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jeudi 28 février 2019

Givre

Ce matin, quand je suis sorti du bâtiment de l'internat du Lycée Ermesinde, un voile blanc de givre recouvrait les choses, les plantes, les bancs où il fait bon s'asseoir en été, les dalles, et plus loin, les toits. Le givre est l'une des plus belles inventions de la nature. Évidemment, l'air est froid. Le ciel était d'un bleu immaculé avec des bordures dorées à l'horizon. Quelques avions entamaient des écritures désordonnées, à peine ébauchées, vites abandonnées. L'eau de la douche était beaucoup plus froide qu'à Lisbonne. Je suis sorti tout rouge de la douche, comme une écrevisse ou un homard que l'on sort de la casserole. Mon fils Fabien a pris quelques jours de vacances pour skier dans la montagne. Je présume que sa douche du matin doit être aussi glacée que celle à laquelle j'ai droit à Luxembourg. 

mercredi 27 février 2019

Yourcenar

Je suis tombé par hasard sur le livre de Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien, que j'ai lu il y a longtemps mais que j'ai décidé de relire, hier soir, pour goûter à nouveau du plaisir de cette belle écriture. Je vais emmener le livre à Luxembourg. Il me fera passer rapidement les heures d'avion avec la compagnie exécrable Ryannair qui m'offrait des billets pas trop chers. Je pars cet après-midi vers 16h pour arriver là-bas à 20h45. Il fait très bon à Lisbonne aujourd'hui mais, d'après la météo, l'air est plutôt froid à Luxembourg. 

mardi 26 février 2019

Kiruna

C'est le nom d'une ville minière au nord de la Suède, en Laponie où les Samis, éleveurs de rennes, sont en danger. C'est aussi le titre d'un petit livre de Maylis de Kerangal qui nous raconte son voyage à Kiruna, au milieu des mineurs qui extraient un minerai de fer excellent des profondeurs de la terre. Il y fait froid, très froid même. Une communauté humaine s'est organisée là-haut —pourquoi plaçons nous le Nord en haut ? en haut des cartes qui ornaient nos salles de classe, certainement— avec des hommes d'abord, puis quelques femmes et ensuite des familles entières. Toujours cette écriture superbe. J'ai lu ce petit livre hier soir et cela m'a procuré un sommeil très reposant malgré un rêve érotique assez fatiguant ! 

lundi 25 février 2019

Administration

Ce matin, je suis allé aux impôts portuguais. Je suis d'abord tombé sur une fonctionnaire qui, manifestement, ne faisait aucun effort pour comprendre le problème que je lui exposais. Elle m'a rembarré de manière assez brusque malgré mes efforts pour lui exposer ma situation en portuguais. Il faut dire que ce n'était pas brillant. Bref elle me renvoie au service "contentieux". Je suis obligé de refaire la queue comme si je venais d'arriver alors que cela faisait deux heures déjà que j'attendais. Finalement, arrive mon tour après trois heures d'attente. Cette fois, au service "contentieux", je tombe sur une dame charmante, souriante et pleine de bonne volonté qui parle français, anglais et sans doute bien d'autres langues. Elle prend mes papiers et me dit que tout est en ordre. Il faut simplement que je signe mes déclarations —qui avaient été rédigées en portuguais par Isabel—. Et voilà. En cinq minutes tout était réglé. J'ai juste eu le temps de louer un scooter électrique pour aller à mon rendez-vous à l'Université, avec Isabel Serra, avec qui j'ai déjeuné. 

dimanche 24 février 2019

Impatience

Au fur et à mesure que le chantier avance, je me sens moi-même de plus en plus impatient de l'habiter. Cela va changer ma vie, encore une fois. Je crains un peu les moments du déménagement. Il va falloir à nouveau mettre les livres en caisse et porter les caisses. Hum ! Bon... Je me réjouis trop vite car, en réalité, il y a encore beaucoup à faire —le premier étage n'est pas commencé, et les escaliers ne sont encore que des échelles instables—, bref, je ne suis pas sûr du tout que nous pourrons fêter le 25 avril sur notre terrasse. Enfin, nous verrons. Mais, ce qui est sûr, c'est qu'à Noël nous pourrons certainement recevoir toute la famille !

samedi 23 février 2019

Concert (bis)

Bon... je n'ai pas pu terminer mon message qui fut interrompu par une urgence. Mais le concert au programme duquel il y avait César Franck (Sonate en la majeur pour piano et violoncelle) et Sergei Rachmaninov (Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur) m'a beaucoup plu. C'était vraiment très agréable. Les interprètes étaient Maria José Falcão au violoncelle et Anne Kaasa (une amie de notre ami Richard) au piano. Et voilà qu'aujourd'hui, nous allons aller à Cascaïs pour un concert qui a programmé Schubert. En principe Charlotte et Johni viendront avec nous. Je m'en réjouis.

vendredi 22 février 2019

jeudi 21 février 2019

Yumeno


Yumeno Kyûsaku est l'auteur du livre que j'ai commencé à lire hier : Dogra Magra, roman qui a été publié pour la première fois au Japon en 1935 et qui raconte une histoire étrange se déroulant dans un asile psychiâtrique. Ce roman est traduit du japonais par Patrick Honnoré et l'on se demande vraiment, d'après ce que l'on ressent soi-même en le lisant, quels seraient les effets de cette écriture sur un lecteur natif. J'ai longtemps cru —et je crois encore— que la réflexivité n'est véritablement possible qu'avec la dimension orale de la langue mais l'écriture de cet auteur japonais me fait tout-à-coup douter de cette proposition. Il met en scène un étudiant amnésique —je travaille sur cette question en ce moment en vue d'une préface au livre de mon amie Christine sur l'amnésique de Collegno— qui fait l'objet d'une expérimentation psychiâtrique : s'entremêlent ainsi dans cette écriture, mais surtout dans la lecture qui en résulte, la science, la mémoire, le crime, la beauté d'une femme, le temps et l'angoisse. 

mercredi 20 février 2019

Antisémitisme

Le problème de la dénonciation de l'antisémitisme et des manifestations scandalisées —très politiquement correctes qui vont avec—, c'est que l'écho spectaculaire que les médias n'hésitent pas à leur donner lui assure une sorte de publicité involontaire —ou peut-être pas si involontaire que ça— dont les effets sont incontrôlables. En plus, on ne peut pas s'empêcher de craindre que cette outrance médiatique ne serve un peu trop les intérêts politiques très concrets du premier ministre israélien qui tient beaucoup à ce que l'antisionisme soit assimilé à l'antisémitisme pour profiter de l'unanimité qui condamne à juste titre ce dernier. Curieusement, c'est à la veille du dîner annuel du CRIF que, tout-à-coup, se déclenche à nouveau la mise à jour des réactions bienpensantes aux flambées de haine antisémite. [Voir ici sous le titre "Vallsaille" ce qui se passait l'an dernier en mars] Enfin, on peut voir également que le gouvernement français n'est pas, lui non plus, complètement désintéressé par cet unanimisme qui, malgré des protestations rendues timides par leur faible résonance médiatique, risque de porter atteinte au mouvement des gilets jaunes et aux revendications de bon sens qu'il tente de faire reconnaître. La volonté de se désolidariser radicalement des expressions de haine qui furent lancées —notamment à l'adresse de Finkielkraut—, rencontre des obstacles en raison même de la diversité qu'il a réussi à rassembler sans la réduire justement. C'est bien cette diversité qui, jusqu'ici, a fait l'intérêt de ce mouvement de fond en quête de justice. Heureuse et précieuse diversité qui échappe malgré tout aux tentatives de sa domestication politique par le grand débat. C'est bien cette diversité qui pose problème au pouvoir. Comme le dit souvent mon ami Jeannot Medinger quand il parle des élèves, la diversité est perçue comme une complication pour toute politique. C'est pourtant là-dessus qu'il faut miser pour que le monde puisse continuer de changer, non ? Car, s'il arrête de changer, ce monde, il arrêtera en même temps de vivre.

Bleus

J'ai oublié de mentionner ce qui m'est arrivé lundi dernier lors de mon rendez-vous chez l'ophtalmologue d'abord, chez l'oculiste ensuite. L'ophtalmologue est une femme plutôt âgée qui parle un bon français et qui m'examine longuement avec tous les appareils les plus modernes de la médecine des yeux. Finalement, elle décèle une cataracte à l'œil gauche et, en ce qui concerne ma vision, elle me diagnostique trois troubles : début de myopie, presbytie et hypermétropie (si je me souviens bien !). Elle me prescrit de nouvelles lunettes progressives et, bien entendu, je me pose la question de savoir s'il faut vraiment faire faire ces nouvelles lunettes qui coûtent assez chères ou bien attendre l'opération de la cataracte à l'œil gauche pour voir ce que ça donne. Elle me recommande l'oculiste voisin où je me rends aussitôt. Je rencontre ainsi une jolie femme très aimable qui me montre toute une série de montures. Elle me conseille également, si j'achète de nouvelles lunettes, de prendre des verres qui se teintent légèrement à la lumière du soleil, puis, me regardant attentivement, elle ajoute : "Avec vos yeux bleus qui sont plus sensibles, cela vaut mieux !" Je ne peux m'empêcher de rire intérieurement. Sur mon passeport j'ai les yeux marrons. Certes, un cercle légèrement bleuté entoure mes pupilles et c'est sûrement sur cette base que Charlotte a toujours prétendu que j'avais les yeux bleus, ce qu'Isabel dément énergiquement, bien sûr. J'ai toujours été fasciné par les controverses sur la couleur des yeux, surtout après la mort des personnes concernées. D'ailleurs j'hésite encore moi-même assez souvent sur la couleur des yeux de mes propres parents.

mardi 19 février 2019

Cons

Après les cauchemars d'hier, j'ai fait cette nuit un rêve magnifique qui m'a envahi d'un sentiment de "joie souveraine" surprenant. C'était une petite route de campagne, une campagne analogue à celles du Périgord décrit par Maylis de Kerangal et dont le film de Claude Chabrol, Le Boucher, que j'ai vu hier sur Arte, nous montre les images prises d'une 2CV de laquelle on voit défiler, dans la lumière des phares, des arbres aux feuillages roux, une petite route donc, où je me retrouvais avec Zbyszek, quelqu'un d'autre (une femme) et Geneviève S. Avec Z., nous nous apprêtions à aller déjeuner dans les Vosges, mais à l'idée que Geneviève resterait seule pour déjeuner, je propose à Z. de l'emmener avec nous quitte à nous restaurer avant d'atteindre les Vosges. Nous passons des barrières en bois et j'aide Geneviève à traverser les obstacles. Je sens son corps dans mes mains, un corps qui m'apparaît comme une sorte de complice érotique, sans pour autant que ce soit sexuel. J'ai l'impression que la "joie souveraine" que j'évoquais plus haut venait de là. 

Je me suis réveillé au milieu de la nuit et je me suis mis à lire le livre que je venais d'acheter à la librairie française : Que faire des cons ? de Maxime Rovere dont j'ai parlé avant hier dans ce blog. J'ai presque fini le livre et je l'ai trouvé vraiment très intéressant. Pas toujours très facile à lire mais certaines des remarques et des conseils de l'auteur sont percutants. Il écrit, page 33 : "Oui! Plus vous savez et sentez que le con est un con, plus vous perdez votre pouvoir de bienveillance, plus vous vous éloignez de votre propre idéal humain, et plus vous vous transformez vous-même... exactement en proportion... en un être hostile, c'est-à-dire en un con (la preuve en est, en particulier, que vous devenez le con ou la conne du con)."

Tous les gilets jaunes devraient lire ce "petit livre jaune" qui nous incite à une réflexion philosophique étonnamment pertinente, dénuée d'arrogance ou de prétention. 

lundi 18 février 2019

K.O

Grâce au groupe de lecteurs/trices de jeudi dernier, j'ai retrouvé hier Maylis de Kerangal dans son premier roman, Je marche sous un ciel de traîne (Verticales/Le Seuil, 2000), auquel je suis resté accroché, comme suspendu par son écriture, jusqu'à la fin, que je n'ai pu découvrir que vers 2h du matin, après quoi, une longue insomnie m'a tenu réveillé jusque vers 6 heures pour faire déboucher mon esprit sur des cauchemars pendant un peu plus de deux heures. Bref, je suis un peu K.O aujourd'hui. Hier soir également, nous sommes allés voir le film Green Book. Il y avait Isabel, Richard, Charlotte, Johni et moi. Un film magnifique, vraiment, qui nous raconte ces tensions terribles qui pouvaient exister entre la communauté noire et la communauté blanche dans le sud des Etats Unis. Malheureusement on y identifie très vite cette manipulation professionnelle et très américaine, très stéréotypée aussi, des émotions faciles. Ce qui n'est pas du tout le cas de l'écriture de Maylis de Kerangal. C'est une écriture qui émeut, par les images parfois incongruës qu'elle sort au détour d'une description comme comme si elle n'avait qu'à choisir un bijou de sa boîte aux trésors : tout à coup, on y est, on ressent très précisément ce qu'elle nous fait comprendre avec cette image qui nous surprend. Le roman se déroule dans le Périgord et pour peu que l'on connaisse un peu la région, même très superficiellement, on se retrouve dans un lieu incroyablement familier, c'est une écriture qui nous rapproche de nous-mêmes et du monde dans lequel nous vivons, curieusement, elle fait vibrer nos émotions, mais pas du tout à la manière d'un film américain, elle réveille des sentiments que l'on a vécus comme elle dit, une écriture juste. 

dimanche 17 février 2019

Rovere

J'ai vu l'annonce de ce livre, Que faire des cons (pour ne pas en rester un soi-même) ? écrit par Maxime Rovere, spinoziste et professeur de philosophie à l'université catholique de Rio de Janeiro, et dont l'Express a rendu compte de façon légère (on aurait aimé en savoir plus). D'après l'auteur de l'article, il est nécessaire de négocier avec les cons : "...face au bloc d' "inquestionabilité", qu'est le con, face à son inaptitude à tout "retour sur soi", le spinoziste sait qu'il est inutile de tempêter, de vaticiner, de s'emporter. Haïr le con, abominer la conne, leur faire la leçon n'est pas plus recommandé. Ni blâmer, ni juger. Comprendre." Ces mots sont tirés de l'article, malheureusement trop bref d'Alexis Lacroix dans l'Express. Maxime Rovère est aussi lecteur et admirateur de Fontenelle, comme Georges Gusdorf, qui m'a, à son insu, passé le virus d'une grande admiration pour ce philosophe du XVIIIe, un peu méprisé par la philosophie.  Il faudrait que Sasha, quand elle sera à Rio, prenne contact avec ce Maxime Rovere. 

samedi 16 février 2019

Le Turquetto

C'est un magnifique roman de Metin Arditi, que je viens de terminer. L'histoire d'un peintre fictif, contemporain du Titien, à Venise, au XVIe siècle. L'auteur a inventé l'histoire de ce peintre dont on ne connaîtrait qu'un seul tableau, qui porte la signature du Titien mais le T initial de cette signature a été peint, selon un rapport d'analyse fictif effectué par le Musée de Genève, avec un matériau chimiquement bien différent du reste ICIANUS. D'où l'idée qu'il ne s'agit pas du Titien mais d'un peintre inconnu, au talent fabuleux, qui aurait été l'auteur de centaines de toiles ayant décoré toutes les églises de Venise mais qui furent victimes d'un autodafé, parce que leur auteur était juif, venu de Constantinople. Le Titien aurait sauvé la seule toile connue de ce peintre en faisant suivre l'initiale du Turquetto par son propre nom. Le roman est magnifiquement bien écrit. Un livre à déguster lentement.

Uber

Avant-hier soir, juste après la réunion de mon groupe de lecteurs/trices, 'ai voulu rentre avec Uber. Il était tard, je n'avais pas mangé et il faisait froid. J'appelle donc un "Uber". On m'annonce qu'il sera là dans quatre minutes. J'ai attendu plus d'une heure et Uber n'est jamais arrivé. En fait, je crains que le système de localisation n'a pas fonctionné corretcement. Je voyais bien sur mon iPhone, une voiture se rapprocher de là où j'étais, mais j'ai l'impression qu'elle faisait du surplace assez loin de l'endroit où j'attendais, avec de plus en plus d'impatience. Un autre Uber a pris le relais sans plus de succès, malheureusement. Ce qui fait que j'ai pris vraiment froid et que j'ai passé la journée d'hier au fond de mon lit, sans rien manger ni boire, avec une céphalée assez douloureuse. En plus, après avoir finalement pris un taxi qui m'a coûté 5 euros, je m'aperçois qu'Uber me facture 2,50 euros pour annulation de la course alors que je n'ai rien annulé du tout et que c'est eux qui, ne me trouvant pas, ont fini pas annuler. J'ai l'impression d'avoir été complètement eu. 

jeudi 14 février 2019

42

D'après le blog de mon fils Fabien, ce matin (voir ici), son propre fils, Louis envisage de s'inscrire  à l'École 42 fondée par le très riche Xavier Niel et dont j'ai déjà parlé dans ce blog (voir ici). C'est une école sans enseignants où l'on peut s'inscrire quand on a entre 18 et 30 ans. Il y a quelques règles, certes, mais elles ne sont pas nombreuses et l'école a connu un grand succès. Elle a été classée meilleure école de code au monde. Elle a engendré pas mal d'établissements 42 fonctionnant selon les mêmes principes, notamment à Luxembourg semble-t-il. C'est une école où les étudiants sont totalement libres de passer le temps qu'ils veulent à l'école. L'étudiant que j'avais rencontré à Paris me disait qu'ils pouvaient rester pratiquement toute la nuit. Je ne sais pas si c'est encore possible. Mais pour les jeunes, c'est intéressant.

mercredi 13 février 2019

Capharnaüm

Hier soir nous sommes allés tous les quatre voir le film Capharnaüm de Nadine Labaki, film libanais semble-t-il, qui parle de la manière dont les enfants vivent la grande misère de leurs parents et d'eux-mêmes dans les faubourgs de Beyrouth. Un très beau film qui nous fait voir les intérieurs des taudis libanais et le désespoir que peuvent vivre les enfants abandonnés par leurs parents, livrés totalement à eux-mêmes dans un monde d'adultes qui ne sont pas vraiment tendres avec eux. 

mardi 12 février 2019

Sociang

Le ciel est magnifique ce matin : immense, bleu, sans la moindre petite tache blanche ou grise.

Hier soir, j'ai repris 1984, de G. Orwell, dans sa nouvelle traduction chez Gallimard, effectuée par Josée Kamoun en comparant cette nouvelle version à l 'ancienne (Amélie Audiberti) et à l'original. L'innovation la plus importante est certainement la traduction de newspeak, connu en français comme "novlangue", traduction que j'ai moi-même dénoncée à plusieurs reprises dans la mesure où elle faisait disparaître la dimension orale de cet usage de la langue en Océania. On lira maintenant "néoparler" mais je crains fort que le novlangue soit si bien ancré dans les habitudes des lecteurs d'Orwell que le nouveau terme risque de ne pas avoir le succès qu'il mérite. Je me demande aussi pourquoi cette nouvelle traduction d'Orwell n'a pas traduit l'entièreté de l'appendice fourni par l'auteur pour décrire les principes fondamentaux du newspeak. Il y a d'ailleurs des traductions qui me semblent moins heureuses que dans l'ancienne version. Orwell nous donne l'exemple d'une phrase trouvée dans un article du Times de l'époque : Oldthinkers unbellyfeel Ingsoc censée signifier en anglais traditionnel : Those whose ideas were formed before the Revolution cannot have a full emotional understanding of the principle of English Socialism (p. 245). L'ancienne version nous donne : "Ancipenseur nesentventre Angsoc." La nouvelle traduit de la façon suivante : "Les obsopenseurs intriperessentent le Sociang." Je préfère l'ancienne version dans ce cas. Le but du néoparler était, selon Orwell, de restreindre considérablement le champ de la pensée en édulcorant le vocabulaire, en supprimant le plus de mots possible. Ceci, en supposant, comme le dit l'auteur lui-même, que la pensée dépend des mots. Ce qui est loin d'être évident. J'aurais plutôt tendance à dire que les mots canalisent la pensée en lui faisant prendre des chemins étroitement balisés, socialement bien reconnus. Mais l'art nous montre à quel point il peut y avoir de la pensée hors les mots. Même la poésie qui nous dit, en mots, le silence des mots, nous prouve l'indépendance relative de la pensée vis-à-vis des mots.

Ci-dessous une page manuscrite de 1984.

  

lundi 11 février 2019

Caroline

Caroline de Bendern, la Marianne de mai 68, a publié sur Facebook un petit film amateur, sans doute réalisé avec un smartphone, montrant cette bataille entre gilets jaunes et gilets jaunes. On ne sait pas quels sont les allégeances idéologiques des uns et des autres, seule leur position respective est parlante, deux groupes d'hommes avec un vide de quelques mètres au milieu, puis... après le jet d'un objet quelconque, les deux groupes en viennent aux mains : ils se battent entre eux. C'est une bagarre totalement futile. Personne ne peut gagner. Au bout d'une minute ou deux, un certain nombre de belligérants se regroupent et se séparent de leurs ennemis qui les poursuivent mollement. Cette scène de rue est tellement absurde, tellement dérisoire qu'on ne peut s'empêcher de poser la question de savoir ce qui l'a déclenchée. Une agressivité innée, programmée par l'instinct ? Testostérone contre testostérone ? J'ai déjà vu des hommes qui, après une bagarre de ce genre, semblaient satisfaits : "On leur a foutu une sacrée raclée !" On sent très bien l'existence d'une certaine jouissance à avoir tabassé son prochain. Étrange. Il vaudrait bien mieux que les deux camps s'entendent pour lutter ensemble contre la menace la plus angoissante et la plus sérieuse aujourd'hui, celle du réchauffement climatique, comme le soutient à juste titre mon fils Fabien dans son blog (voir ici).

Cet après-midi, je vais subir ma dernière séance de chimio locale, la cimio n°12. Ouf !

dimanche 10 février 2019

Eastwood

Nous sommes allés voir The Mule, le dernier film de Clint Eastwood. C'est un beau film qui ne donne pas dans une sentimentalité facile comme beaucoup de films américains mais qui, pourtant, exprime beaucoup de tendresse pour l'humain et les fleurs. C'est aussi un film sur la vieillesse, l'innocence très coupable de la vieillesse ou la culpabilité très innocente des vieux. Les vieux ne comprennent plus très bien le monde qu'ils sont en passe de quitter mais le monde ne les comprend plus très bien non plus. Le jeu de Clint Eastwood est magnifique. Il ne se met jamais vraiment en colère et il peut affronter les policiers sans cilier. Un beau film, vraiment.

*  *  *

À signaler également, la mort de Tomi Ungerer, ce dessinateur génial qui a publié une quantité incroyable de livres pour enfants et de dessins érotiques. Il avait un humour très singulier. Léger. Souvent très sérieux par ces implications Je me souviens en particulier de la biographie de cet ours en peluche que j'ai souvent raconté à Charlotte.  Un petit ours très amoché par la guerre et la rupture entre deux amis. Pourtant, si je me souviens bien de la fin, c'est encore ce petit ours en peluche qui fait que les deux amis se retrouvent. Un auteur fascinant qui a son propre musée à Strasbourg. À visiter et revisiter à l'occasion. Lors de mon prochain passage à Strasbourg je pourrais y aller avec Célia et Joacquim.

Erreur

J'ai parlé hier de recyclage à propos du dernier roman de Javier Cercas et je me suis complètement trompé. J'avais déjà lu le roman en question, il n'y a pas si longtemps, d'ailleurs. J'ai dû en parler dans mon blog. Mais après avoir fait une recherche avec l'entrée "Cercas", je ne trouve pas mention du Monarque des ombres. C'est très étrange. Ce qui m'a trompé, c'est la vision du bandeau publicitaire qui entourait le livre en annonçant "Prix André Malraux". Je l'ai acheté en me disant "tiens ! encore un Cercas", alors que je l'avais déjà. Je ferai don de mon exemplaire surnuméraire à mon ami Richard.
Nouvelle erreur : j'ai finalement retrouvé les traces de ma lecture du Monarque des ombres. Ça se trouve à la date du 21 septembre dernier sous le titre "Estrémadure" (voir ici).

samedi 9 février 2019

Recyclage

Je suis en train de lire le dernier livre publié de Javier Cercas, Le Monarque des ombres (Actes Sud, 2018, traduit par Aleksandar Grujičić avec la collaboration de Karine Louesdon) et pendant les cent premières pages j'ai l'impression d'avoir déjà lu ce qu'il écrit dans son roman L'imposteur ou dans Les soldats de Salamine —il faudra que je vérifie—. Il s'agit de l'histoire de Manuel Mena, phalangiste espagnol mortellement blessé en 1938. La mode est certainement au recyclage mais je ne sais pas si, dans le domaine de la littérature, cela peut se faire sans dommage. Ce livre a pourtant reçu le prix André Malraux. 

Cette nuit j'ai fait un rêve où je me retrouvais devant une assemblée d'acteurs, actrices, réalisateurs, etc., à Cannes sans doute. Une vedette devait faire une conférence à propos d'un livre écrit en anglais mais elle était très maladroite dans ses propos et me lançait des regards désespérés pour que je l'aide à dire ce qu'elle voulait dire. Il y avait un problème de traduction. L'anglais disait I work in Bolton, et la traduction était "Je peux travailler", traduction pleine de finesse qu'il fallait expliquer à l'audience. Bolton était un lieu de travail difficile et le lecteur français n'aurait pas compris les sous entendus impliqués par cette mention de Bolton qui, dans ce contexte, voulait dire que le personnage était capable de travailler dans des conditions difficiles et pénibles. Il fallait rendre compte de la pensée exprimée par cette phrase et non rester fidèle à sa littéralité. Ce n'était qu'un rêve bien entendu et je ne sais pas de quel endroit de mon esprit est sorti ce nom de lieu : Bolton. 

vendredi 8 février 2019

Tournoi

Ils étaient 200. Répartis deux par deux, assis face à face, avec l'échiquier tout préparé devant eux. Il y avait tout d'abord les maîtres internationaux, au fond de la salle, avec de grands fauteuils de bureau, du meilleur confort. Ils disposaient d'échiquiers et de pièces en bois, une matière plus noble que le plastique dont les joueurs de moindre niveau disposaient de l'autre côté du hall de gymnastique où se déroulaient les épreuves. Entre ces deux groupes, les "challengers", de bons joueurs dont la cote ELO se situe au-delà de 2000 points, les grands maîtres internationaux étant au-delà de 2500 points. Le public, peu nombreux, dont je faisais partie, circule dans des couloirs qui lui permet de contempler les parties de maîtres et quelques unes des parties moins prestigieuses qui, néanmoins, sont toujours intéressantes. J'y suis resté pendant presque deux heures. Aucun échange ne peut exister entre les joueurs, ni entre ceux-ci et le public. Richard qui faisait partie des joueurs, est venu me chuchoter quelques mots à un moment donné, mais il s'est vite fait rabrouer de manière polie mais ferme par l'un des organisateurs. Les joueurs se lèvent très souvent. Ils circulent en silence parmi les autres, jetant des regards distraits sur d'autres parties. Ils sont parfois elles et : jeunes, vieux, maigres ou bedonnants, très jeunes parfois, de beaucoup de couleurs de peau différentes, rarement en cravate, pratiquement tous chaussés de "baskets", de beaucoup de nationalités différentes, très mélangés mais ce qui frappe, ce sont les regards, des regards qui n'expriment rien, absolument rien, des regards qui n'expriment même pas l'activité qui consiste à penser. Certains prennent la pose de temps en temps. On y voit l'inspiration d'un Rodin. Mais généralement non : ils n'expriment aucun tourment intérieur, aucune angoisse, aucune inquiétude, rien. 

jeudi 7 février 2019

Mini-BJ

Isabel vient de m'offrir le cadeau d'anniversaire qu'elle avait fait préparer mais qui n'était pas encore prêt le 2 février dernier. Je ne résiste pas à l'envie d'en faire une photo et de la publier. C'est un très beau cadeau que j'apprécie énormément même si la ressemblance n'est pas parfaite. Cette œuvre a été faite, à partir de deux photos, par Jāo Monteiro qui en a fait son métier. On peut visiter son site "Um povo em barro" où l'on pourra voir quelques unes de ses œuvres dont certaines sont remarquables. Elle exposait dans le magasin d'Isabel il y a quelques années. Ce qu'elle saisit le mieux c'est l'attitude, la manière dont la personne représentée en trois dimensions vit son corps, ici dans la lecture.

10000

J'ai plus de 10.000 pas à mon actif aujourd'hui. Je suis allé dans différents bureaux administratifs pour régulariser ma situation d'étranger au Portugal. J'ai aussi fait quelques courses avant d'aller à la banque. Il est 14h12 et je me suis fait un petit sandwich au fromage avant de lire les dernières pages de La note américaine par David Grann (Globe, Paris, 2018 pour l'édition française). C'est le livre qu'Eric et Christine m'ont offert pour mon anniversaire et cela se lit effectivement comme un polar, malheureusement tragique puisqu'il s'agit du récit de la deuxième spoliation dont a été victime la tribu des Osages de l'Oklahoma à qui on avait, dans un premier temps, volé les terres pour les parquer dans une réserve, puis, dans un deuxième temps, les blancs les ont assasssinés les uns après les autres pour s'emparer de leurs revenus pétroliers. Une véritable tragédie.

mercredi 6 février 2019

Blanc

C'est la couleur du Bac dont Charlotte passe les épreuves en ce moment. Cet après-midi, elle avait l'anglais. Hier c'était le portuguais et l'histoiire-géo, avant-hier la philo. Elle dit s'être assez bien débrouillée jusqu'à présent. Mais c'est quand on aura les notes que l'on pourra concevoir une stratégie utile pour le "vrai" Bac, dont personne ne connait la couleur.

Par contre, en sortant d'un  bureau administratifs qui me réclame des impôts au Portugal, j'ai vu dans l'avenue un ballon noir abandonné au milieu de la circulation très intense en fin d'après-midi. Ce ballon s'en tirait magnifiquement bien. Les courants d'air créés par les voitures le faisaient voltiger de droite à gauche sans qu'aucun dommage ne lui soit fait. Comme quoi une certaine légèreté est absolument nécessaire à la survie ! 

mardi 5 février 2019

Tortillard

Nous avons atterri vers 18h après un voyage très tranquille. Pour aller à Orly, nous sommes passés par Villejuif où nous avons pris un tram qui nous a déposés à Orly Sud après avoir joué les tortillards à travers les banlieues sud de Paris. De Villejuif à Orly nous avons mis plus d'une demi-heure ! Mais le trajet est agréable et quand on a le temps, c'est assez plaisant.



*  *  *

Dans l'avion, j'ai lu le livre dont Thomas m'avait fait cadeau samedi dernier : Les meilleurs ennemis. Une histoire des relations entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient par Jean-Pierre Filiu et David B. Cette "histoire" se présente comme une bande dessinée mais les faits rapportés sont parfaitement exacts.  Même si, parfois, les propos et les dessins manquent de nuances. Ce que l'on retient de cet ouvrage, c'est l'incroyable importance des armes et des guerres dans l'établissement et l'évolution de ces relations problématiques.

lundi 4 février 2019

Freud

Hier et aujourd'hui ont été des journées chargées : chargées d'amis retrouvés, de repas joyeux, de cadeaux imprévus en liaison avec mon anniversaire. Mon fils m'a offert Tintin chez les Soviets, qui donne une idée assez précise des fantasmes qui avaient court en 1927, quand Hergé a publié ce premier volume des aventures de son fameux héros. A midi nous sommes retournés dans notre ancien quartier du Xème. Nous avons revu nos chers voisins. L'après-midi, nous sommes allés voir l'exposition sur Freud au musée Art et Histoire du Judaïsme. J'y ai pris cette photo d'une œuvre de Klimt que j'ai trouvé très belle. Nous y avions rendez-vous avec Andreas Mayer qui m'a rapidement fait faire le tour de l'exposition et avec qui nous avons convenu d'un voyage à Lisbonne pour une conférence chez les psychanalystes portugais et pour le Colloque Open epistemologies du 21 septembre prochain. Le soir nous sommes allés manger chez Joëlle qui nous a longuement parlé de l'injustice qui se trouve à la base du mouvement des gilets jaunes. Journées passionnantes mais aussi, assez fatigantes. D'après mon iPhone, j'ai fait près de 9 km à pieds, j'ai monté l'équivalent de 24 étages et j'ai fait 12.000 pas. Tout ça dans un froid glacial.

dimanche 3 février 2019

Chute

Hier soir nous avons mangé une raclette avec ces amis que nous avons eus quand nous sommes venus à Paris et que nous nous retrouvions au jardin des Récollets le dimanche avec nos enfants respectifs dans leur poussette. J'allais à la Fac à vélo à Jussieu en empruntant la piste cyclabe du Boulevard Richard Lenoir. C'était un trajet très agréable et cela me faisait faire de l'exercice quotidiennement.  Un jour, cependant, un petit chien a traversé la piste en surgissant d'entre deux voitures parquées le long de la piste. Impossible de l'éviter. J'ai fait une chute impressionnante qui a déchiré mon dernier costume de ville. Je me rendais à un séminaire où je devais intervenir sur Platon. J'avais piètre mine d'autant plus que je m'étais blessé légèrement. Bref, je n'en menais pas large et mes auditeurs m'ont, je pense, épargné leurs critiques les plus dures en raison de ce qui m'était arrivé. Aujourd'hui à midi, nous déjeunerons chez mon fils Fabien et Ruben sera avec nous. Je me réjouis d'aller faire quelques courses avec lui. 

samedi 2 février 2019

Belgitude

Quand, à 7 ou 8 ans, je lisais le slogan du journal Tintin, "le journal des jeunes de 7 à 77 ans", je me disais que je n'arriverais jamais jusque là : 77 ans. Cela me semblait impossible de vivre si longtemps, d'être si vieux qu'on ne pourrait même plus lire les belles histoires de l'oncle Paul —non, ça c'est Spirou—, les aventures d'Alix, ou de Buck Danny —encore Spirou !—, Modeste et Ponpon, les quatre fils Aymon, Corentin, Blake et Mortimer, Ric Hochet, etc... ces héros belges de mon enfance... belge. C'est en 1942 qu'Hergé republie ses albums antérieurs en y mettant la couleur. L'image que j'ai choisie à droite représente une scène du très controversé Tintin au Congo, publiée dans Cœurs Vaillants le 15 février 1942. J'adore la belgitude ! 

vendredi 1 février 2019

Encrier

Nous sommes à Paris, dans l'appartement que ma sœur, Martine, et mon beau-frère, Duncan, ont mis à notre disposition, rue Marie Stuart, pour ce court séjour parisien. L'appartement est tout petit mais très agréable, avec de jolis meubles et des lumières indirectes très chaleureuses dans tous les coins. J'ai mis mon ordinateur sur la table où travaille mon beau-frère et je suis impressionné par ce gros encrier de cristal épais, à ma droite, un peu prétentieux par la forme de diamant qu'on lui a donnée, mais devenu bien inutile depuis l'invasion proliférante des stylos billes et des claviers dans le monde de l'écriture. Je me souviens avoir hérité de plusieurs encriers de la même espèce, fossiles de manuscrits perdus, dont on ne sait à quoi ils pourraient bien servir aujourd'hui, le récipient destiné à l'encre étant trop exigü pour y garder des choses précieuses, même petites, et trop étroit pour y mettre à l'abri des pillules pour dormir ou pour se réveiller, d'autant plus que l'objet, même sans l'encre qui lui donnait sa raison, est délibérément pesant pour qu'il soit très difficile, impossible même, de le renverser et de tacher ainsi le cuir de l'écritoire. Mais le poids de l'objet, qui pourrait le faire accuser de lourdeur encombrante, se trouve heureusement compensé par une transparence cristalline censée inspirer l'esprit qui le contemple longuement avant d'écrire la moindre phrase, le moindre mot.