mercredi 31 mai 2017

Familiarité

Entendre le vent :
Course en cage dans les rues
Diable à bout de souffle

C'est aujourd'hui que Sash enverra son dossier de candidature à Toulouse. J'espère beaucoup qu'elle obtiendra cette allocation qui lui permettrait de vivre pendant trois ans en faisant ce qu'elle aime. C'est un privilège énorme. J'ai travaillé avec elle sur son projet hier soir et je n'ai pas pu m'empêcher de reconnaître dans la forme qu'elle donne à ses idées des éléments familiers de pensée. J'utilise "familier" dans un double sens inhabituel, à savoir, "qui m'est habituel" et "familial". J'étais très étonné parce que son domaine de recherche est vraiment très différent du mien et elle n'a presque rien lu de mes articles ou de mes thèses académiques. "Ça doit être génétique", lui ai-je dit en boutade, et en riant, faute de pouvoir m'expliquer cette proximité curieuse dans nos manières de penser. 


mardi 30 mai 2017

Appel

Le noir de la nuit
Ou celui des yeux fermés :
Quel est le plus noir ?

J'avais ce haïku en tête au réveil. Il insistait tellement qu'il a fallu que je me lève pour l'écrire. Comme je n'avais sur le coup rien de spécial à dire, si ce n'est que les champignons que j'ai préparés hier soir pour Sash et Chach, étaient apparemment trop salés pour l'une, acceptables (et même bons) pour l'autre, j'ai décidé de placer mon haïku en tête de mon "article" quotidien. Peut-être même devrais-je adopter cette disposition à l'avenir ? Cela permettrait à ceux qui ne s'intéressent qu'aux haïku de refermer l'ordinateur ou d'éteindre le téléphone plus rapidement. 

J'en profite pour lancer un appel à ceux qui me lisent depuis des pays lointains. Si, parfois, ils ou elles tombent sur un haïku qui fait écho à leur sensibilité, je serais très heureux qu'ils m'en donnent une traduction dans la langue du pays où ils ou elles vivent. Sash en a traduit quelques uns en anglais et cela donne parfois de bons résultats. Voici un exemple que j'apprécie particulièrement :

Par dessus les toits
Le doigt pointé de la grue
Tourne. Où est la main ?

Ce qui, en anglais donne ceci :

Above the rooftops
Look : the crane's pointed finger
Turns. Where is the hand ?

J'aimerais en avoir une version, arabe, turque, luxembourgeoise ou allemande, ou encore kurde, japonaise ou portugaise, ou russe, hongroise, espagnole, polonaise, ou...

dimanche 28 mai 2017

La haine

Trumperies internationales pendant le G7 qui se déroulait en Italie. L'article de Perraud dans Médiapart n'était pas tendre pour le président américain, confronté pour la première fois à ses interlocuteurs consternés. Un président élu par la haine. Celle-ci est si répandue, si générale qu'on ne peut guère ne pas se poser des questions : d'où vient ce fond de haine humaine dont l'expression sur les réseaux sociaux semble atteindre des sommets. Il n'y a pas que les réseaux sociaux, d'ailleurs. Quand on lit les commentaires des articles publiés dans la presse en ligne, on peut s'en faire une idée : dénigrements, insultes, propos virulents fusent contre les journalistes. Il est rare de lire des commentaires à la fois sérieux et positifs. Je ne comprends pas cette emprise de la haine sur l'esprit humain.

Le verbe "haïr" faisait partie de ma série intitulée Verbes, que je continue à nourrir de temps en temps. Voici ce que j'écrivais :
lée


Haïr est presqu’aussi difficile qu’aimer. En vouloir à l’autre non pas tant parce qu’il est, que parce qu’il insiste à être. Là. C’est son insistance qui me dérange infiniment. Et surtout, il le fait exprès, d’être. Je lui en veux de me faire le haïr. S’il est vrai que pour aimer il faut d’abord aimer l’amour, ce l’est aussi pour la haine qu’il faut haïr pour qu’elle existe. Ce serait donc dans la haine d’un soi haïssant que naît la haine. Avec la même exigence de réciprocité que dans l’amour.


Je lis actuellement Eichmann à Jérusalem d'Hannah Arendt. C'est évidemment très différent dans la mesure où Eichmann ne semblait pas nourrir son efficacité administrative d'une haine particulière des Juifs. En fait, c'est peut-être dans ce manque de réflexivité que le crime devient celui d'un monstre. Le monstre ne se montre pas comme tel. C'est peut-être pour cela qu'il fascine le cinéma. 
Je poursuivrai ma lecture d'Arendt aujourd'hui.




Une gorge sèche
Craquant comme du papier :
Questions chiffonnées


samedi 27 mai 2017

Júdice

J'ai rencontré le poète français Philippe Despeysses, hier en fin de matinée, qui m'a fait connaître un poète portugais que je ne connaissais pas, Nuno Júdice, dont j'ai acheté l'un des nombreux livres : Un chant dans l'épaisseur du temps (NRF, Poésie/Gallimard, 1996 pour la traduction française de Michel Chandeigne). Ce sont des poèmes magnifiques. J'en choisis un, pour sa brièveté (la plupart d'entre eux sont beaucoup plus longs). Le voici :

SERPENT
La mélancolie enseigne que le trait définit
tout, depuis l'émotion du visage jusqu'à
la montagne au soleil couchant.

Je veux également citer cette anecdote que Júdice rapporte dans la préface à son livre :

"Je me souviens, il y a quelques années, d'avoir participé à un dîner en l'honneur de Jorge Luis Borges,qui venait de recevoir une décoration. A un moment, je me suis approché de lui lorsqu'il ouvrait l'écrin de sa décoration et, bien qu'aveugle, il a demandé des lunettes. Quelqu'un lui en a prêté une paire qu'il a mise sur ses yeux. Je me suis posé la question, à cette occasion : qu'a-t-il pu voir ? Aujourd'hui, cette interrogation m'apparaît vaine. La vision, en quelque sorte, est une propriété de l'objet : les lunettes, comme le poème ; et dès que cet objet, dans ses qualités matérielles — le verre, comme les mots — est construite de façon parfaite, il nous permet toujours de voir quelque chose, même si on est privé d'yeux, même si on est insensible au langage du poème." (p. 12-13)

Cette anecdote m'a fait repenser à une scène qui se reproduisait parfois avec ma première épouse, Irène, qui était très myope et portait des verres de contact qui, à l'époque, n'étaient pas fabriqués dans une matière souple comme aujourd'hui, ce qui fait que de temps en temps, l'un de ses verres, sautait pour ainsi dire, au nom d'une contraction trop brusque de la cornée. Aussitôt, Irène mettait tout le monde à contribution pour retrouver le verre perdu, un bout de matière transparente qui, en outre, pouvait rouler loin de son point de chute sur le tapis. Ce qui était surprenant, c'est que c'était toujours elle même, sans même la qualité de vue que lui assuraient ses verres, qui retrouvait l'objet perdu. Je me souviens avoir eu une réflexion analogue à celle de Júdice : c'est bien l'objet même qui la voyait, lui faisant signe en quelque sorte, pour lui dire : "Je suis là."


Deux petites bêtes
Vibrantes dans les oreilles :
Se couper du monde


Reste là, repose
Ô corps, coule dans l'osmose
Entre rêve et mort


vendredi 26 mai 2017

Départs

Le ciel est blafard aujourd'hui. Tout le monde est parti, sauf Sasha qui restera avec nous pendant quelque temps sans doute.
Emmanuella me demande le texte de mon intervention à Dijon pour dans une dizaine de jours. Je vais essayer de faire ça rapidement. Je dois avoir des notes assez complètes. Il faut simplement que je réorganise un peu l'ensemble et que je retrouve les références précises.
Mais à 11 heures je vais voir Philippe D. à la Nouvelle Librairie Française. Nous parlerons de poésie.


Dans la vieille boîte
Photos jaunies, pêle-mêle
S'épiant entre elles


jeudi 25 mai 2017

America

En ayant revu quelques westerns en streaming récemment, je me demande si l'Amérique ne continue pas à vivre selon les codes qui ont déterminé la conquête de l'Ouest. J'ai notamment été frappé par le nombre de scènes qui montrent des bagarres physiques entre hommes. Ils se battent comme des enfants. C'est un monde d'enfants. L'affaire de Gianforte qui a agressé physiquement un journaliste du Guardian dans le Montana, m'a fait penser à ce rapprochement. Je ne dis pas que la réalité de ce terrible XIXe siècle américain est conforme à ce que l'on voit dans les films. Justement, ces films ont été fabriqués durant la deuxième moitié du XXe siècle. Les violences physiques qui s'y déploient entre les "bons" et les "méchants" sur fond de massacre des autochtones, me semblent correspondre à un état où c'est encore et toujours la loi du plus fort qui règle les conflits. Même le "bon" doit être le plus fort pour emporter la mise. Le plus fort gagne, quoiqu'il arrive et l'essentiel, dans ce monde-là, est de gagner. Je me suis déjà exprimé dans ce blog sur cet impératif catégorique du monde moderne : GAGNER. Gagner à tout prix.  Voici ce que j'écrivais, en ne m'attaquant d'ailleurs qu'au mot (y a-t-il des idées derrière ce mot qui, bien souvent, marque la fin de toute pensée ?) :


Qu’il gagne. Moi, je ne veux pas me laisser compromettre par une syllabe aussi détestable, ringarde, geignarde de balafres insensées. Ce 'a' qui nous fait bailler avant de se noyer dans la grimace du 'gn-', lèvres écartées dont les coins tremblent, comme si l’on allait se mettre à pleurer. La gnaque dont on se targue alors n’arrange pas les relents syllabiques qui gagnent. Et puis cet air idiot que l’on prend quand on gagne ou qu’on a gagné. Debout sur un podium : non. Au lieu d'élever, le podium écrase. 


Entre rire et larme
Ciel et enfant se ressemblent
Les mêmes grimaces

mercredi 24 mai 2017

Unicervelle

Grande discussion hier à midi avec Sasha et Rose sur l'universel. Cette référence à l'universel que l'on rencontre partout en philosophie et en politique est très suspecte à mes yeux. J'ai retrouvé le passage où Feyerabend critique le poète Milosz, poétiquement engagé dans une défense de la raison humaine, source de l'universel :

"La raison humaine est invincible et belle,
Aucun barreau, barbelé, autodafé,
Aucun jugement d'exil ne peut triompher d'elle
Dans la langue, elle inscrit l'universel..."

Universel veut souvent dire "unicervelle", une cervelle unique pour penser le monde... Je ne sais si ce contrepet est très convaincant, mais il dit bien ce qui est sous jacent à la pensée de l'universel, non?

Je ne résiste pas à citer Feyerabend justement sur cette question :

 "La "Vérité" en lettres capitales est une orpheline dans ce monde, sans aucun pouvoir ni influence, et heureusement qu'il en est ainsi, car la créature dont Milosz [photo ci-contre] fait l'éloge sous ce nom ne peut conduire qu'au plus abject des esclavages. Elle ne supporte pas les opinions divergentes — elle les appelle des "mensonges" ; elle se place elle-même "au-dessus" des vies réelles des êtres humains... (...) Elle échoue et même se refuse à reconnaître les nombreuses idées, actions, sentiments, lois, institutions, traits raciaux qui séparent une nation (une culture, une civilisation) d'une autre et qui seuls nous donnent des gens, c'est-à-dire des créatures qui ont un visage." 
(La tyrannie de la science, Seuil, Paris, 2014, pp 100-101)



Déraciné, l'arbre
Met ses entrailles terreuses
A l'air : soleil noir

mardi 23 mai 2017

31 degrés...

... prévus pour aujourd'hui à Lisbonne. C'est beaucoup. Heureusement que la fraîcheur de la mer revient très agréablement tous les soirs.

Les jeunes amis de Sasha sont partis ce matin. Ils ont promis, semble-t-il, de revenir. Hier nous avons montré notre immeuble à Samantha et Sami. L'intérieur est très dégradé mais cela cessera dès que l'immeuble aura retrouvé son nouveau toit. Le quartier est toujours aussi agréable. La rue reste très tranquille, sans beaucoup de touristes alors que la maison où est née Amalia Rodriguès se trouve à quelques mètres de la nôtre. Apparemment il ne s'agit pas d'un site touristique très attractif. Il y a aussi la maison où est mort le grand poète portugais Camoens, juste à côté de la nôtre. Ce n'est pas non plus un pôle attractif majeur. En outre la rue est en pente raide. Cela doit décourager le troisième âge.


Entendre des rires
Mélangeant hommes et femmes
Dans la même oreille ?

lundi 22 mai 2017

Tortues

Nous étions huit autour de la table hier soir pour déguster la cuisine du chef Sami qui nous a préparé un bar excellent. Avec des aubergines, du riz et un accompagnement indien un peu piquant mais très goûteux en effet. Tout le monde s'est couché assez tard.

Toujours hier, vers 13 h je suis allé à l'université de Lisbonne rejoindre mes collègues — Isabel S., Elisa et Z.) pour mettre la dernière main à un projet de recherche que nous allons présenter à la FCT (le CNRS portugais). Z. pourrait bénéficier d'un contrat à travers ce projet, ce qui l'arrangerait bien. Le projet porte sur l'épistémologie ouverte de Mach, Bachelard et Feyerabend. Certains aspects du projet sont très intéressants et j'espère qu'il sera financé. Ceci dit, mon enthousiasme est quand même très tempéré par la crainte de discussions sans fin autour de questions qui, bien souvent, me semblent assez vaines. On verra bien. Peut-être.

Dans le rêve de cette nuit il y avait des tas de pavés carrés qui se trouvaient en mouvement grâce à une multitude de petites bêtes noires qui soulevaient ces pavés, apparemment sans effort. Les tas se suivaient les uns les autres comme des tortues en file indienne. J'étais ébahi par cette vision étrange mais aussi, esthétiquement assez réussie. J'essaierai d'en faire un dessin.


Mordre les nuages
Se saouler d'un jus de pierres
Cueillir une flamme

dimanche 21 mai 2017

Krill

D'immenses chalutiers russes pêchent des centaines de tonnes de krill dans les mers proches de l'Antarctique pour nourrir les poissons d'élevage en Norvège et ailleurs. Le documentaire Thalassa était saisissant.



L'esprit s'embrouillant
Je ne vois plus que des ombres
Doubles mais sans corps

samedi 20 mai 2017

Retour

Excellente réunion avec l'OCDE, hier, à Mersch. Le Lycée Ermesinde sera la star luxembourgeoise des systèmes éducatifs en se retrouvant aux avant-postes des meilleures pratiques lors de la première session de cet événement qui doit réunir les ministres de l'Education nationale des pays de l'OCDE à Luxembourg fin septembre. Le Lycée aura également un stand où les ministres seront invités à discuter certaines propositions qui se trouvent au cœur de la philosophie implicite du lycée. A nous de soigner la manière dont nous aurons l'occasion ainsi de les interpeler sur ce que nous considérons comme les problèmes les plus urgents des systèmes éducatifs du monde entier. J'ai insisté auprès de Jeannot pour que l'on finisse notre ouvrage avant cette grande messe de l'éductaion. En effet, ce sera l'occasion idéale pour promouvoir un certain nombre de nos idées à travers le destructionnaire.

Mon retour à Lisbonne s'est déroulé normalement avec un avion très en avance sur son horaire. 

L'étoile a glissé
Du bord d'un ciel incliné
Dangereusement

...avec cette variante que j'ai écrite dans l'avion qui me ramenait à Lisbonne :

Du ciel incliné
Glisse au bout de l'horizon
L'avion égaré




vendredi 19 mai 2017

Rohani

L'Iran vote aujourd'hui pour son président. Rohani a de bonnes chances de l'emporter semble-t-il. Ce serait une bonne chose. J'associe cette élection au désir d'y aller, pour visiter ce pays qui m'attire beaucoup. C'est sans doute pour cela que j'en parle alors que l'actualité nous fournit en permanence d'autres histoires à raconter. Mais ne sont-elles pas un peu toujours les mêmes ?

Aujourd'hui à Luxembourg, le temps est vraiment maussade. Ils avaient prédit une chute de températures d'au moins dix degrés. Ma tenue estivale risque de ne pas être appropriée. Je devrais me promener en pull plutôt qu'en costar beige d'été.


Arbres vert-de-gris
Collines dans le crachin
Canopée en cuivre

jeudi 18 mai 2017

Gouverner

J'entends notre nouveau premier ministre répondre aux questions de Patrick Cohen sur France Inter (je croyais d'ailleurs qu'il était parti pour laisser la place à Demorand !). De bonnes questions, et plutôt de bonnes réponses de la part d'Edouard Philippe. Apparemment, une volonté de progrès, sans que l'on sache vraiment de quoi il s'agit, moins aujourd'hui que jamais. "Faire avancer le pays", d'accord, mais où ? Où allons-nous ? C'est Nicolas Hulot qui va nous indiquer la voie.

Pendant ce temps-là, Trump continue à twitter pour le peuple (tout pour le peuple, bien sûr, sauf...), tout en se disant victime de Washington. Drôle d'époque, en effet. Et Kim Jong-un se moque des critiques et des avertissements. On savait déjà que le pouvoir corrompait ceux qui le possédaient. Maintenant, on doit se dire que le pouvoir rend fou. Ou bête ? Attention Macron.


L'odeur du café
Vient me chatouiller le nez
Sans l'éternuer

Le chevreuil me voit
De son grand œil brun de verre
Qui dit : "Que veux-tu ?"




mercredi 17 mai 2017

Galère

Je repars aujourd'hui pour Luxembourg. Une réunion avec un représentant de l'OCDE pour discuter de l'intervention éventuelle du Lycée Ermesinde dans le cadre d'une conférence réunissant les ministres de l'Education nationale des pays de l'OCDE. Qu'allons-nous faire dans cette galère ?

Depuis son élection, Trump fait parler de lui tous les jours. Il n'arrête pas de faire des bêtises. C'est ce qu'on dirait d'un enfant de cinq ans, comme nous le rappelle l'éditorialiste de Libération aujourd'hui à propos de la querelle qui l'a opposé à Ted Cruz pendant la campagne. "C'est lui qui a commencé", disait-il de Ted Cruz, comme pour se dégager de toute responsabilité dans la dispute. On reparle de plus en plus sérieusement de destitution. Je crois en effet que le monde pourrait être plus calme sans cette agitation permanente et superficielle de l'homme le plus puissant du monde. Mais est-il souhaitable que le monde soit plus calme ?


Portrait de grand'mère
En mille morceaux par terre
De la mort en miettes

mardi 16 mai 2017

Après...

... ces voyages en avion, j'ai toujours quelque peine à me remettre aux gestes quotidiens qui forgent mon être au monde à Lisbonne. Le thé du matin, l'œuf à la coque, les pilules à avaler, le réveil de Charlotte, son café, la douche, les marches parfois pénibles, les courses, l'anticipation de l'écriture quotidienne, la lecture, la vérification des comptes, les invitations, les réponses aux mails reçus, les infos du soir, etc. Il s'agit là d'activités mineures, sans importance, et pourtant elles imposent leurs petites exigences comme s'il s'agissait d'un grignotage du temps, une lente érosion du corps et de l'esprit. Je lis rapidement les nouvelles en feuilletant électroniquement le Guardian, le Monde, Libération, l'Express, le Nouvel Obs, etc. Il n'y a pas grand chose de nouveau dans ces nouvelles du monde. Elles participent activement à ce grignotage du temps...


Papiers en désordre
Des mots couverts de poussière
Qui ne bougent plus


Entendre des voix
Les oreilles sont des fleurs
Qui s'ouvrent parfois

lundi 15 mai 2017

Bulgare

Isabel, Sasha et moi, sommes allés chez Zlatka et Stan hier pour un délicieux brunch bulgare dans la campagne au nord de Lisbonne. Elle nous a offert, notamment, des champignons préparés à la russe, excellents, que l'on peut acheter dans un magasin spécialisé dans les produits russes, à Lisbonne. Je ne manquerai pas d'y faire un tour, un de ces jours.

J'ai terminé le livre de Coates. Je l'ai trouvé intéressant et bien écrit. Il donne un aperçu saisissant sur la culture des noirs américains, les obstacles qu'il rencontrent à tout moment, et la peur qu'ils ont vissée au ventre depuis leur enfance. Le contraste est étonnant quand il parle de sa visite à Paris où il s'aperçoit qu'il n'y a aucune peur dans les yeux des passants, hommes ou femmes, noirs ou blancs, enfants ou adultes. Sans doute n'a-t-il pas visité les banlieues. 


Un grand château vide
Où, toute vie disparue,
Le fantôme pleure

dimanche 14 mai 2017

Ta-Nehisi Coates


Christine m'a offert le livre de Ta-Nehisi Coates, Une colère noire. Lettre à mon fils, publié en 2015 en anglais sous le titre Between  the World and Me, Spiegel & Grau. Je l'ai lu dans l'avion qui me ramenait à Lisbonne et j'ai trouvé ce livre curieux et intéressant dans la façon dont l'auteur insiste sur le "corps noir", son propre corps en l'occurrence mais aussi, le corps noir dans l'Amérique d'aujourd'hui et la volonté des "Rêveurs blancs", toujours très présente, de s'emparer de ce corps, de le faire souffrir et de s'en débarrasser en fin de compte.  Il y a des passages très éloquents sur la rue et l'école : "La rue n'était pas mon seul problème. Elle était une chaîne  attachée à ma jambe droite ; l'école entravait la gauche. Si tu ne pouvais pas comprendre les règles de la rue, tu pouvais dire adieu à ton corps sur-le-champ. Mais si tu ne comprenais pas le fonctionnement de l'école, tu pouvais aussi lui dire adieu un peu plus tard." (p. 45) "J'en suis venu à considérer la rue et l'école comme les deux bras d'un même monstre. L'une profitait du pouvoir officiel de l'Etat tandis que l'autre s'appuyait sur son approbation implicite. Mais c'est la peur et la violence qui constituaient leur arsenal. Si tu échouais dans la rue, les bandes profitaient de ta chute et s'emparaient de ton corps. Si tu échouais à l'école, tu en étais renvoyé et tu finissais par atterrir dans cette même rue, où les bandes s'emparaient, à peine un peu plus tard, de ton corps." (p.54) "Notre monde est un monde physique. Il faut que tu apprennes à jouer défensif : ignorer ce que dit la tête et ne pas quitter le corps des yeux." (p.55) "J'apprenais la poésie comme un artisanat, une façon plus intense de pratiquer ce que ma mère m'avait appris tant d'années auparavant : l'artisanat de l'écriture en tant qu'art de la pensée. La poésie vise à une économie de la vérité. (...) La poésie, ça consistait à analyser mes réflexions jusqu'à ce que les scories du raisonnement disparaissent pour laisser place aux vérités froides et brutales de la vie." (p.77)

Bon... je ne vais pas recopier le livre. Je ne l'ai pas encore entièrement lu. 



On veut parfois dire
Deux ou trois choses, mais quoi ?
A quelqu'un, mais qui ?

samedi 13 mai 2017

Marie Stuart

Excellent dîner hier soir avec Martine, Françoise et Duncan, rue Marie Stuart. Martine avait préparé une délicieuse casserole de veau aux champignons avec des épinards. C'était très bon. J'ai apporté un vin de Bourgogne qui allait parfaitement bien avec le menu.

Je prends l'avion cet après-midi à Orly.


L'angle de ses bras
Trop petit pour embrasser
Le tronc du vieux chêne

vendredi 12 mai 2017

Joinville

S'endormir dans une péniche à Joinville le Pont et se réveiller, avec l'eau au ras du hublot, le soleil et les feuilles à la surface de l'eau et les oiseaux dans les arbres.

Ce soir, je dîne chez ma sœur Martine avec ma sœur Françoise.

C'est l'anniversaire d'Eric demain et j'ai complètement oublié de lui souhaiter un bon anniversaire alors que nous avons été ensemble pendant toute la matinée et que nous avons même déjeuné ensemble. Nul de chez nul. Je lui offre ce haïku :


Retrouver sa niche
Dans un ventre de péniche
Boire à l'amitié

jeudi 11 mai 2017

Coupable ?

Trump vient de licencier Comey, le chef du FBI, parce que celui-ci devenait trop curieux sur ses liens avec la Russie. Il s'agit sans doute de faire en sorte que l'enquête n'aboutisse pas. On en déduit, évidemment, que le président a des choses à cacher. C'est une sorte d'aveu de culpabilité. Mais qu'en feront les Américains ? Mystère.

La journée d'études sur les controverses scientifiques s'est bien déroulée. Avec des interventions d'inégale qualité. Mais bon ! c'est toujours comme ça, ou presque, ne soyons pas négatif. J'ai revu Elsa avec plaisir. J'admire beaucoup sa vivacité.

Il faudra attendre que j'aie pris mon petit déjeuner pour pouvoir lire mon haïku quotidien.

Le voici :

Hélas, tête lourde
Œil vide, oreille sourde
Que faire du jour ?

mercredi 10 mai 2017

Bequilles

Une bonne journée hier, en compagnie d'Eric H. J'ai apprécié la cuisine dijonnaise. Le rêve de cette nuit n'était pas rassurant. Je marchais avec deux béquilles. J'avais trouvé une méthode pour aller plus vite en sautant comme un kangourou grâce à l'appui des béquilles. C'était très efficace. Cela fait sans doute référence à l'intervention qui doit ouvrir la journée d'études sur les controverses scientifiques de ce matin. J'ai l'habitude de parler mes interventions. Bien sûr, j'ai quelques béquilles dans leur préparation écrite. Mais cette préparation ne sert qu'à me plonger dans le contexte intellectuel de l'affaire. Ce n'est pas toujours réussi mais parfois, ça fonctionne mieux que je ne l'avais prévu. L'avantage de la parole c'est précisément qu'elle vous force à vous mettre en rapport avec ceux qui écoutent, à solliciter pleinement leur attention. Bon ! On verra bien. Cela se passera dans une heure environ.


Les yeux dans le vague
Serait-ce le vague à l'âme ?
Vagues du passé ?

mardi 9 mai 2017

Dijon

Je suis arrivé hier à Dijon où j'ai été chaleureusement accueilli par Eric H., l'un de mes anciens étudiants, juriste de formation ,et qui est maintenant dans les sciences de l'information et de la communication, doyen de cette faculté à l'Université de Dijon. Nous avons déjeuné à midi dans une brasserie du centre de Dijon. Le soir, Eric m'a invité chez lui où nous avons mangé une délicieuse saucisse de Morteau avec des Kasknepfle (quenelles de fromages aux oignons et lardons), préparés par ses soins et dont il m'a donné la recette. Tout cela arrosé d'un excellent Meursault. 

Hier il faisait très gris sur Dijon mais ce matin les choses semblaient vouloir s'améliorer.


La ville est déserte
Pas un chat, pas un oiseau
Rien qu'un bruit de pas

lundi 8 mai 2017

Brexiters

Cette nuit j'ai fait un rêve étrange (comme la plupart des rêves d'ailleurs) : Je devais réparer le pneu de mon vélo et c'était vraiment compliqué. Une bassine d'eau, gonfler le pneu pour repérer le trou avec une sorte de souffleuse électrique, mais rien ne fonctionnait. Ce qui était étrange c'est que cette opération assez simple à laquelle j'ai procédé bien souvent dans la réalité, était devenue beaucoup plus difficile dans le rêve, au cours duquel j'accumulais les maladresses et les erreurs.

Je viens de lire la réaction scandaleuse d'un groupe de Brexiters dans le Guardian. Je vous en livre un extrait :

"The Twitter account of Leave.EU, the pro-Brexit pressure group set up by Nigel Farage for last year’s referendum, tweeted that the French people had once again “rolled over” just as they had done in 1940 – except this time they saved Germany “the bullets and the fuel”. The tweet also included a picture of a newspaper headline from 1940 reporting the surrender of France to the Nazis. Picking up on the same theme, Farage tweeted: “A giant deceit has been voted for today. Macron will be Juncker’s puppet.”
La grossièreté et la bêtise de ce commentaire sont sans égales.
J'ai passé une soirée bien française, pleine d'humour et de gaieté, bien arrosée, et superbe avec Claude, sa fille Sarah, une contre-bassiste incroyablement douée, dont j'ai déjà évoqué l'un des concerts qu'elle a donné avec la chanteuse palestinienne Camilla dans ce blog, et quelques amis. C'était magnifique et nous nous sommes bien moqués de Macron et de sa démarche de pingouin quand il a franchi, seul et complètement dans les vaps apparemment, l'esplanade du Louvre.
Je vais prendre mon train pour Dijon et rédigerez mon haïku quotidien un peu plus tard.

Les arbres vert-tendre
Traversés par des portées
De fils électriques

dimanche 7 mai 2017

Vote

Un rêve étrange cette nuit. J'étais à vélo et je devais rejoindre ma famille dans mon pays natal. Mais tout avait changé et je ne reconnaissais plus rien. A un moment donné, j'arrive dans un endroit où il n'y avait plus rien : c'était le noir total, plus aucun repère, plus de chemin, plus de traces, pas un seul signe, paysage disparu. Cela dure un petit moment. J'arrive enfin à une route. Le paysage exhibe une terre rouge comme si l'on avait tout changé dans ces lieux, creusé une nouvelle vallée, planté de nouveaux arbres. Je reconnais enfin un bout de route.

Il pleut à Paris. Enfin, disons qu'il pleuvote. On pourrait presque dire qu'il "pleurote" sur la peau grise des murs s'il ne s'agissait pas d'une journée de vote, justement. Espérons en tout cas que la journée ne se termine pas dans la peur et les pleurs.


Au plus noir du noir
Paysages disparus
Je me suis perdu

samedi 6 mai 2017

Court

Il faut écrire court surtout quand c'est quotidien, parce qu'il faut que ce soit vite lu, le matin : la trace éphémère d'une rencontre éphémère. Ecrire court ne veut pas dire que l'on n'y passe que très peu de temps. Même les haïku doivent être réfléchis, travaillés, repris, corrigés, sans qu'ils soient jamais parfaits, évidemment.

Nous tournant le dos
Le dos large et d'un pas lent
Va pour l'infini

vendredi 5 mai 2017

Controverses

Les boursouflures orgueilleusement blanches du ciel, aux bordures teintées de gris argenté, laissent échapper par intermittence, quelques gouttes de pluie que le vent rabat violemment sur les carreaux. Puis, très vite, le ciel s'assombrit vraiment pendant que des avions passent. Une grosse pluie estompe les contours de l'horizon. La ville perd ses détails. 

Je crois que pendant l'heure éveillée qui a précédé ma sortie du lit, j'ai enfin saisi le fil de mon intervention du 10 mai à Dijon, sur la "dimension théorique" des controverses socio-scientifiques. L'exigence induite par l'usage du mot "théorique" me paralyse quelque peu.  Je savais que cela tournerait autour d'une référence à Hannah Arendt. Il faut que je mette tout cela par écrit rapidement. Il y a encore quelques pointes de pensée à éclaircir en regardant un ciel de plus en plus sombre en train d'envahir tout ce que je vois.



Bruits dans la cuisine
Dont les odeurs synonymes 
Ouvrent l'appétit


jeudi 4 mai 2017

Sinistre...

... débat, hier soir entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. L'incroyable succession de mensonges de Marine Le Pen me scandalise. Ne faudrait-il pas instaurer une règle dans ce genre de débats, une règle qui dirait qu'au premier mensonge avéré proféré par l'un des débateurs, il (ou elle) serait immédiatement exclu(e) de la discussion ? On ne devrait pas avoir le droit de mentir publiquement de façon aussi éhontée. Certes, on peut se tromper, mais tromper sciemment les auditeurs avec des insinuations sans preuves, des affirmations délibérément outrancières, des "faits alternatifs" comme disait l'autre, est une sorte de crime contre la décence ordinaire, contre la convention simple d'une quête hésitante et partagée de vérité. Cela n'existe pas ? Non, en effet. Il faudrait que cela existe. Je ne sais pas comment faire pour que ça existe. Quelqu'un aurait-il une idée ? Je ne reproche pas à Marine Le Pen ses effets rhétoriques et ses réparties souvent bien ajustées qui frappent leur cible comme de bonnes flèches. Je ne lui reproche que les canonnades bruyantes de ses mensonges les plus grossiers. 

Le livre d'Anne Sibran, dont je poursuis la lecture, fait étrangement écho au livre d'Abram, souvent cité dans le cadre de ce blog. 



La blancheur du mur
Et le grisé flou d'une ombre
De passage, l'âme ?

mercredi 3 mai 2017

Sibran


Sasha est de nouveau parmi nous. Elle a déjà prévu d'aller à la plage avec Charlotte. Elle m'a apporté le livre qu'elle vient de terminer : Enfance d'un chaman par Anne Sibran (Gallimard, Paris, 2017), que je vais lire à mon tour. Ensuite, il faudra vraiment que j'aille faire quelques courses avant mon voyage à Paris et Dijon. Je n'arrête pas de procrastiner les courses en ville. 


Vendredi soir nous irons écouter Eduardo Viveiros de Castro au teatro Maria Matos à Lisbonne. Il parlera sans doute Portugais mais comme je connais un peu ses idées, je pense que je vais pouvoir me débrouiller pour comprendre. 


Bleu zèbré de blanc :
Gommés par un gros nuage,
Des écrits d'avions

mardi 2 mai 2017

Réflexivité

Hier soir, j'ai vu Fritz Lang. Der andere in uns (traduit par "le démon en nous" alors que l'allemand parle seulement de "l'autre" en  nous) de Gordian Maugg, un réalisateur allemand qui a tourné en 1966 ce documentaire sur l'implication-fascination de Fritz Lang dans et pour l'affaire du "vampire de Düsseldorf". Le film met en scène Fritz Lang et son attirance pour cette affaire qui l'inspira pour tourner en 1931, M. le maudit, son premier film de cinéma parlant, dont on aperçoit quelques séquences dans le documentaire de Maugg. Il s'agit d'une méditation sur le cinéma qui me semble extrêmement intéressante, au nom même de la réflexivité qu'elle met en scène d'une façon exceptionnelle. 


Sauter dans les flaques
Un plaisir de tête à claques
Pour rester enfant

lundi 1 mai 2017

1111

Mille cent onze articles depuis que j'ai commencé ce blog. Et bientôt cent onze mille cent onze pages lues depuis le début. Des chiffres qui ne veulent pas dire grand chose, certes. Ils ne montrent que ma détermination à respecter une sorte de règle d'écriture quotidienne, assez absurde à vrai dire.

* * *

Il est difficile, en ces temps troublés par la montée du Front National, de ne pas penser constamment à l'élection du 7 mai. Isabel est très pessimiste. Moi, je continue à penser que Macron sera notre prochain président de la République, ce qui ne me fait pas danser de joie, certes, mais cela ouvrirait la voie à l'ouverture... Hum ! Ouvrir la voie à l'ouverture, européenne et démocratique. Bon. Pour que l'opposition puisse continuer à s'opposer. Et fermer la voie à la fermeture. Voilà qui est bien dit !

Hier soir, toujours sur ARTE, j'ai vu un documentaire sur le cinéaste Jean Renoir, fils d'Auguste, le peintre. Magnifique. Et avant-hier soir, j'ai vu un autre documentaire sur la campagne de Russie de Napoléon Ier. Là également, j'ai beaucoup apprécié les détails militaires de ce désastre qui s'est terminé sur la Bérézina en novembre 1812. Cela m'a fait revivre quelques pages de Guerre et paix, de Tolstoï.

Cet après-midi, je vais travailler avec Z. et Isabel Serra sur un projet de recherche que nous présentons à La Fondation pour la Science du Portugal. Du travail en perspective.



Bord de porcelaine
Contre bord tremblé des lèvres
Pour humer le thé