dimanche 11 janvier 2015

Dimanche 11 janvier : Dormir

Un ciel peuplé, ce matin, de petits moutons rouges et gris, s'enfuyant en troupeaux bien disciplinés vers l'Est et maintenant, à part quelques retardataires qui, manifestement, lambinent en s'étirant, le ciel est de nouveau incroyablement pur : c'est Lisbonne. Comme c'est dimanche, la ville est parfaitement silencieuse. Tout le monde dort. Ce besoin de sommeil des humains est attendrissant. Quelles que soient les violences de la journée, les tourments diurnes qui les assaillent de toutes parts, les explosions de bonheur aussi, les courses échevelées, les précipitations et les maux, à la fin du jour, la plupart des humains s'endorment, se confient dans les bras de Morphée, leurs yeux se ferment et leurs rêves commencent... Je sais, ce rythme n'est pas aussi tranquille et régulier que je le dis : beaucoup d'humains veillent sur ceux qui dorment, beaucoup aussi ne réussissent pas à dormir parce qu'ils sont angoissés ou qu'ils sont traversés par la souffrance. Ce qui est émouvant, c'est cet abandon consenti qui intervient tôt ou tard chez tout être humain, du tortionnaire le plus cruel à l'enfant le plus innocent, de l'intellectuel le plus tourmenté à la jeune femme qui vient de faire l'amour dans le plus grand désordre du corps, des savants les plus incroyablement visionnaires aux soldats boueux des tranchées, des géants boxeurs les plus effrayants aux troupes de jeunes fêtards hululant dans les rues de Lisbonne, tous, à la fin du jour (et parfois de la nuit !), s'endorment...


Les moutons rouges et gris de ce matin sont revenus. Ils sont maintenant tout blancs comme s'ils avaient traversé une rivière, là-haut.

5 commentaires:

  1. Ce qui est angoissant c'est que les machines ne dorment pas, il n'y a même pas cette trêve dans leur pouvoir de nuisance et dans l'emballement des marchés et des calculateurs qui sont en train de pourrir une partir de nos milieux et de nos avenirs. Je nous sens en train de déléguer notre manière toute physiologique d'habiter la planète à des fantasmes qui l'habitent pour nous sans conscience
    . On dort, et ça travaille à notre place.

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  2. Oui, on imagine le très silencieux et incessant cliquetis des ordres transmis, le ronronnement attentif des machines, le zézaiement des circuits intégrés et des calculateurs qui ne zézaient pas du tout, tout ce fourmillement sonore qui ressemble à ce qu'on entend, de la forêt dans la nuit, quand on est seul à se réveiller, brusquement, dans la tente, au milieu des autres qui dorment, et quand on écoute, tout seul...

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  3. C'est juste papa et j'y songeais lors de la traque des tueurs de l'equipe de Charlie Hebdo. Ne vont-ils pa s'endormir à un moment donné?... Il y aura toujours ceux qui ne dorment pas tandis que la majorité dort. Et on parle aussi de "ville qui ne dort jamais. " Où tout est ouvert 24/24.

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