vendredi 12 avril 2024

Murat

C'est de la princesse Laure Murat, qu'il s'agit, l'arrière-arrière-arrière petite fille de Joachim Murat, le roi que l'empereur Napoléon a imposé à Naples en 1808. Une princesse rebelle qui vit en Californie et dont Andreas Mayer m'a vivement recommandé de lire le livre qu'elle a écrit sur Proust : Proust, roman familial (Robert Laffont, 2023). C'est un livre magnifique sur l'aristocratie, "un univers de formes vides" annonce-t-elle dans le texte de la quatrième de couverture. Je retiens cette très belle remarque sur l'éducation dans ce genre de milieu : "Cet entraînement muet, qui consiste à écouter et regarder, à lire les visages et humer les climats, à imiter et répéter sans consignes, a forgé en moi une conviction profonde qui est peut-être au fondement de n'importe quelle éducation : ce qui se transmet vraiment ne s'enseigne pas." (page 18) 

Ce qui se transmet vraiment ne s'enseigne pas. Cette phrase est à méditer par cette armée de pédagogues qui tentent vainement de soigner l'école.

15 commentaires:

  1. Mais justement : c est contre ça que l enseignement public lutte c est pour ça qu il existe.Bourdieu lui aussi a montré que dans les classes dites supérieures (supérieure mention dotées et aidees) il y a en effet cette transmission reproduction invisible. S il n y avait pas eu l école publique. Les états qui sont totalement au service des plus riches s acharnées contre l école justement pour en finir aquvec cette possibilité de compensation qui certes ne marche pas bien mais est dans cesse entravée et combattue par l état. Comme je te disais j ai entendu les lycéens de villetaneuse expliquer aux universitaires que non ils n étaient maltraités dans leur lycée bien au contraire. Ils y étaient bien. C est devant les portes que les choses se gataient. Ils etaient agaces par les idees preconcues systematiquement negatives des universitaires et revendiquaient le droit d etre entendus sur ce point.Tout est fait aujourd'hui comme hier pour détruire l école publique. C est ça qui est une catastrophe.

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    1. Absolument d'accord avec toi, chère Joëlle.

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    2. Mais, moi aussi je défends l'école publique. Ce qui ne doit pas nous empêcher de réfléchir au constat de Laure Murat. La transmission s'effectue de toute manière sans que l'enseignement puisse en contrôler l'efficience. Demandons-nous alors ce dont il est question dans l'enseignement si l'on est d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas de transmission (Cf. Rancière). Si l'on demande à l'enseignement de contrecarrer les effets d'une transmission qu'on ne peut pas véritablement contrôler, on lui assigne une tâche impossible.

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    3. Désolée j'avais écrit sur mon téléphone sans lunettes! Je ne suis pas d'accord Baudouin, on ne lui assigne pas une tâche impossible s'il s'agit de transmettre un commun qui est vraiment défendu politiquement. D'ailleurs quand on est enfant on sent parfaitement qu'on entre dans quelque chose de collectif qui dépasse très largement les leçons et devoirs et qui est justement quelque chose qui se transmet. Car l'école ne fait pas qu'enseigner : justement elle aussi, comme l'aristocratie, elle transmet, des choses super et des choses qui créent des problèmes (la compétition) mais les institutions transmettent un projet, qui est sans cesse entravé et combattu par l'état lui même et par les mieux lotis. Depuis très longtemps je vois dans mes enquêtes que les institutions du soin et de l'éducation importent énormément pour les publics, surtout celles et ceux qui n'ont pas d'autres espaces où ils sont respectés et reconnus comme membres. Et qui par contre assistent à ces campagnes perpétuelles de dépréciation, ces attaques, ce mépris. Encore une fois, il y a une sous estimation incroyable de ce que fait l'école.

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    4. Je n'ai pas lu Laure Murat mais si elle parle de cette aristocratie ou cette bourgeoisie que décrit Proust (moi aussi j'ai lu dans Proust cette vision de la transmission et les effets de reconnaissance et humiliations qu'elle produit) alors ça n'a pas de valeur politique, au contraire. Ça décrit juste le fonctionnement de l'aristocratie.

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    5. Tu mets le doigt sur l'un des problèmes de l'école publique qui, en effet, transmet la compétition, la concurrence, les rivalités qui sont au cœur même des injustices de notre société capitaliste. D'accord pour l'institution mais celle-ci pourrait être dans la transmission d'autre chose que la lutte pour être le meilleur qui induit cette croyance incroyable des bénéfices de la méritocratie. L'institution pourrait transmettre (sans l'enseigner évidemment) l'entraide, la coopération, l'amitié entre les générations, l'ouverture...

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    6. Mais dans ton discours tu véhicules toi-même une situation de compétition. Car on peut écrire tout aussi bien : un secteur de enseignement privé qui se développerait en opposition systématique au secteur public transmet aussi la peur des pauvres et des autres, l'entre-soi, et une forme d'élitisme structurel qui ne passe pas par les notes et la compétition entre membres , mais par le fait d'être "meilleurs", et en effet on est là au cœur des injustices de la société capitaliste. Symétriquement, l'école publique transmet aussi le service public, et aussi l'ouverture et le respect, même si elle développe aussi, hélàs, la compétition. Et pourquoi ne jamais prendre au sérieux, ne jamais croire ce que moi et tant d'autres, enseignants et élèves, disent de leur école publique pour la défendre? Pourquoi préférer les idées véhiculées par celles et ceux qui ne la pratiquent pas? Je ne comprends pas. Par contre, déplacer la compétition à un autre échelon en dénigrant ceux qui seraient plus mal éduqués et moins épanouis que les heureux bénéficiaires de la bonne éducation ne résout absolument pas le problème, bien au contraire, elle le masque et l'amplifie en même temps. J'ai une question, que j'avais déjà posée : pourquoi ne pas parler tout simplement depuis l'expérience d'un enseignement différent, et de cette expérience là, au lieu de continuellement produire une attaque de l'expérience des autres et sans jamais prendre en compte les arguments qui viennent de cette expérience vécue, ambivalente certes et imparfaite mais justement, tellement plus intéressante que la prétention à une supériorité ? Si je fais quelque chose d'original et de chouette, est-ce que j'ai besoin, justement, d'en parler uniquement pour produire un discours sur les autres défaillants? Là encore je ne comprends pas. Il faut aller lire un peu ce que produisent les enseignants, et prendre au sérieux, vraiment, ce qui s'exprime : il y a énormément, énormément d'expérimentations, de classes coopératives, de rencontres inoubliables, les jeunes enseignants ne sont pas les abrutis résignés qui reproduisent un modèle, ils sont en lutte permanente, pour l'école publique. Mais tout est systématiquement invisibilisé ou nié, c'est un discours grotesque qui circule dans les médias. Il faut vraiment faire attention à ce qu'on relaie et à qui ça sert.

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    7. Je ne te comprends pas Joëlle. Le Lycée avec lequel je travaille est un lycée public. Et je défends depuis toujours l'idée selon laquelle c'est bien l'enseignement public qu'il faut défendre. Je ne conteste aucune des expériences inoubliables que l'école publique peut générer. Notamment celles qui peuvent résulter d'un passage au lycée Ermesinde qui, je le répète, est un lycée public, ouvert à tous, gratuit et engagé.

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  2. Alors tant mieux! C'est vrai que le lycée est au Luxembourg, j'oubliais je m'en excuse cher Baudouin. En fait je réagissais à l'attaque du système éducatif en France, service public décrié de toutes parts, sur la base de mauvais procès!

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    1. Le lycée Ermesinde est un lycée public, au Luxembourg justement. Les enseignements qu'on peut en tirer sont-ils "universalisables" ? Je n'en suis pas sûre. En tout cas, c'est une question de politique très concrète, d'environnement social et économique, notamment.

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    2. Bien sûr que non ! Il n'y a rien d'universalisable dans le fonctionnement du lycée Ermesinde. D'ailleurs, ce lycée ne veut pas être un modèle. Mais il a réussi à créer un esprit de coopération, d'entraide et de respect mutuel impressionnant. Un tel esprit peut sans doute inspirer d'autres institutions analogues sans s'ériger en modèle. Il n'y a pas de recette. Je crois que, à sa façon, le GERSULP était un peu dans le même esprit. Mais je ne revendique aucune part dans le fait que cela puisse exister. C'est plutôt une sorte d'alchimie socioculturelle qui existe certainement ailleurs, notamment dans l'enseignement public en France, malheureusement peu visible de ceux qui passent leur temps à surveller le monde.

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    3. En tout cas, la visio ils ne connaissent visiblement pas au Luxembourg. Que d'allers et retours inutiles.

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    4. Inutiles ? Aucune visio ne peut remplacer la présence.

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