lundi 24 juin 2019

Sudbury

En général, je me méfie des livres qui traitent d'éducation ou d'enseignement. Depuis que je travaille avec Jeannot Medinger au Lycée Ermesinde, je me suis, avec lui, de plus en plus radicalisé en ce qui concerne l'école, y voyant une institution contrôlée par l'Etat et complètement acquise à la production d'une grande majorité de perdants, c'est-à-dire de jeunes gens que l'école aura abîmés de manière irréversible. Le livre de Peter Gray que Jérôme Saltet m'a envoyé récemment et qui a pour titre Libre pour apprendre (Actes Sud/Playbac, 2016, traduction d'Elsa Petit), m'a convaincu qu'il est quand même possible de donner un tout autre sens à l'école. Se fondant sur des enquêtes anthropologiques menées auprès de diverses tribus de chasseurs-cueilleurs, qui montrent qu'en laissant les enfants totalement libres de toute contrainte, ils passent leur temps à jouer et que c'est à travers leurs jeux multiples qu'ils apprennent ce qu'il faut savoir pour vivre dans leur communauté, l'auteur décrit l'école de Sudbury Valley. Créée par Daniel Greenberg et son épouse Hannah sur le modèle de "l'éducation" des enfants chez les chasseurs-cueilleurs, cette école mise entièrement sur le jeu et la liberté. Elle démontre que "pas d'école du tout" est de loin préférable à l'école que nous connaissons dans les pays occidentaux sur un modèle hérité du XIXe siècle. Le mélange des âges, la liberté complète, le rôle d'exemples des adultes —pouvant, parfois, enseigner, sur la demande explicite des enfants—, le partage démocratique de toutes les décisions impliquant le fonctionnement de l'école, tous ces aspects et bien d'autres, magnifiquement décrits par l'auteur, montrent que les enfants nont pas véritablement besoin des adultes pour apprendre. Ils ne peuvent pas ne pas apprendre. Ils peuvent faire appel aux enseignants quand eux l'estiment nécessaire et quand ils sont effectivement motivés pour les entendre, mais ce n'est pas systématique et en général, ils peuvent fort bien se passer complètement des enseignants tels que nous les concevons. Le livre est parfaitement clair, bien traduit de l'anglais et je le recommande à toute personne intéressée par l'école. Les discussions que nous avions eues il y a quelques années dans la perspective de créer ce que nous avions appelé le "Luxembourg College" nous avaient fait décrire un fonctionnement qui est très proche de celui de la Sudbury Valley School. Peut-être n'est-il pas trop tard et notre dernier projet autour du château de Sanem à Luxembourg devrait-il être repris dans cet esprit ?

2 commentaires:

  1. C’est intéressant. N’est-ce pas un peu ressemblant des pédagogies Steiner ou Montessori ou toute l’éducation passe surtout par le jeu et l’intérêt de l’élève ?

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    1. Oui, bien sûr mais dans l'école de Sudbury Valley, il semble que ces principes ont été appliqués d'un manière plus radicale. Il n'y a pas de programme, les enfants jouent pendant toute la journée. Ilq sont totalement libres. Cela ne les empêche aucunement d'entrer dans les meilleures universités américaines quand l'heure est venue.

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