends le grondement sourd de leurs moteurs. Coup de fil de Martine hier avec des nouvelles de Duncan, Natasha, Marcus, Justine et Dominique, la branche britannique de la famille. Il faudrait contacter Natasha à propos du projet luxembourgeois. Pierre-Yves et Pascal sont toujours là. Très joyeux comme d'habitude. C'est un plaisir de les avoir.

Je suis en train de lire Terminus radieux d'Antoine Volodine.  Une sorte d'essai de science-fiction sans beaucoup de science et dont la fiction ne me convainc pas jusque maintenant. Les vraiment bons livres, ceux qui vous piègent dans une lecture attentive et prolongée, sont rares. J'en ai commandé deux à Book Depository. Je me réjouis de les recevoir bientôt.


dimanche 4 janvier 2015

4 janvier 15 : Il y a 55 ans...

Maman est morte aujourd'hui, il y a 55 ans. C'était le matin. Nous étions cinq d'entre nous réunis autour de son lit d'hôpital. Les deux plus jeunes n'y étaient pas. Et l'aîné était reparti vers la Belgique où il faisait ses études, deux jours auparavant. Nous attendions qu'elle ne respire plus. Je me sentais suspendu à son souffle. Les intervalles de temps étaient de plus en plus longs entre chaque inspiration.  Elle semblait inconsciente. Nous aurions dû nous rapprocher d'elle, la tenir dans nos bras, mais non, mon père nous avait placé à distance de son lit, le long du mur de la chambre, en demi-cercle, pour la voir mourir. J'avais le sentiment qu'elle était très seule, offerte à nos regards, sur son lit. Elle n'avait pas encore 50 ans.  A un moment donné, alors que j'attendais la prochaine respiration, il n'y a eu plus rien. Nous avons attendu un bon moment. Ce n'est qu'après coup que l'on peut se dire qu'elle avait respiré pour la dernière fois. Son dernier souffle.

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Le ciel de Lisbonne ressemblait à un dôme oriental, entièrement doré, vers 7 heures. Et maintenant, les premiers rayons frappent les surfaces vitrées des maisons sur la colline en face de ma fenêtre, faisant briller la ville de mille pépites. Encore une belle journée, comme celle d'hier, quand nous sommes allés sur la plage de Guincho, voir le soleil se coucher à l'horizon, une boule de feu tombée dans la mer dont les barres d'écume ressemblaient à des sourires éthérés. Nous avons marché assez longtemps sur la plage, tout au bord des gestes retenus de l'eau.

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Je rajoute un verbe en liaison avec le souvenir de cette mort.

Mourir

 On respire encore une fois. C’est un effort. Le temps passe. Les instants se comptent jusqu’à l’avant-dernier, le dernier peut-être ? Non. Quelle difficulté : mes côtes ont le poids de l’univers tout entier. Il n’y a plus d’air nulle part. J’attends. L’air revient, entre à nouveau dans mes poumons si lourds, si encombrants. Ils prennent toute la place de la chair. Le corps est au bout de lui-même déjà prisonnier de cette fabuleuse inertie qui m’envahit, petit à petit, comme en douce. Pas encore, cependant : la vie s’accroche, sans le moindre mouvement si ce n’est celui de l’air, pénétrant de plus en plus difficilement, de plus en plus lentement, sporadiquement, sourdement, compulsivement. Le dernier instant est-il passé ? Non. Un souffle s’ébauche. Il n’est plus que la moitié de lui-même : court, le plus court possible, comme pour laisser la place au suivant qui, de nouveau, se fait attendre, indéfiniment, car il est déjà dans le passé. Dans un lointain qui abolit tous les lointains.
Le plus intransitif de tous les verbes de la langue : mourir. Sans même pouvoir dire : « Je meurs. »