lundi 2 mai 2016

Démocratie

Parmi les petits livres achetés récemment, il y avait David Graeber, La démocratie aux marges, publié par La Découverte dans la Bibliothèque du Mauss (Le Bord de l'Eau, 2014). Je viens de lire cet ouvrage d'une intelligence rare et capable de démonter nos préjugés les plus tenaces sur ce régime politique que nous appelons la démocratie et dont nous, les "Occidentaux", sommes si fiers depuis que nous en situons l'origine dans la Grèce de Périclès et Platon. J'ai rarement lu un texte aussi brillant et profond en raison de sa clarté et de la documentation dont il témoigne sur un sujet aussi galvaudé. L'auteur s'attaque aux thèses du "choc des civilisations" de Samuel Huntington, démontrant très simplement à quel point son point de vue est simpliste et ignorant des autres cultures dans le monde. Cible facile certes, pour un anthropologue anarchiste, qui fut l'un des militants du mouvement "Occupy Wall Street" en 2015, mouvement qui rappelle en bien des points celui de "Nuit Debout" actuellement en cours en France et dans plusieurs pays européens. Mais ce livre d'une centaine de pages est vraiment instructif pour le questionnement qu'il nous fait partager sur l'idée même de démocratie et la manière dont les gouvernements nationaux en "Occident" l'ont détournée au profit de leur monopole coercitif. Ce livre est remarquable et je le recommande vivement à tous ceux qui s'intéressent à la question. 
Voici un extrait qui oppose le consensus au vote :
"La prise de décision consensuelle est typique des sociétés au sein desquelles on ne voit aucun moyen de contraindre une minorité à accepter une décision majoritaire, soit parce qu'il n'existe pas d'Etat disposant du monopole de la coercition, soit parce qu'il ne manifeste aucun intérêt ni aucune propension à intervenir dans les prises de décision locales. S'il n'y a aucun  moyen de forcer ceux qui considèrent une décision majoritaire comme désastreuse à s'y plier, alors la dernière chose à faire, c'est d'organiser un vote. Ce serait organiser une sorte de compétition publique à l'issue de laquelle certains seraient considérés comme des perdants. Voter serait le meilleur moyen de provoquer ces formes d'humiliation, de ressentiment et de haine qui conduisent au bout du compte à la destruction des communautés. [...] ...rechercher le consensus ne ressemble en rien au fait de voter. Au contraire, nous avons affaire à une procédure de compromis et de synthèse qui a pour but de produire des décisions auxquelles personne ne trouvera d'objection suffisante pour refuser d'y consentir." (p.48-49)

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