mercredi 8 janvier 2020

King Kong Théorie

J'ai lu hier le petit livre de Virginie Despentes, King Kong Théorie.  J'ai trouvé ce petit livre tout-à-fait intéressant et certainement très juste sur de nombreux points. Ce que l'auteure dit de la prostitution par exemple me semble à la fois rationnel et raisonnable : cest un travail comme un autre et il n'y a pas d'entorse morale dans cette pratique. Ce qu'elle dit également du viol m'a frappé. Oui, dit-elle, on peut s'en remettre, on peut ne pas s'identifier une fois pour toutes au statut de victime. Son traitement du porno est également assez original. Bref, c'est un livre féministe à lire attentivement.

4 commentaires:

  1. Cher Baudouin, je n'avais pas pu m'empêcher d'écrire une réponse, à propos de la discussion sur le viol et le "statut de victime" mais il a disparu à l'envoi. J'ai hésité et j'en réécris une quand même, plus courte, tant je ne peux m'empêcher de prendre les choses au sérieux, de plus en plus au sérieux à mesure que le temps file, le temps nécessaire pour essayer d'agir dans ce monde, Donna Haraway le dirait en souriant (que le temps file, qu'on doit s'employer à récupérer des choses). Aprèsje ne parlerai plus jamais de viol ou de victime dans des discussions où l'on en parlera comme s'il s'agissait d'idées, mais là il y a un enjeu, j'ai espoir d'être comprise, et que ça apporte éventuellement quelque chose. Alors oui évidemment on s'en remet, et évidemment on peut ne pas s'identifier "une fois pour toutes" au statut de victime. C'est justement la règle, des millions de femmes n'ont eu d'autre choix, celui de ne pas même avoir à penser qu'il faut ou non s'en remettre, on peut s'en remettre évidemment, même si on ne peut pas faire que ça n'ait pas existé, comme on peut se remettre de presque tout. Ce n'est pas très original ni très intéressant de l'écrire tant c'est la règle. Et évidemment on ne s'identifie pas une fois pour toutes au statut de victime. C'est même la banalité, c'est la norme : être victime, en garder le savoir, c'est déjà faire la victime. Donc on se tait. Et là soudain depuis très peu de temps on ne se tait plus. Mais à peine on commence tous vraiment à prendre la mesure, niée jusqu'ici, de la violence structurelle, la violence infligée à tant de femmes (viols et violences) que déjà il faut se dépêcher d'inciter à dépasser, à surtout pas se poser en victime. James Baldwin, dans une séquence du magnifique film "I am not your negro" de Raoul Peck, se voit proposer par un philosophe (blanc) de se considérer avant tout comme un intellectuel brillant. James Baldwin refuse cette proposition : il exige qu'on entende qu'il a eu peur de mourir en tant que noir, il parle depuis cette expérience et il nous fait sentir et savoir que nous n'avons pas le droit de ne pas le reconnaître s'il l'exprime, qu'il y a quelque chose à en apprendre, d'essentiel. Les étudiants ont été très frappés par cette séquence quand je la leur ai projetée : c'est si rare, si troublant, cette exigence d'entendre parler depuis l'expérience de victime (et non le statut) que ça permet d'entrevoir l' exigence d'affronter ce que ça crée pour tout le monde, au point que ça pourrait changer l'amérique.

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  2. Cher Baudouin,
    moi aussi, je ne peux m'empêcher de réagir, aussi brièvement que possible : quel triste monde qu'un monde où le sexe est qualifié de "travail comme un autre" (sans compter, bien sûr, que c'est tout de même la plupart du temps d'un travail de femme que l'on parle). F.W.

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    1. Je n'ai pas vraiment le temps maintenant de réagier à vos deux commentaires. En fait la position de Virginie Despentes n'est pas aussi claire que j'ai pu le faire croire, en particulire sur le viol. J'y reviendrai certainement parce que c'est un sujet grave et important. Merci en tout cas de votre lecture attentive et de vos commentaires.

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  3. "Un travail comme un autre": Donc cela te conviendrais si Isabel, Celia ou Charlotte exerçaient ce "métier" ?

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