jeudi 25 février 2016

Cadi

C'est cet objet moderne, conçu semble-t-il en Alsace et qui a envahi la planète toute entière, qui a mobilisé mes capacités oniriques cette nuit : le cadi.
Je critiquais cet objet dans mon rêve. Objet mono-fonctionnel, à l'esthétique plus que douteuse, qui forme, une fois emboîté avec ses semblables, des chenilles d'au moins une vingtaine de mètres, se contorsionnant difficilement pour éviter les passants. Poussées par des commis aux tabliers gris, ces chenilles gémissent de toutes leurs petites pattes rouges en forme de roues affolées, secouées de petits cris métalliques désaccordés dont l'ensemble forme une sorte d'accord dissonant de partout, avant de s'immobiliser, en attente. Parfois, les cadis ne se désemboîtent pas facilement comme s'ils ne voulaient pas quitter leur bande. Il faut forcer un peu. Le métal rechigne. Allons, bon ! Voilà. Le cadi s'ébroue mais l'une de ses petites pattes rouges est faussée, il tire vers la gauche, pas facile de le diriger entre les rayonnages. Rien de plus triste qu'un cadi vide, que le vide d'un cadi, souvent souligné par une feuille de salade délaissée, qui n'est là que pour colorer ce vide, le manque de tout ce qui peut le remplir, l'absence de tout ce qui l'a rempli et qui s'en va, dans le coffre d'une voiture, vers la maison. Le cadi n'est-il pas le symbole le plus puissant de notre civilisation moderne, l'objet ultime, le squelette hebdomadaire —vendredi ou samedi — de tous nos désirs quotidiens de supermarché ? 
Parfois les cadis s'échappent et quittent leur nid de néon. On en retrouve dans le canal Saint Martin, leurs petits os fins couverts de vase. Parfois on les voit tout seuls, perdus sur un trottoir, ignorés de tous. Ils n'ont rien à faire là. 

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