mercredi 23 mars 2016
Dégager
Il y a des verbes qui sentent bon. A l'impératif, celui-ci dégage un parfum de jasmin et nous rappelle la fureur des printemps arabes qui ont eu raison de Benali en Tunisie et de Moubarak en Egypte. Peut-être Dilma Rousseff va-t-elle en percevoir bientôt les effluves rageurs et ravageurs ? Mais c'est sous sa forme réflexive que j'y pensais dans mon lit, ce matin : se dégager. Cela commence avec les effluves de ma literie nocturne, l'imbroglio onirique qui m'a tenu en haleine toute la nuit, le réseau de ces souvenirs qui grignotent le présent, le piège de ses propres idées, voilà ! je pensais à ce que la chenille peut vivre en devenant papillon : se dégager de soi-même. Plus précisément même, se dégager de l'énonciation. Se mettre à l'extérieur de soi grâce ce que l'on fait dire à la langue ou grâce à ce que la langue nous fait dire. C'est ici qu'on atteint la limite de cette métaphore de la chenille devenant papillon. La chenille n'a besoin de rien d'autre qu'elle-même pour se dégager d'elle-même. Alors que pour l'être parlant, il faut qu'il y ait de l'autre, un dehors, une langue. Il y a là un idéal poétique qui rejoint le scientifique. Peut-être que la différence entre les deux ne tient-elle que dans la nature du dehors : linguistique pour l'un, le poète, empêtré dans les effluves de sa langue-mère, mais pour l'autre ? le scientifique ? comment le saurais-je ?
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