mercredi 5 novembre 2014

5 novembre 14 : Croissance

Sur Arte, hier, avec Thema, la question de la croissance en économie. Emission très bien faite et qui met en question cette espèce de dogme qui empoisonne le discours politique à l'heure actuelle, le dogme de la croissance. Il faut dire que les intervenants ont bien expliqué pourquoi il s'agit d'un dogme dans le cadre économique et financier du monde d'aujourd'hui. Mais, au delà des positions individuelles parmi lesquelles il faut relever les "objecteurs de croissance" qui ont toute ma sympathie, il existe semble-t-il, de plus en plus de poches de résistance à ces impératifs de croissance qui empoisonnent à la fois le discours et la planète. L'émission mentionnait notamment la multiplication de "monnaies locales" : les palmas au Brésil ont ainsi fait l'objet d'un reportage. Mais il y en a aussi beaucoup en France et dans toute l'Europe.

Voici l'extrait d'un article trouvé sur le site du Monde :
"Eusko au Pays basque, Sol Violette à Toulouse, Abeille à Villeneuve-sur-Lot, Galléco en Ille-et-Vilaine… depuis quelques années, de nouvelles monnaies se développent en France. Créées par des associations citoyennes et soutenues par les collectivités locales, ces nouvelles monnaies, diffusées sous la forme de billets, sont convertibles en euros et permettent aux citoyens d'une région de faire leurs achats ou leurs ventes dans une autre monnaie que l'euro.
Acceptées uniquement par des acteurs économiques engagés, elles permettent de redynamiser l'activité des centres-villes et de favoriser le développement de circuits économiques courts entre producteurs d'une région et consommateurs locaux.
(...)
Autre caractéristique de ces nouvelles monnaies, leur aspect éphémère. Certaines d'entre elles sont dites "fondantes" : leur durée de vie est limitée afin d'inciter les utilisateurs à la faire circuler et non à la thésauriser ! Car l'enjeu est bien là : redonner à l'argent son rôle d'outil permettant de recréer du lien entre les individus sur un territoire donné."


Apparemment, ces instruments locaux d'échange ne remplissent pas la fonction "réserve de valeur" de la monnaie. Elles ne peuvent pas donner lieu à la spéculation financière et n'engendrent pas de taux d'intérêt quand elles font fonctionner le crédit. Au "conjunto de palmeras", l'usage de la monnaie locale (les palmas — on rejoint l'origine, selon certains auteurs, du terme grec drachmè pour désigner la monnaie dans l'antiquité ; le mot viendrait de drax, qui veut dire "poignée" et qui lui-même serait issu du verbe drassomaï, "saisir avec la main", appliqué plutôt à des personnes qu'à des choses !—) a fait éclore une banque qui prête de l'argent avec un taux d'intérêt quasi-nul.

Ce programme d'Arte venait à point pour ponctuer la fin de ma lecture de George Marshall, Don't Even Think About It, (déjà cité dans un "post" antérieur) sur les difficultés communicationnelles du Climate change. Ce livre est un trésor d'informations et de remarques intelligentes sur la question climatique. Sans être catastrophiste, l'ouvrage prétend néanmoins qu'il y a vraiment urgence à prendre des mesures draconiennes pour atténuer la montée des températures et des eaux associée aux effets de serre produits par l'usage des énergies fossiles, en s'attaquant non seulement à tout ce qui se passe en aval (tailpipe), c'est-à-dire en régulant la consommation de ces énergies, ce qui est le réflexe politique premier et généralement totalement inefficace, mais en s'en prenant également à l'amont (wellhead), c'est-à-dire aux grandes entreprises qui mettent le pétrole en circulation.

Le propos de Marshall se résume bien dans cette citation p. 227-228 : "Climate change is, I suggest, exceptionally multivalent. It lends itself to multiple interpretation of causality, timing, and impact. This leaves it extremely vulnerable to our innate disposition to select or adapt information so that it confirms our preexisting assumptions—biased assimilation and confirmation bias. If climate change can be interpreted in any number of ways, it is therefore prone to being interpreted in the way that we choose. These constructed narratives therefore contain the final reason why we can ignore climate change: they become so culturally specific that people who do not identify with their values can reject the issue they explain."

L'auteur nous offre un site où ces questions sont largement documentées et peuvent être discutées :
<www.climateconviction.org> (à visiter).

  

2 commentaires:

  1. Mais si l'on réfléchit à l'ensemble des processus à déplacer, la tâche devient colossale.
    Sur leur analyse, voir par exemple Yannick Rumpala, « La décroissance soutenable face à la question du « comment ? ». Une remise en perspective par les processus de transition et leurs conditions de réalisation », dans la revue Mouvements.

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  2. L'article de Rumpala est effectivement intéressant mais a-t-il raison de se donner comme condition pour penser les processus de transition et d'extrication, une réflexion qui se situe d'emblée à un niveau global. Ne se situe-t-il pas encore dans le paradigme d'un "changement de monde" ? Alors qu'il faudrait peut-être d'abord limiter l'extension du changement vers un arrêt de la croissance. Je ne crois pas qu'il faille changer le monde. De multiples côtés, on peut essayer de changer une petite partie du monde. Sans se préoccuper tout de suite des effets globaux qui pourraient en résulter grâce à l'organisation consciente de convergences orientées sciemment vers la "décroissance soutenable". N'est-on pas encore victime de la manière dont les mots nous oriente d'emblée vers le global ?

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