mardi 9 avril 2019

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J'ai écouté France Inter ce matin. Les nouvelles du monde. En dix minutes on a fait le tour des guerres, des menaces de guerre, des nouvelles migrations, des tueries ici et là, des accidents et des catastrophes, les noms de pays défilent... sans émotion, sans passion, dans une sorte d'indifférence, très bien rendue par le ton neutre, rapide, objectif du speaker. J'ai reçu un seul commentaire sur mon message d'avant-hier, titré "l'effondrement". On me disait que mon interprétation du Brexit, dans le cadre d'un effondrement hic et nunc, était erronnée comme le prouvaient la mauvaise foi et les mensonges des plus célèbres brexiters à savoir Nigel Farage et Boris Johnson. Mais les intentions humaines, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, n'ont rien à voir avec cette idée d'un effondrement se déroulant sous nos yeux. Celui-ci met en œuvre des forces beaucoup plus grandes que celles que les hommes peuvent mobiliser consciemment. Les humains suivent comme ils peuvent. Il faut voir les zadistes de Notre Dame des Landes et les Brexiters comme participant à une même force de relocalisation du monde qui, seule, peut faire en sorte qu'il sera peut-être possible de vivre l'effondrement avec nos propres faibles forces, en toute sérénité. Il faut voir les événements qui participent aujourd'hui à cet effondrement comme Newton voyait le mouvement des astres et la chute d'une pomme comme relevant d'un même processus. Les humains se cachent les réalités du monde actuel en gérant les apparences sur la base des contextes variés qui déterminent leur prises de conscience : politique, environnement, luttes de pouvoir, progrès technologiques, sciences, industries, etc. Tous ces contextes se sont détachés des forces qui les font exister. D'où cette idée d'une gestion humaine des apparences independamment des véritables forces qui président au déroulement de l'effondrement.

4 commentaires:

  1. Cher Baudouin. Entièrement d'accord avec toi. Les médias sont obsédés par le prisme habituel limité des intentions, visions et discours des personnels politiques, et sont indifférents pour la plupart à ce que peuvent faire et ressentir les personnes indépendamment de ces cadres d'interprétation étriqués, mais sous contrainte des modes d'expression hélàs limités qui leur sont accordés : voter oui ou non à tel ou tel moment. Si on lit les féministes et les subalternes, et l'anthropologie des points de vue, les visions et discours de ceux qui ont hélàs le pouvoir d'agir sur des millions de personnes et de "représenter" ce qui se pense en général, ces visions et discours apparaissent très situés dans des quotidiens homogènes et limités et très pauvres. A ce propos faut absolument regarder un film tel que "I am not your negro":l'élargissement de la vision à des regards oubliés et des voix minorées est saisissant. Si on prend vraiment au sérieux David Abram, Anna Tsing, James Baldwin, Viveiros de Castro, etc. alors on doit se rendre sensible pour comprendre ce qui se passe à des voix et des présences invisibles, et par exemple,se rendre sensible à ce que nous fait concrètement la perte de liens avec un nombre gigantesque de créatures vivantes premières affectées par les transformations environnementales. Mais les dominants et notamment les politiques et nombre d'intellectuels sont anesthésiés, ils sont toujours pour un temps dans des environnements stables d'où il leur est impossible de ressentir ce que les plus exposés ressentent quant à eux très directement, et se croient toujours investis de la capacité de dire à la place de tout de monde. En France le mouvement des gilets jaunes fort mal compris au début, a fait la jonction "fin du mois fin du monde" et le changement de perspective est saisissant : on voit le partage de ce qui se sait depuis des conditions de vulnérabilité et depuis le vivant directement menacé, qui réagit et tente de se réorganiser, et en particulier, de tout relocaliser : ce n'est pas à des échelles supra-nationales qu'on peut le faire, c'est dans les liens avec les milieux vivants. Là aussi soit on considère les travaux d'Anna Tsing sur ce qui se passe dans les milieux très abimés qui sont depuis longtemps dans l’effondrement et le réagencement, comme des petites choses mineures qui concernent des champignons et des populations marginales, soit on y voit au contraire l'occasion de quitter le prisme des visions hors sol et de relocaliser l'attention sur ce qui se passe.

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  2. Dans le livre collectif "faire partie du monde - réflexions écoféministes", je lis : "font partie de la révolution les personnes qui priorisent la vie, à rebours des valeurs guerrières et des logiques de domination, d'appropriation et de destruction".
    Car nous vivons l'effondrement et cette révolution vitale toute en même temps, ancrée dans le local et les liens d'interdépendance avec tous les vivants, la révolution de la sensibilité face à l'anesthésie et face à la coupure corps/esprit. Faut-il l'effondrement pour le réveil et pour l'écoute de toutes celles et ceux qui nous le crient depuis - disons - toujours ?

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  4. Merci pour cette citation! En effet,je ressens comme toi MF que l'effondrement, ressenti par tous ceux qui sont les plus exposés, active une conscience vitale à laquelle des subalternes comme les femmes dans les années 70 ont déjà donné des formes à l'époque à cause du danger nucléaire très fortement ressenti. Ces formes oubliées reviennent aujourd'hui : les textes éco-féministes sont une mine. Je me sens par contre fort peu concernée par les discours gestionnaires de ceux qui entendent gérer l'effondrement à des échelles supra nationales, sur le mode viriliste habituel (on va s'occuper de tout mais il faudra supporter des mesures autoritaires, vous êtes incapables de faire par vous-mêmes, etc etc.). Ce sont les mêmes qui vont réprimer ou entraver sur toutes les initiatives comme les ZAD. Pour revenir au Brexit : je trouve les propos tenus par de nombreux chroniqueurs, très insultants pour les anglais, il me semble qu'ils relèvent aux aussi d'une certaine mauvaise foi. On ne questionne peut-être pas assez le fait que l'Europe se présente comme un de ces cadres supra-nationaux totalement indifférents aux plus exposés. On a envie actuellement, en situation d'effondrement ressenti en premier par ces plus exposés et de révolution vitale stimulante exactement dans le même temps, de sortir des pièges qui nous sont conduits dans cette situation, quitte à se faire mal : le sérieux a changé de camp.

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