jeudi 14 juillet 2016

Vulgarisation

En écoutant mes disques Assimil, je suis étonné d'entendre à quel point les Portugais de Lisbonne éliminent les voyelles dans leur parler ordinaire. Et on se dit que l'on ne pourra jamais faire aussi bien qu'eux pour articuler une succession de consonnes sans le moindre support vocalique.

J'ai deux travaux à terminer d'ici quelques jours : mon introduction pour le document final de l'escale de recherche du lycée Ermesinde et l'article "Science and literature" qui doit résulter de mon intervention à un Colloque auquel j'ai participé avec Jean-Patrick Connerade, l'année dernière. J'ai quelque chose à dire dans cet article, quelque chose que je n'ai jamais formulé clairement jusqu'à présent mais qui me trotte dans la tête depuis au moins deux ans. Il s'agit de décrire de quoi la vulgarisation scientifique est le symptôme : au début du XVIIIe, avec les premiers vulgarisateurs, les nouvelles connaissances scientifiques du monde trouvent leur chemin littéraire vers les salons mondains. D'accord. Mais la rencontre entre science et littérature qui en résulte est très artificielle. Elle aboutit à des textes hybrides qui ne peuvent être considérés ni comme de la bonne science, ni comme de la bonne littérature. En tant que littérature, la séparation nette entre forme et contenu (celui-ci se définit comme extérieur à la dynamique propre du récit), en fait une littérature éphémère qui ne durera que le temps qu'il faut pour que son contenu scientifique devienne obsolète. On ne lit plus Fontenelle ou Raspail pour y trouver ce plaisir littéraire qui nous ravit encore quand on lit Jean-Jacques Rousseau. En tant que science vulgarisée, qui pourrait éventuellement se trouver des justifications didactiques, le dispositif n'aboutit pas vraiment : on ne devient pas savant en lisant des revues ou même des ouvrages de vulgarisation. Certes on peut en tirer un bénéfice social et/ou culturel grâce à ce vernis de savoir qui vous fait briller auprès des autres. Mais on reconnaîtra volontiers que de telles satisfactions restent assez vaines. Bref la rencontre entre science et littérature telle que la vulgarisation la suscite, échoue. Alors, une question ne peut manquer de se poser avec insistance : pourquoi ? Et je suis persuadé que la réponse à cette question nous renvoie aux particularités de l'écriture alphabétique, dont le graphisme, en coupant la parole —qu'elle est censée représenter— en deux : en rendant la partie "énonciation" relativement indépendante de la partie "réception", dont le graphisme, disais-je, débouche sur une créativité littéraire extraordinairement productive d'un côté, tandis qu'une autre écriture, principalement préoccupée de la partie "réception" va s'ouvrir sur cette écriture collective très normalisée dont la science nous donne l'exemple. Y a-t-il des questions ?

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