jeudi 1 août 2019

Moniz

Je suis en train de terminer ma relecture du livre de Zbyszek sur Egas Moniz, Psychosurgery, the Birth of a New Scientific Paradigm (Center For Pholosophy of Science, University of Lisbon, 2012). C'est ce qu'il y a de mieux pour bien comprendre les idées de Zbyszek sur la psychanalyse, les différentes écoles qui s'opposaient, sa propre manière d'aborder les problèmes. C'est un livre très bien fait, extrêmement bien documenté, clair et précis dans son écriture, bref, une œuvre de maturité qui fait honneur à son auteur. Egas Moniz est le seul savant portugais à avoir reçu le prix Nobel pour avoir été l'inventeur de la lobotomie. Au Portugal, on n'aime pas trop évoquer cette invention qui a eu beaucoup de succès aux Etats Unis (plus de 40.000 patients lobotomisés) et que la France a très vite rejetée. Quoique, je me souviens d'une conférence de Pierre Karli, qui deviendrait plus tard le deuxième président de l'Université Louis Pasteur, au cours de laquelle il posait la question de la lobotomie : est-ce conforme à l'éthique médicale ? peut-on faire n'importe quoi pour le bien (supposé) du patient ? où sont les limites de l'interventionisme en matière de "maladie mentale" ? etc.
Le livre de Zbyszek en tout cas montre bien que le personnage de Moniz est bien plus complexe que ne le laisse entendre la réputation qu'il obtint à travers son invention. Tout d'abord, il a réellement fait des choses techniquement remarquables avant de se lancer dans cette chirurgie douteuse. Il est aussi l'inventeur de l'angiographie, une technique qui permet de visualiser les réseaux sanguins du cerveau humain et qui est encore pratiquée aujourd'hui. Il ne faut pas oublier qu'il n'a véritablement entamé sa carrière scientifique qu'à l'âge de 51 ans. Auparavant, il a fait de la politique et obtint des postes importants dans plusieurs gouvernements.
C'est aussi quelqu'un qui fut porté par les grandes idées de son temps. Il a beaucoup écrit sur la sexualité humaine avant même que Freud n'en fasse le cœur de ses propres théories. Il était passionné par les rêves et l'hypnose. Il comprenait assez bien comment il était possible d'instrumentaliser transfert et contre-transfert pour affronter le mal-être engendré par les névroses.

<https://www.lemonde.fr/medecine/video/2018/11/06/la-lobotomie-d-hier-a-aujourd-hui_5379714_1650718.html>

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire