samedi 31 mars 2018

Katyn

Je me suis trompé de jour. Je pensais que Ruben devait passer par Lisbonne hier, alors que ce n'est que jeudi prochain que l'on aura le plaisir de le voir, à son retour du Ghana. Désolé pour cette erreur. Par contre, c'est aujourd'hui qu'Isabel doit revenir de Paris. J'irai la chercher à l'aéroport tout-à-l'heure.  

*  *  *

Depuis une semaine, nous mangeons en essayant d'éviter le gluten. Pas facile mais je remarque une amélioration dans le fonctionnement de mes tripes. J'ai également supprimé le vin depuis lundi dernier. Peut-être que l'amélioration vient de là. En tout cas, je me sens mûr pour entamer un jeûne de quelques jours, juste pour nettoyer un peu mon intériorité organique. Je reste très incertain quant à prendre rendez-vous pour une quimioterapia intravesical adjuvante : mitomicina C, celle que mon chirurgien m'a "conseillée" quand je l'ai revu il y a quelques jours. C'est peut-être pour cette raison que je voudrais entamer un nouveau jeûne.

*  *  *

Le roman de Philipp Kerr que je viens d'entamer traite d'une enquête —effectuée par Bernhardt Gunther, évidemment— sur le massacre de Katyn Wood, tout près de Smolensk. Le titre en anglais de ce roman : A Man Without Breath, traduit en français sous le titre Les ombres de Katyn. La fiction de Kerr
rend l'événement beaucoup plus concret que s'il s'agissait d'un compte-rendu de presse. On pénètre dans la forêt de bouleaux avec Gunther, le froid est glacial, le ciel est lugubre, jusqu'au moment où on arrive devant la première tombe, qu'un loup avait déjà fouillée...

vendredi 30 mars 2018

Ruben

Ils avaient détruit entièrement la ville ancienne et transféré les habitants dans une ville provisoire qui présentait une immense coupole de bèton, susceptible d'abriter tout ce qui existait auparavant là-bas. Et maintenant, ils reconstruisaient la ville autrement, de manière plus rationnelle. Ils avaient quand même gardé les monuments ou certains immeubles, comme le palais du Rhin. Oui ! il s'agissait bien de Strasbourg dans mon rêve de la nuit dernière. Pourtant, je ne savais pas ce qu'ils avaient fait de la cathédrale. Neue-Strassburg sur le modèle de New-York. Ça pourrait être Strasbourg-la-Neuve, aussi bien. Je l'ai évoqué en allemand, sans doute à cause des romans de Philipp Kerr que je lis en ce moment et qui vous font baigner dans une culture germanique vue à travers des lunettes anglo-saxonnes. Enfin, Kerr était écossais apparemment.

Pour le moment, j'attends Ruben, le fils de Célia qui, de retour du Ghana, doit passer quelques heures à Lisbonne. Mais je n'ai aucune nouvelle pour le moment. Il est possible que son avion ait eu quelque retard. En tout cas je me réjouis de le voir. J'espère que nous pourrons quand même passer un long moment ensemble.


jeudi 29 mars 2018

Abricotier

Isabel est partie ce matin. Elle s'est envolée vers Paris d'où elle ira à Fontainebleau pour l'enterrement de sa cousine Marina. 

Rentré à la maison, je remarque tout-à-coup l'abricotier que nous avons acheté peu après notre installation dans ce nouvel appartement provisoire de la rue Sousa Martins, en attendant notre emménagement plus définitif, comme j'ose l'espérer, dans l'immeuble que nous avons acheté et qui doit être entièrement restauré. Ce petit arbre chétif est en fleurs, ce qui nous permet d'espérer le voir fructifier et déguster bientôt le résultat de ses efforts.

Enfin, j'ai appris avant hier soir la naissance de Colyn, dont père et mère sont tous deux mathématiciens, Colyn, le premier fils de Jeannot. "Tout s'est bien passé", m'a-t-il assuré.

*  *  *

J'ajoute une citation [tirée de mon Kindle] de Philippe Kerr tirée de son roman The Other Side of Silence :
"The Russians make excellent spies. Much better than us because they lie so well. And of course they lie to themselves most skilfully of all. Which is the key to all effective lying. You have to convince yourself, first of all. The English are hopeless liars by comparison. We're too honest about ourselves. Too self-effacing. Lying shocks us."
Citation particulièrement pertinente aujourd'hui, quand les mensonges de Poutine menacent de nous entraîner dans des dérives imprévisibles.

mercredi 28 mars 2018

HAL

Hier après-midi, j'ai déposé deux articles dans les archives ouvertes du CNRS, HAL. Notamment mon article de 1969 intitulé "Vulgarisation scientifique et idéologie", l'un de mes premiers articles conséquents qui m'avait été demandé par Abraham Moles pour la revue Communications. J'ai relu cet article et j'ai l'impression, sans doute fausse, que tout y est, comme si je n'avais fait qu'explorer pendant toute une partie de ma vie, les potentialités de sens que cet article contenait. Même mes dernières orientations vers la question de l'écriture et de la littérature dans leurs rapports avec la parole, s'y trouvent implicitement. N'aurais-je été que le jouet ou la marionnette de cet écrit de jeunesse pendant 50 ans et à travers toutes les institutions qui ont abrité mes réflexions ? Cet article avait souvent été jugé difficile par mes lecteurs de l'époque qui relevaient quelques "tics" de langage lacanien. Mais je me souviens très bien de l'appréciation positive de Michel de Certeau et, un peu plus tard, de Werner Ackermann, un intellectuel chilien avec qui j'avais organisé un Colloque sur la vulgarisation scientifique au Conseil de l'Europe.

Ce qui est étrange quand j'ai fait mon dépôt sur HAL, c'est qu'ils [qui "ils" ? je ne sais] ont mentionné automatiquement sa provenance dans une revue que je ne connais pas, alors que les indications d'année et de pages étaient parfaitement correctes. Il y a là un mystère à éclaircir... que je n'éclaircirai pas.


La vieille endormie
Au visage plein de rides
Sourit ; elle rêve

mardi 27 mars 2018

Pantoufles

J'ai oublié de mentionner hier que la veille, au cours de la balade avec Francine et Etienne, à la Boca do Inferno, je me suis laissé tenté par l'achat, pour la première fois de ma vie, d'une paire de pantoufles. Il faut dire que, tous les matins, quand je me lève vers 5.00 ou 6.00, il faut très froid dans l'appartement que je parcours pieds nus. Il s'agit de pantoufles fourrées que l'on enfile très facilement dans le noir. Comme je me lève plusieurs fois par nuit, cela me gardera les pieds bien au chaud pendant mes pérégrinations nocturnes. Ainsi, ai-je commencé hier, une seconde vie : ma vie de retraité pantouflard. Je n'en crois pas mes pieds !

La nuit dernière, j'ai fait beaucoup de rêves dont certains très étranges, qui me mettait moi-même en scène dans un lieu très semblable au Couvent des Capucins dont j'ai parlé hier. Je m'escrimais à faire griller une tranche de poisson dans un creux de rocher vertical qui montrait une face analogue à celle d'un grille-pain. Mais la tranche ne tenait pas dans ce foyer rudimentaire. Rien à voir avec ma nouvelle vie de pantouflard. Je doute fort en effet que les moinillons portugais qui vivaient là-bas aient pu disposer de pantoufles pour se promener dans leur couvent la nuit.

lundi 26 mars 2018

Capuchos

Nous avons fait tout un tour avec Francine et Etienne hier : première étape à la Boca do Inferno, ensuite Guincho, où nous avons déjeuné, puis le Cabo da Roca, qui est l'avancée la plus à l'ouest du continent européen, puis le Couvento dos Capuchos, cet ensemble de bâtiments qui était encore habité au XIXe siècle où l'on peut voir les cellules minuscules des moines qui se retiraient là pour vivre en complète autarcie, et enfin, Sintra où nous avons pu boire un thé chaud avant de rentrer à la maison pour le riz au canard d'Isabel.

dimanche 25 mars 2018

Kerr

Philip Kerr vient de mourir. Il avait 62 ans. C'était un écrivain remarquable, auteur de polars historiques dont l'action se déroulait au cœur de l'Allemagne nazie. 62 ans, c'est bien jeune pour un auteur aussi brillant. Je me souviens fort bien de son Prague fatale, magnifique. Son prochain ouvrage va paraître au Seuil cet été : Bleu de Prusse. Je pourrais le lire tout de suite après l'avoir acheté sur mon kindle, en anglais, bien sûr ! 

Aujourd'hui nous allons emmener Francine et Etienne à Guinshu et à Sintra. Le temps a l'air de se mettre au beau.

samedi 24 mars 2018

Chimio

À fleur de nuage
Ombre grise dans le gris
Avion fantôme

Aise d'un soupir
Surface calme du corps
Le repos du lac


J'ai revu le chirurgien qui m'a opéré le 5 février dernier. Il m'a assuré que tout est parti et que les tumeurs n'avaient pas eu le temps de s'enraciner dans la paroi même de la vessie. Mais, ajoute-t-il, pour éloigner tout danger de réapparition de la tumeur —c'est, me dit-il, un genre de tumeur qui revient facilement après quelque temps— je vous conseille de suivre une chimiothérapie à la Mitomicine C : une fois par semaine pendant six semaines et une fois par mois pendant six mois. Le produit est introduit par l'urètre, ce qui n'est vraiment pas agréable. 

Par ailleurs, j'ai revu avant-hier le Dr Quintela qui me contrôlera à nouveau dans un an après toute une série d'examens. Il n'était pas content de me revoir, mais comme il y avait eu cette alerte à la vessie, il se sent obligé de programmer un nouveau contrôle. Il aurait bien aimé pouvoir me dire que j'étais tout-à-fait guéri. 

Il y a vraiment quelque chose d'absolument détestable dans la manière dont Sarkozy se défend de ce dont on l'accuse. Il ne parle jamais du contenu de ces accusations, il ne fait qu'insulter les accusateurs, les traitant de voyous, de crapules et d'assassins. Il oublie cette vérité que nous connaissons tous et qui vient de notre enfance : "C'est çui qui dit qui l'est." L'injure désigne d'abord celui qui la profère. J'ai trouvé cette illustration sur internet. Elle me semble représenter assez bien l'ironie du message que nous avons tous entendu dans notre enfance et que Edwy Plenel cite souvent. Il faut dire qu'il est souvent l'objet d'insultes et d'injures de la part des hommes politiques.

vendredi 23 mars 2018

FZ

Je reçois aujourd'hui Francine Z. avec son ami Étienne, en voyage au Portugal. Mais, alors que la journée d'hier a été magnifique, aujourd'hui le temps est maussade avec une sorte de crachin portugais dans l'air. Les parapluies fleurissent, donnant des couleurs à la rue. Quand j'ai connu Francine, elle peignait des tableaux. J'ai pris une photo de l'un d'entre eux, accroché dans ma chambre. Aujourd'hui elle édite des "livres d'artistes". Elle en a fait elle-même quelques uns. Elle m'a parlé du Festival des Baux-de-Provence qu'elle organise chaque année autour du livre d'artiste. Faute de crédits municipaux, il n'aura pas lieu cette année.

*  *  *

J'ai repris l'exercice de la planche. Le médecin qui m'avait opéré le 5 février dernier m'avait conseillé de ne pas soumettre mon ventre à des efforts pendant au moins un mois. J'en ai fait quelques uns au cours de mon périple de la première quinzaine de mars. C'est à mon retour à Lisbonne que j'ai repris cet exercice du matin.  

jeudi 22 mars 2018

Louisa

Le suicide de Marina m'a fait repenser à des paroles d'une chanson que j'avais écrite, il y a environ 50 ans, à l'époque où, après avoir donné ma démission de journaliste professionnel aux Dernières Nouvelles d'Alsace, j'espérais devenir riche en devenant le parolier de l'un de mes amis qui, lui-même, voulait devenir une star. 
Voici les paroles dont je me souviens.

Allez Louisa

Elle a mis dans son sac
Un revolver
Une bouteille de cognac
Une lettre à sa mère

Refrain  
Allez, Louisa
Il n'y aura pas pour toi
D'Alléluia
Allez, Louisa

Dans sa voiture de sport
Elle est partie
Vers on ne sait quel bord
D'une vie pas finie

...

Je ne me souviens plus de la suite et je ne suis pas sûr du refrain, mais c'était quelque chose comme ça. Mon ami avait trouvé une mélodie qui "collait" assez bien avec ces paroles. C'est d'ailleurs à travers le souvenir de cette mélodie que les paroles me sont revenues à l'esprit. Pour illustrer cet article j'ai "googlé" Louisa sur internet et je suis tombé sur de nombreuses images possibles. J'ai choisi une photo de Louisa Lytton, une actrice anglaise en robe blanche. 

*  *  *

Je lis actuellement The Body Artist de Don DeLillo, un petit roman qui traînait sur l'une de mes étagères et que je n'avais jamais lu. Une écriture très travaillée pour saisir le quotidien d'une vie de couple qui s'interrompt.



mercredi 21 mars 2018

Disparition

Le retour du bleu, poussé sans doute par un vent froid, venu du Nord, le retour d'un bleu immense que de rares oiseaux traversent rapidement. J'ai parlé de "rares oiseaux" parce qu'ici aussi, au Portugal, ils sont de moins en moins nombreux. Ne serait-ce pas une chose terrifiante qu'un ciel sans oiseaux ? un champ de fleurs sans abeilles ? une Afrique sans rhinoceros blanc ? un océan sans baleines ni dauphins ni sardines ? une forêt sans champignons ? 
Pour la forêt sans champignons, il n'y a rien à craindre, sans doute. Tapi sous la surface, le mycélium survivra sans doute à tout, même aux hommes.

*  *  *

Sarkozy est dans le colimateur de la justice. Une justice qui est censée être aveugle aux différences sociales. Au lieu de répondre aux accusations dont il a été, et est toujours, l'objet, Sarkozy fustige les journalistes, tente de leur faire honte en "osant" le comparer aux malfrats qui l'ont si bien entouré. Il fait précisément jouer les différences sociales. Il voudrait que la justice remarque sa distinction de président, il voudrait lui enlever le bandeau qui la rend aveugle. Est-ce là une défense digne d'un honnête homme ? 


mardi 20 mars 2018

Esprits frappeurs

Je les ai entendus hier matin, allongé dans le tube de l'IRM, sans bouger, malgré les écouteurs qui m'ont été prêtés pour ne pas subir le vacarme technologique de cet examen. Ce n'est pas la première fois que je le subis. Presqu'une routine à vrai dire. Il s'agit de savoir si mes tripes sont normales. Jeudi, j'ai rendez-vous avec le Dr Quintela qui m'en dira sans doute plus sur mon état de santé. Patience.

Puisque j'en suis aux esprits frappeurs —ci-contre, Tommy Ungerer, auteur de L'esprit frappeur, en pleine action !—, j'en profite pour en dire un peu plus sur le texte dont JMP m'a donné une copie et qui fut publié en décembre 1730 au Mercure de France. C'est Monsieur de Treüillot de Proncourt, curé d'Ansacq, qui écrit à Madame la Princesse de Conty : "Il s'agit d'un bruit extraordinaire dans l'air, qui a toutes les apparences d'un Prodige ; presque tous les habitans du lieu où il s'est fait, assurent, jurent et prostestent l'avoir bien entendu. Ces Témoins, comme gens de la campagne, appellent cet évenement un Sabbat ; les esprits forts l'appelleront comme ils voudront, et pourront raisonner, ou plutôt badiner à leur aise. (...) Le Samedi 28. Janvier de la presente année, le bruit se répandit dans la Paroisse d'Ansacq, près Clermont en Beauvoisis, que la nuit précédente, plusieurs Particuliers des deux sexes, avoient entendu dans l'Air une multitude prodigieuse comme de voix humaines de differens tons, grosseurs & éclats, de tout âge, de tout sexe, parlant & criant toutes ensemble, sans néanmoins que ces Particuliers aient pu rien distinguer de ce que les voix articuloient ; que parmi cette confusion de voix, on en avoit reconnu & distingué un nombre infini qui poussoit des cris lugubres & lamentables, comme de personnes affligées, d'autres des cris de joye & des ris éclatans, comme de personnes qui se divertissent ; quelques uns ajoûtent qu'ils ont clairement distingué parmi ces voix humaines, soit-disant, les sons de differens instrumens."

Ce n'est évidemment pas ce que j'ai entendu, allongé tout seul dans mon tube, car je pouvais clairement distinguer des accords tonitruants de grandes orgues imaginaires. Le curé d'Ansacq forge le mot "acousmate" pour nommer cet incident sonore qui s'est reproduit par trois fois cette année là et dont ont témoigné de nombreux villageoises et villageois, indépendemment les uns des autres, tous  et toutes,  habitants de ce village. Seul le curé n'a rien entendu.

Hier soir, j'ai vu deux films sur Arte : Fatale, de Louis Malle et Cet obscur objet du désir de Bunuel, ce dernier très étrange et tout-à-fait fascinant que j'aurais bien aimé que Charlotte voye avec nous.

lundi 19 mars 2018

Marina





Isabel a reçu un coup de téléphone, hier, vers 6 heures du matin. Sa cousine germaine, Marina, s'était donné la mort en se jetant d'un pont dans la Seine. On se dit alors : "Comment est-ce possible ?" Or, on le sait, c'est possible. Elle venait assez souvent chez nous. C'est elle qui, le 26 février dernier, m'a conduit à l'aéroport pour mon périple d'hiver qui m'a conduit de Lyon à Dijon, puis Strasbourg, Londres, Leamington Spa, Londres à nouveau, Paris, Luxembourg, Metz et retour à Lisbonne. Elle avait trois enfants dont une fille de l'âge de Charlotte. C'est triste. D'après Isabel, elle avait cette soif éperdue d'amour absolu, sans limites, devant laquelle les humains, généralement, défaillent.

*  *  *

En fin d'après-midi, nous sommes allés tous les trois à la piscine, juste en face de chez nous. Le bassin est assez grand et nous avons fait, Isabel et moi, quelques longueurs avant d'aller se faire masser par toutes sortes de jets d'eau et d'air dans le spa. Il y avait aussi le bain turc qui nous a réchauffés. Bref, les plaisirs de l'eau. 

dimanche 18 mars 2018

Langage

L'un des articles qui m'a le plus à la fois étonné et passionné dans Marcher avec les dragons de Tim Ingold, est celui intitulé "Poétique de l'usage des outils. De la technologie, du langage et de l'intelligence à l'artisanat, au chant et à l'imagination", pp 381-412. En voici un extrait particulièrement intéressant :

"Qu'est-ce alors que le langage ? Ou, plus précisément, comment arrivons-nous à penser que le langage existe, et que nous pouvons essayer d'en décrire et d'en expliquer l'évolution ? Une première réponse serait de soutenir que cette idée est un sous-produit du processus d' "intériorisation" de la personnalité qui a marqué l'émergence du concept d'individu dans l'Occident moderne (Mauss 1999 [1950]; Dumont 1983). C'est ce concept qui nous conduit à chercher la source génératrice de l'action intentionnelle dans l'intériorité de l'être humain et non dans la sphère de son engagement dans un champ de relations plus large. Ainsi, on suppose que tout individu, indépendamment des autres, est équipé d'une capacité linguistique (ou en tout cas d'un dispositif pour son acquisition) située quelque part dans le cerveau, qui serait la source génératrice de la parole. Une autre réponse possible, liée à la première, serait de dire que l'idée d'un langage est nécessairement impliquée par un rationalisme incapable de concevoir l'action autrement que comme un mécanisme de reproduction, dans un milieu physique, de modèles déjà construits dans la pensée. L'on accorde ainsi au langage la responsabilité de construire ces modèles, à savoir les phrases, qui sont par la suite simplement exécutées dans la parole. Il existe cependant une troisième réponse, selon laquelle l'idée du langage est un "fétiche de linguistes" qui ont voulu modeler les activités de la parole comme si elles étaient l'application d'un système cohérent de règles sémantiques et syntaxiques déduites par l'abstraction à partir du comportement observé."

Remarque : je me demande si le traducteur, Pierre Madelin, excellent par ailleurs, n'aurait pas dû traduire l'anglais language ici, par "langue" plutôt que par "langage". Comme il est question d'une critique des linguistes, c'est plutôt de la "langue", leur objet d'étude, que l'auteur parle, à mon avis. 

Tout cet article devrait être lu et discuté par les enseignants du français au Lycée Ermesinde, ne fut-ce que pour leur faire prendre conscience de ce dont il s'agit quand on apprend à parler une langue. Cet article est en tout cas magnifique, notamment quand il identifie la parole au chant tout comme l'intelligence à l'imagination. 

Tout l'ouvrage est aussi une défense de l'implicite dans notre engagement pratique dans le monde. 


samedi 17 mars 2018

Metz

De Mersch à Metz en passant par Luxembourg hier soir pour répondre à l'invitation de JMP qui m'avait invité chez lui, notamment pour discuter de l'article qu'il m'a demandé sur le thème des rapports entre l'oralité et l'écriture. Un appartement magnifique dans le vieux Metz, très grand, ancien avec de hauts plafonds, très agréable la nuit, pas un bruit, les fenêtres de ma chambre donnant sur une cour intérieure et l'immeuble étant situé dans la partie piétonnière de Metz. JMP m'a parlé de ses projets d'écriture actuels, et notamment de la publication d'un mémoire du XVIIIe siècle rédigé par le curé du village d'Ansacq (près de Beauvais) témoignant d'un "acousmate" c'est-à-dire, la perception par de nombreuses personnes du village de bruits étranges (hurlements, rires, sons d'instruments divers) et très forts sans que l'origine de ces sons puisse être déterminée par quiconque. JMP m'a donné une copie de ce mémoire dont je recopierai quelques extraits un peu plus tard.

vendredi 16 mars 2018

Réussir

Nous avons eu, à Mersch, une longue discussion, plutôt philosophique, sur certains aspects de l'enseignement au lycée Ermesinde. Nous étions en train de rédiger une brochure qui s'adresserait aux parents, éventuellement désireux de mettre leur enfant au lycée. Un mot d'ordre de départ : Voulez-vous que votre enfant "réussisse dans la vie" ou voulez-vous qu'il "réussisse sa vie" ? Ces deux sens du mot "réussir" ne doivent pas être confondus. "Réussir dans la vie" ne mène pas forcément au bonheur, "réussir sa vie", c'est forcément être heureux, être en accord avec soi-même. Nous avons également abordé les contenus concrets de l'enseignement en partant tout d'abord du principe qu'il faut partir de l'actualité. L'école doit renouer avec le présent, le hic et nunc de tout ce qui est vivant. C'est à travers la connaissance de ce qui nous arrive aujourd'hui que l'on peut essayer de comprendre comment cela arrive et où cela nous mène. Etc., etc.

Le soir, j'ai dîné au "Rimini", un restaurant italien de Mersch avec J. Nous nous sommes tous les deux à nouveau adonnés à la critique de ce monde scolaire, très refermé sur lui-même et pourtant très envahissant dans la manière dont il imprègne les comportements et les attitudes que les adultes, une fois sortis de l'école, vont conserver durant leur vie entière. L'école continue de fabriquer une grande majorité de perdants face auxquels les "gagnants", ceux qui "réussissent dans leur vie", ont peu d'arguments si ce n'est que l'école leur a réussi, à eux. En fait, ce qui devrait vraiment être contesté dans ce domaine, c'est le caractère obligatoire de l'école. Celle-ci n'est faite que pour ceux qui réussissent. Elle n'apporte rien aux autres, si ce n'est de la honte ou de la culpabilité, totalement injustifiées.

*  *  *

Je lis dans la presse de ce matin un compte-rendu de la visite de Macron au salon du livre et j'apprends qu'il a boudé le stand de la littérature russe en guise de représailles solidaires avec la Grande Bretagne contre l'empoisonnement d'un espion russe. J'ai trouvé ce geste lamentable tout comme celui de Teresa May qui annonce que la reine d'Angleterre n'assistera pas à la coupe mondiale de foot en Russie. Comportements infantiles adoptés pour satisfaire les goûts de vengeance de peuples infantiles. On se croirait dans une cour de lycée pendant la récréation.

jeudi 15 mars 2018

Ingold

Mon rendez-vous d'hier avec P. a été très positif. Nous avons eu une discussion intéressante sur l'éducation et l'école. Je crois bien que nous sommes plutôt d'accord sur le diagnostic mais il est possible que nous ne soyons pas du même avis quant à ce qu'il faudrait faire. Je l'ai invitée à venir au prochain CEIP à Mersch du 14 au 16 juin. J'espère beaucoup qu'elle pourra venir parce que je suis sûr qu'elle apporterait beaucoup à notre petit groupe.

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Je lis actuellement un recueil d'articles de Tim Ingold, cet anthropologue écossais qui enseigne à l'Université d'Aberdeen, et qui discute en profondeur les rapports entre l'anthropologie et la biologie. C'est passionnant. Je cite un passage du premier article de ce recueil intitulé Marcher avec les dragons (Collection Points, 2013) : "La parole, pour Janáček, est une sorte de chant, et il en va de même de tous les autres sons qui résonnent dans notre conscience, des bruits des vagues au gloussement des poules dans une ferme ou à la "nuit sanguinaire" d'un moustique, en passant par le tintement d'une vieille cloche rouillée ou le son inquiétant d'une conduite d'eau éclatée. Nous faut-il donc penser qu'à travers ces mélodies, la nature tente de communiquer avec nous, de nous envoyer des messages encodés dans des motifs sonores ? Le point de vue de Janáček est assez différent. Selon lui, il nous faut cesser de penser aux sons de la parole comme s'ils étaient de simples véhicules de la communication symbolique, comme s'ils ne servaient qu'à extérioriser des états intérieurs tels que les croyances, des propositions ou des émotions. Car le son, comme l'écrit Janáček, "s'épanouira en un être complet [...] Il n'est point de sons qui soient détachés de l'arbre de vie". Leos Janáček est un compositeur qui a transcrit sur une partition les différents sons des vagues de la mer, comme l'illustre ce document que j'ai repris du livre d'Ingold.

mercredi 14 mars 2018

Hawking

Né le 8 janvier 1942, Stephen Hawking est mort ce matin. Il était serpent de métal (comme moi !) s'il faut en croire les astrologues chinois. Sa brief history of time est un livre qui a été vendu a des millions d'exemplaires et je me souviens vaguement l'avoir lu sans en tirer grand chose de durable en termes de connaissance. C'est toujours la même chose avec la vulgarisation scientifique : on s'intéresse à un truc, on lit, ou on regarde un documentaire bien fait, ou on écoute attentivement un programme de radio, on comprend, mais oui, bon sang, mais c'est bien sûr, puis la vie quotidienne reprend ses droits sur nos habitudes cognitives... on oublie vaguement... on se souvient vaguement... emporté par les vagues ressassées de la vie ordinaire. 

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Hier après-midi j'ai lu le roman de Guy Boley, Fils du feu. C'est le premier roman d'un auteur de plus de soixante ans qui a obtenu cinq prix littéraires et j'avoue que je l'ai trouvé superbe, tant par la langue très poétique qu'il utilise, par un rythme que l'on sent contaminé par une prégnance singulière de l'alexandrin —l'auteur semble être un grand admirateur de Victor Hugo (qui, incidemment, a prétendu avoir brisé "ce grand niais d'alexandrin ! )—, que par l'histoire de ce gamin, fils de forgeron, qui raconte son enfance dans les faubourgs populaires d'une ville qu'on ne connait pas mais que l'on reconnaît parfaitement quand on a vécu dans un environnement analogue. 

mardi 13 mars 2018

Smiley

J'ai lu hier le premier roman de John le Carré, Call for the Dead, où l'auteur met en scène son espion, George Smiley. Il le décrit de façon détaillée et lève le voile sur son passé. C'est un petit roman bien écrit et intelligent. 

*  *  *

Avant de prendre l'Eurostar, je suis allé faire un tour au British Museum. J'y ai remarqué cette sculpture étrange de Mrinalini Mukherjee, une artiste indienne, décédée le 2 février 2015 à 65 ans seulement. Je cite l'extrait d'un article consacré à son œuvre :

"The strong note of sexuality is manifest in the phallic forms, the mysterious folds and orifices, the intricate curves and drapes. There is a sensuous, tactile quality to her work which exercises a compelling hold on the viewer."

C'est un peu ce que j'ai ressenti devant cette figure qui exprime magnifiquement la complexité féminine d'une sensualité faite de torsions cachées, de plis secrets, de gestes esquissés, de tourments tranquilles.   

lundi 12 mars 2018

Playfair

D'un ciel maugréant
Ses bruits d'avion dans le gris
Se moque le coq


J'ai passé cette dernière nuit britannique à Playfair à Londres dans l'appartement très froid de Duncan et Martine et en compagnie onirique de Manuel Valls qui présentait un récital de ses chansons. Il est venu vers moi pour discuter mais je n'avais pas envie de parler avec lui. La veille au soir, j'ai dîné avec Zephira dans un excellent restaurant japonais après avoir passé quelque temps à Foyles, comme me l'avait conseillé Duncan, et à Waterstones où j'avais donné rendez-vous à Zephi. Ces deux librairies sont assez extraordinaires. On pourrait y passer des heures, surtout à Foyles où l'on peut se restaurer au dernier étage. J'y ai repéré plusieurs livres que j'aurais bien voulu acheter mais comme je n'ai pas la place dans mes bagages pour les transporter, j'ai dû y renoncer.

dimanche 11 mars 2018

Albion

Il faut être en Angleterre pour voir une chose pareille : nous avons dormi cette nuit dans un Bed&Breakfast, parfait sous tout rapport mais qui avait une particularité étonnante. Je disposais d'une petite douche dans laquelle je suis entré pour ma douche froide du matin. A ma gauche et à hauteur de mes yeux, un appareil blanc d'où sortait un tuyau de douche. Je règle la température et je cherche le robinet. Pas moyen de le trouver. Je manipule tous les boutons, rien. Jusqu'à ce que je m'avise d'une tirette reliée au plafond, en dehors de la douche —j'avais renoncé à trouver ce foutu robinet et j'étais sorti de la cage de verre— et, croyant qu'il s'agissait de l'aération, je tire sur cette ficelle... hourra, je vois l'eau sortir du tuyau ! Mais quand même... placer le "robinet" de la douche en dehors de la cage de douche, je n'avais jamais vu ça...

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Nous nous sommes séparés ce matin sur le quai de la gare de Leamington Spa. Tout le monde était là : Duncan et Martine, Natacha, James, Marcus et Dominique, Alan et Justine, Françoise, Marianne et Patrick. Nous avons chanté Happy Birthday, en français, sur le quai. C'était superbe. J'ai failli oublier ma casquette dans la chambre du B&B, mais j'y suis retourné avec James pour la récupérer. Ce fut une soirée très chaleureuse. James avait préparé les filets de chevreuil avec la compétence d'un grand chef. C'était vraiment très bon et le vin que j'avais apporté de Dijon a fait merveille. Tout le monde l'a apprécié. Nous étions nombreux ce qui fait que le Magnum n'a réussi à faire qu'une seule tournée. 

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Je suis pour l'instant au 5e étage de la librairie Foyles à Londres. Je viens de m'offrir un déjeuner frugal mais très bon. 

samedi 10 mars 2018

Dédale

Cette nuit, je me suis perdu dans un dédale de petites rues parisiennes à la recherche de mon propre "chez moi" devant lequel stationnait une 2CV verte —de la couleur des pommes "Granny Smith"—. J'étais avec un "psy", le "psy" de Charlotte un homme qui venait d'avoir une séance avec elle et que j'avais surpris tout nu en face de ma fille (qui devait avoir 9 ans à ce moment-là), toute nue elle aussi. Je m'apprêtais à lui faire part de  mon mécontentement, de la colère même qui m'envahissait, quand il m'expliqua que sa méthode impliquait la nudité, qu'il avait respecté ma fille et que je n'avais pas à m'en faire. Que beaucoup de gens le critiquaient pour cette méthode singulière, qui, pourtant, selon lui, avait de bons résultats. Tout nu, il n'était pas très séduisant. Il avait un ventre rond, il était tout rose, et avait un visage bouffi, quelques cheveux et des gants d'infirmiers blancs. Un personnage étrange qui, maintenant, m'accompagnait dans la recherche de mon propre domicile au cœur de ce dédale de ruelles parisiennes bordées d'immeubles en déshérence.

Nous sommes arrivés chez Martine hier vers 13h, après un voyage sans histoire en voiture. À un moment donné, j'ai sorti mon kindle pour poursuivre la lecture de Mark Twain, What is Man ?, un essai dans lequel l'auteur défend une thèse très semblable à celle que j'ai moi-même défendue à plusieurs reprises dans mes propres textes : "None but gods have ever had a thought which did not come from the outside. Adam probably had a good head, but it was of no sort of use to him until it was filled up from the outside [italiques de Mark Twain]. He was not able to invent the triflingest little thing with it. He had not a shadow of a notion of the difference between good and evil—he had to get the idea from the outside. Neither he nor Eve was able to originate the idea that it was immodest to go naked; the knowledge came in with the apple from the outside. A man's brain is so constructed that it can originate nothing whatsoever. It can only use material obtained outside."

vendredi 9 mars 2018

Europe

J'ai lu hier le petit livre de Bruno Latour et je l'ai trouvé compliqué et pas toujours convaincant, surtout, dans la succession des shémas qui devraient nous aider à comprendre ce que le texte nous propose mais que je n'ai pas trouvé particulièrement clairs. Il y a le dernier paragraphe que j'ai trouvé presque émouvant dans les termes qu'il employe pour faire l'apologie de l'Europe, ce vieux continent tout fissuré de frontières et fragmenté de langues et de cultures, plein des rides de l'histoire et qui se retrouve seul, loin de ses colonies antérieures, loin de l'Amérique, loin de l'Orient, loin du Sud, mais peut-être prêt à "atterrir", comme il le souhaite, prêt à donner corps au "terrestre". 

jeudi 8 mars 2018

Famille


Mes trois sœurs et mon frère Patrick sont avec moi à Londres. Le voyage fut agréable et presque trop court, avec le TGV d'abord puis Eurostar ensuite. Ce matin, l'eau froide était vraiment froide. Glacée. Mais j'ai merveilleusement bien dormi.


J'ai entamé le livre de Bruno Latour Où atterrir ? Comment s'orienter en politique (La Découverte, 2017). Mais il était difficile de se concentrer avec une si joyeuse compagnie autour de moi. J'ai trouvé cette photo de Bruno sur internet. Il y en a beaucoup mais j'ai choisi celle-là qui le montre barbu. Je m'en suis étonné. 

mercredi 7 mars 2018

Derniers vieux

Visite d'amis à Strasbourg. Avec Bernard A., il me vient une expression : "Nous sommes les derniers vieux", lui disais-je. C'est une expression étrange qui entérine notre course à l'extinction des espèces, humanité comprise. Ce n'est pas une expression très optimiste, je le reconnais volontiers. Mais il faut y mettre assez d'ironie pour que cela se limite à une fulgurance réflexive. Tous les vieux de toujours ont toujours été les derniers vieux, évidemment !

Je suis actuellement chez Josiane. Et nous allons voir une exposition place d'Austerlitz, à nouveau. Je dis "à nouveau" parce que c'est là qu'Irène et moi avions retrouvé Célia, hier à midi, avant d'aller déjeuner dans un petit restaurant syrien, très propre et très chaleureux, où nous avons mangé un plat oriental excellent, arrosé d'un vin marocain tout-à-fait honnête.

Ne pas oublier d'acheter le dernier numéro de Fakir que j'ai pu feuilleter rapidement chez Josiane.

Finalement, je n'ai pas vu l'exposition de la place d'Austerlitz. C'était fermé le matin. Par contre j'ai passé une excellente soirée, hier chez Josiane. Nous avons parlé du cancer et des multiples traitements alternatifs qui existent à l'heure actuelle. Dans Fakir, j'ai lu le témoignage de Thomas sur la Centrafrique. Interviewé par François Ruffin. Éloquent. On a honte qu'il soit possible d'être fier d'être Français. 

mardi 6 mars 2018

Ad pedibus

Strasbourg : Célia me dépose devant le Musée zoologique, le bâtiment qui, selon le projet que j'ai défendu il y a plus de vingt ans, devait être au cœur du Jardin des sciences et qui abrite aujourd'hui la "Maison de la science" dont Mélodie a été la première directrice. Nous nous sommes rencontrés et avons déjeuné ensemble à la Victoire. Un beau contact, plein de promesses dans le champ de la mise en culture des sciences. Ensuite, je suis allé voir  ma sœur Françoise, toujours souriante et pleine d'attention. Francis n'était pas là. Peu après son retour, il m'a proposé de me montrer l'appartement du rez-de-chaussée de la rue de l'Angle à la Robertsau et de me conduire chez Irène qui m'avait invité à dîner. Je craignais les marches à pied car mes chaussures (achetées juste avant mon départ de Lisbonne) me font mal. Or tout s'est arrangé pour réduire mes trajets ad pedibus au minimum. 

lundi 5 mars 2018

Villon


Frères humains, qui, après nous, vivez...


Hier, chez ma fille Célia, j'ai lu la série des trois BD intitulées Je, François Villon (Delcourt, 2011), de Luigi Critone d'après Jean Teulé. Le dessin est magnifique et le texte, parfois un peu trop élliptique à mon goût, reprend de nombreux poèmes de François Villon, ce qui est très bien. Cet auteur, Jean Teulé, a écrit plusieurs ouvrages dont Célia m'a parlé : Entrez dans la danse chez Juillard (2018) et Le Magasin des suicides chez Juillard (2007) également. Je ne connaissais pas cet auteur et je vais sans doute en acheter un pour mon trajet Strasbourg-Paris, mercredi prochain. 

dimanche 4 mars 2018

Ressassement

Célia est venue me chercher à la gare. J'avais fait le trajet Dijon - Strasbourg avec Eric H., d'une très grande gentillesse. Nous avons discuté de la réunion de certains de mes articles en un volume publiable. Au fond, je trouve que l'ordre chronologique ne serait pas à rejeter même si cela conduirait sans doute à des répétitions. Je ressasse beaucoup. Comme l'océan en bord de plage ou têtu sur le même rocher depuis des centaines voire des milliers d'années. En effet je reviens encore et encore sur les mêmes problèmes, le même petit coin du réel, au cours de mon parcours intellectuel. Il y a eu la vulgarisation scientifique d'abord. Ensuite j'ai passé beaucoup de temps avec l'anthropologie des sciences et les rapports entre sciences de la nature et sciences de l'homme. Ces problèmes continuent à mobiliser mes réflexions. Je me suis enfin intéressé à l'écriture et à la manière dont celle-ci formatait nos pensées, nos sentiments, nos connaissances, par rapport à l'échange oral. Je suis encore attaché à ces thèmes que je trouve passionnants. Je conclus sur cette belle phrase de Maurice Blanchot tirée du Ressassement éternel : "Jamais tu ne sauras ce que tu as écrit, même si tu n'as écrit que pour le savoir." Au fond, les seuls moments où je ne ressasse pas, c'est quand je réfléchis à un haïku, encore que, ces fragments de pensée donnent souvent lieu à quelque ressassement, mais de nature différente de celle qui affecte mes préoccupations académiques.


samedi 3 mars 2018

Réflexivités

Voilà ! Lionel Maillot a passé l'épreuve de la soutenance avec succès. Le jury lui a accordé le titre de "docteur". C'est une bonne chose. Il pourra ainsi poursuivre son travail dans de meilleures conditions. Enfin... c'est ce que nous espérons. Nous avons quitté la fête un peu plus tôt. C'était une fête de famille et Joëlle et moi, nous étions fatigués. 

Je cite un passage de ma propre intervention à cette soutenance, où j'essaye de distinguer les formes de la réflexivité dans les sciences de la nature et dans les sciences de l'homme :

"La réflexivité dont peut témoigner un physicien ou un chimiste au détour d’une prise de parole qui le met en contact avec les mots de l’autre ou avec les questions souvent naïves de l’autre —l’élève ou le profane— lui fait prendre conscience de la possibilité d’un partage culturel de la science qu’il fait. Dans ce partage, il n’est pas vraiment question du savoir en tant que tel, savoir qui, comme le dit Hannah Arendt ne se jauge qu’en termes de vérité ou d’erreur. Il y est plutôt, comme elle l’ajoute ensuite, question de pensée et d’échange, seules garanties qu’il est possible de faire sens avec du « scientifique ». On ne peut faire sens qu’avec de la pensée, et dans l’échange.
Pour un sociologue cependant, la réflexivité est un préalable épistémologique indispensable à la poursuite de son travail en tant que sociologue. Il soustrait du sens commun, trop exposé aux effets de pouvoir et des rapports de force qui existent dans le champ social, ces éléments qui, au travers d’une inspiration qui doit tout à son propre désir de scientificité, vont amorcer l’émergence d’une nouvelle perspective sur le social justement. La nouveauté requise pour qu’il puisse légitimer son appartenance au champ de la science, est là, et seulement là. Le sociologue doit réinventer sans cesse la possibilité d’une vision du social différente de celle qui prévaut dans le social..."

vendredi 2 mars 2018

Chabot-Charny


Dijon sous la neige
Marcher comme des poissons
Qui ont peur de l'eau


C'est à la Faculté, rue Chabot-Charny à Dijon que j'ai travaillé hier pendant toute la journée dans le magnifique bureau d'Eric H. C'était très calme et j'ai pu penser en toute tranquillité. La photo ci-jointe à droite représente le bâtiment mais il faut imaginer le lieu avec une bonne couche de neige (cf. photo de gauche) pour se faire une idée plus exacte de l'endroit où j'ai travaillé. Dijon est une toute petite ville, assez agréable où l'on mange très bien. Hier soir nous avons dîner au même endroit que la veille et nous avons bu le même vin divin. 

jeudi 1 mars 2018

Patriarche

Eric H. m'attendait à la sortie du train venant de Lyon. Accueil très chaleureux. Nous sommes allés dîner dans un restaurant qu'il connaît bien et je n'ai pas pu m'empêcher de commander un... bœuf bourguignon, absolument délicieux, avec une sauce parfaite. Le tout arrosé d'un vin comme seule la Bourgogne peut en fabriquer. Nous avons beaucoup parlé de la thèse qui sera soutenue devant nous demain. Joëlle sera là ainsi qu'Elsa Poupardin. Je serai ainsi au milieu des gens qui, dans le monde académique, ont soutenu et continuent à soutenir l'approche de la vulgarisation scientifique que j'ai initiée avec ma thèse en 1973, c'est-à-dire, il y a quarante quatre ans déjà. Beaucoup d'anciens étudiants du DESS seront là, apparemment. Je vais faire figure de patriarche, sans la barbe, évidemment ! Il faut dire que celle que j'ai trouvée sur internet est particulièrement belle, non ?

Dans le train de Lyon à Dijon, j'ai lu ce tout petit livre de Mark Twain, Cette maudite race humaine (Actes Sud). C'est un véritable bijou. J'aurais pu l'utiliser pour compléter mon texte sur science et humanisme. Il faut absolument que je retrouve ce texte en anglais. Cela doit être encore plus savoureux. Décidément, Mark Twain, né en 1835, lors du premier passage de la comète Halley, et mort en 1910, quand cette comète a quitté le système solaire à nouveau, est un auteur qui mérite toute notre attention.

*  *  *

En me promenant hier dans les rues très encombrées de Lyon, je me suis posé une question étrange : pourquoi est-ce que, dans une ville inconnue —comme l'est Lyon pour moi— les gens que l'on croise dans la rue ont-ils des visages d'inconnus ? Quand je vais à Paris, ville où j'ai habité pendant 14 ans, je n'ai absolument pas la même impression : je me promène rue de Rivoli au milieu d'une foule assez dense, et je n'ai absolument pas l'impression de croiser des visages inconnus. Bien que je n'y reconnaisse personne, je me sens dans un monde familier, connu. C'est une impression très étrange.