lundi 31 juillet 2017

9ème jour

Dans l'eau bleue du ciel
Un avion nage en silence
Sans bouger la queue

Le clapotis du vent
Dans les feuilles du peuplier
Fait naviguer l'âme



Et oui ! nous avons obtenu un jour de rab, pour vider vraiment l'appartement de tout ce qu'il contenait. Hier après-midi, j'ai fait un grand vide dans mes archives. Deux exemplaires annotés de ma thèse de troisième cycle sont partis à la poubelle, ainsi que de nombreux tirés à part qui ne me servent plus à rien puisque je ne savais pas où ils se trouvaient. En fait, pour garder des archives il faut, au préalable, avoir beaucoup d'ordre et savoir exactement où se trouve quoi. Sinon, ça ne sert qu'à mettre durement à l'épreuve les nerfs de vos héritiers qui auront beaucoup de mal à comprendre le fratras que vous leur laissez. C'est donc demain que nous remettrons nos jeux de clés à la représentante du propriétaire. Pendant qu'on bouge les choses, pendant qu'on les transporte d'un endroit à un autre, on pense beaucoup. Les bras (et le dos) sont occupés, la tête peut s'activer avec mille pensées. 

En levant les yeux au ciel je m'aperçois que le spectacle que me livre ma fenêtre est assez varié : le vert des feuilles de peuplier, le bleu du ciel, le gris des nuages, le blanc des immeubles, etc... J'aimerais bien qu'un oiseau vienne discuter avec moi en se perchant sur une branche de mon peuplier. Pas facile cependant, car les branches de peuplier s'élèvent très verticalement vers le ciel. Je m'aperçois cependant que l'une des branches a un parcours pratiquement horizontal. Comment signaler cette opportunité formidable aux oiseaux du coin  ?

* * *

Le trou de mon passé, qui était comblé à ras bord par de lourdes caisses d'archives, est maintenant plein de trous, au nom de ce détricotage de ma carrière qui me fait retenir telle période plutôt que telle autre, tels documents plutôt que ceux-là, telles correspondances plutôt que ces autres qui ont été écartées, avec peine d'ailleurs. C'est fou ce qu'on peut avoir du mal à jeter des écritures manuscrites. Les documents d'ordinateur ne suscite guère cette peine. Ils s'en vont parce qu'on croit qu'ils sont ailleurs, quelque part, inscrits dans des puces numériques qu'on imagine pouvoir retrouver si l'on s'en donne la peine. 

dimanche 30 juillet 2017

8ème jour

Il faut brûler ces livres
Qui nous bourrent le cerveau
De transcendance



Ça ne finira donc jamais. En principe, nous rendons les clés de l'appartement demain, au moment de l'état des lieux. Toujours en principe, nous devrions récupérer en tout cas une bonne partie de la caution. Cela nous permettra de survivre parce que jusqu'ici, ce déménagement nous a coûté plus que nous ne l'imaginions. Mais je dois dire que nos déménageurs, tous Brésiliens, ont été remarquables d'efficacité et de gentillesse malgré la nécessité de faire des efforts physiques importants par une chaleur qui dépassait régulièrement les 30°.  Je vais passer cette journée dans l'ancien appartement où un nombre impressionnant de livres attendent d'en savoir plus sur leur sort. J'ai sacrifié beaucoup de livres d'épistémologie, de sociologie des sciences et relevant du domaine STS. Ce faisant, je ne pouvais m'empêcher de réactiver un souvenir : cela se passait à Stinval quand il a fallu que nous quittions notre maison de vacances. Il a fallu faire le vide et nous sommes tombés à un moment donné sur une immense armoire noire, bourrée de livres. Des livres religieux. Missels et catéchismes évidemment, mais aussi théologie, livres sur la foi chrétienne, l'Imitation de Jésus-Christ, etc., etc. Mon père décida de s'en débarrasser et nous fîmes un immense autodafé dans le jardin avec tous ces livres sensés nous parler de Dieu et des mystères de la foi. Même chose quand, avec mon fils, nous avons vidé la maison de Préfailles, mais là ce sont plutôt les polars en anglais qui sont partis en fumée. Bien entendu, il n 'est pas question de brûler les livres dont j'ai décidé de me séparer. Ils seront mis en vente dans une excellent librairie à Obidos. J'irai voir de temps en temps s'ils nourrissent la vie intellectuelle de nouveaux lecteurs.

samedi 29 juillet 2017

7ème jour

Si près, peuplier,
Tes feuilles et mes oreilles
Sur la même branche



Ce ne sera pas encore le jour du repos, malheureusement. J'ai passé toute la journée à trier des livres, à en écarter beaucoup pour que le reste puisse avoir une place et magré la sévérité de mes jugements, il y en a encore trop. Trop de livres, trop de choses. Les déménagements servent à cela : repartir sans cette charge d'objets, de livres et de meubles accumulés sans discernement en raison de l'espace dont on disposait dans l'ancien appartement. Il existe une sorte d'illusion étrange : on croit se séparer de son propre passé, alors qu'en réalité, on se sépare de la séparation, tout simplement.

vendredi 28 juillet 2017

6ème jour

Sens dessus dessous
Au désordre un seul remède :
Marcher au plafond



Notre chat vit dans un monde de bruits : il y a ceux qu'il connaît bien parce qu'ils se répètent chaque jour, et il y a ceux qu'il ne connaît pas et qui l'inquiètent. Dans ce nouvel appartement où nous sommes,  les premiers jours ont été très difficiles parce que son environnement sonore était tout chamboulé. Je poursuivrai cet article un peu plus tard car des tâches urgentes m'attendent.

jeudi 27 juillet 2017

5ème jour

Le ballet des phares
Qui balayent un mur de livres
Dans l'obscurité


Cinquième jour du déménagement. Nous avons rapatrié des "tonnes" de vêtements divers malgré une première fournée de dons. Il va falloir se séparer encore un peu plus de nous-mêmes, moi de ma taille 42 à laquelle je renonce, Isabel des textiles magnifiques dont elle avait hérité de sa mère. Je dois me séparer de mon passé, ou plutôt des traces de ce passé qui, à travers les archives de mon père, remonte bien avant ma naissance. Cette cinquième journée sera celle du renoncement. Nous gardons quand même beaucoup de choses. Sans doute trop. Mais voilà : comme le disait Isabel, nous attendons un tremblement de terre pour faire un deuil plus radical des choses, les choses les plus précieuses, les plus fragiles, que nous avons emballées avec un soin tout particulier. Soyons migrants. Ayons l'esprit migrant. Pas seulement parce que c'est la mode. Plutôt parce que c'est de l'humain. De la bonne matière humaine.

Coïncidence étrange (comme toutes les coïncidences, d'ailleurs), je lis dans l'Express d'aujourd'hui :



"Comme une partie de la matière avec laquelle nous avons été formés peut provenir d'autres galaxies, nous pourrions nous considérer comme des voyageurs spatiaux ou des immigrants extragalactiques", déclare Daniel Anglés-Alcázar. 
Voilà qui est bien dit.

mercredi 26 juillet 2017

4ème jour

Ah... mais c'est qu'il bouge
Ce grand échalas feuillu
Que le vent chatouille


Notre nouvel appartement prend forme tout doucement. Mais ce n'est pas fini. J'ai trié des livres hier soir encore jusque vers 23 heures, mais je crains que cela ne suffise pas. Je vais me débarrasser des Pères de l'Eglise, une collection datant du début du XIXe siècle. Il y a aussi La Vie des hommes illustres de Plutarque, en 12 volumes : cela prend une place folle alors que l'on peut avoir la même chose en un volume dans la collection Quarto de Gallimard. Bref il n'est pas facile de passer de 160 à 130 m2 surtout quand on n'y a jamais pensé auparavant. J'ai fait de grandes coupes également dans les archives de mon père. Même si je ne suis guère séduit ni par sa prose ni par sa poésie, cela me fait mal au cœur de jeter des poèmes manuscrits inédits. Ceci dit, s'ils sont restés inédits, c'est peut-être parce qu'ils étaient médiocres. En tout cas, si moi, je les ai sacrifiés c'est parce qu'ils ne me plaisaient pas. J'ai gardé ses romans. Par contre ses articles "éducatifs" sont aussi partis.

mardi 25 juillet 2017

3ème jour

Livres, livres, livres
Pleins de poussière et de bêtes,
De lumière aussi



Une troisième journée difficile s'annonce, une journée qui devra être consacrée au tri de mes livres : d'un côté ceux que je vendrai à une librairie d'occasion de Lisbonne, de l'autre, ceux que je garderai pour moi. Moments difficiles en perspective.

lundi 24 juillet 2017

2ème jour

Le chat sous le lit
Est tout désorienté
Hé, mon bac à sable

C'est fou ce qu'on peut accumuler de choses en six années de vie. Il faut dire que aussi bien moi, qu'Isabel, sommes assez conservateurs et ne jetons pas facilement des choses qui "pourraient encore servir". Mais là, il n'y a pas d'alternative : il faut se débarrasser de beaucoup de choses et notamment d'une grande partie de mes livres. Je connais ceux que je ne lirai plus et pourtant, ce sont ceux qu'on a lus, relus et que l'on connait le mieux que l'on veut garder. Comme disait mon ex-beau-père, on veut garder les "amis" et dire adieu à tous ceux qui n'étaient que des "connaissances" et parfois assez vagues, il faut le dire.

dimanche 23 juillet 2017

Premier matin

La rue est déserte
Ecrasée de soleil
Tiens ! Un avion passe



Première nuit dans notre nouvel appartement : je suis assis à ma table de travail, juste devant une fenêtre d'où je découvre quand même un bon bout de ciel, très bleu aujourd'hui. Mon regard enfile la rue qui, perpendiculaire à la nôtre, me fait face. Au bout de la rue, par dessus les immeubles ensoleillés, les avions passent de gauche à droite, filant silencieusement vers l'aéroport. Ils ressemblent à des poissons exotiques traversant l'eau bleue d'un aquarium. Malgré un double vitrage assez efficace, j'entends le vent chuchoter dans les feuilles d'un grand peuplier argenté qui, à deux mètres de moi, penche ses branches vers ma fenêtre du premier étage, comme pour me souhaiter la bienvenue. 

* * *

Clara est arrivée hier. Elle m'a apporté un livre de la part de sa grand mère, les Journaux de voyage, de Bashô. Je me réjouis de m'y plonger.

samedi 22 juillet 2017

Wifi

Visages du ciel
En pleurs, barbus, blancs ou vides
Parsemés de rides
Que leurs creusent les avions
En sillonnant l'horizon


Notre abonnement wifi doit en principe s'éteindre dans notre appartement aujourd'hui, pour reprendre aussitôt dans notre nouvel appartement. Pour le moment, ça marche encore. Bientôt je n'aurai plus cette vue sur le ciel qui a si vivement marqué mon inspiration dans ce blog. A la place du ciel, il y aura un arbre, un peuplier pour être plus précis, qui j'espère saura guider mes prochains élans poétiques. Là, je vois les antennes osciller sous la poussée du vent tandis que les nuages, immensément floconeux, semblent ne pas bouger. Pendant que je déplacerai toutes ces choses hors de leurs trous que la quotidienneté leur a ménagés pendant 6 ans, j'essaierai de penser à mon haïku habituel. Il s'agit d'ailleurs, non d'un haïku, mais d'un tanka, qui est une sorte de poème japonais en 5 vers totalisant 31 syllabes.

vendredi 21 juillet 2017

Déménager

Noyé dans les choses
Qui sortent de tous ces trous
Aux creux oubliés



En plein dans la tourmente du déménagement : il faut que je me débarrasse de beaucoup de livres, ceux que je ne lirai certainement plus jamais — il y en a pas mal, mais chaque livre fait l'objet d'une réflexion, vraiment ? je n'y ferai plus jamais référence ? ou bien : pourquoi l'ai-je acheté celui-là, je n'ai fait que l'effeuiller avant de le ranger, maintenant que je le découvre à nouveau, ne devrais-je pas le garder pour le connaître un peu mieux, bref, je savais qu'il n'est pas facile de déménager, mais aujourd'hui, c'est vraiment très dur...

jeudi 20 juillet 2017

Caisses

Indécent, ce vent
Soulevant la robe à fleurs
Qui sèche au balcon


Sarah et Fred sont revenus avec Stéphane. Nous avons dîné au milieu des caisses encore vides qu'Isabel a louées pour déménager. Nous avons bien bu également ce qui nous a conduits à entamer une discussion philosophique sur l'écriture et la monnaie qui manquait sans doute de précision et de clarté. Ci-contre une aquarelle de Fred qui montre les fenêtres où était sus-pendue cette robe à fleurs dont je parle plus haut.

mercredi 19 juillet 2017

Livres

De ta bouche glisse
Une coulée de fraîcheur
En moi. Quel plaisir !


Les livres sont des objets très particuliers. Ils ont chacun une apparence extérieure singulière qui fait qu'on peut les reconnaître facilement au milieu d'une foule d'autres livres : là, je l'ai trouvé, je n'ai même pas eu besoin de déchiffrer son titre, c'est comme s'il avait un visage. Il est vrai que parfois, le livre que l'on cherche se cache, on ne le trouve pas tout de suite, au premier coup d'œil, non pas parce qu'il n'est pas à sa place —les livres n'ont pas de véritable place, bien à eux— mais parce que je ne le vois pas, peut-être que je le confonds avec un autre en ce qui concerne l'apparence extérieure justement, de la même manière que l'on croit reconnaître des gens que l'on n'a jamais rencontrés. Il y a confusion. Mais là où le livre se distingue vraiment de n'importe quel autre objet, c'est l'existence de l'intérieur du livre, un intérieur à découvrir lentement et qui, selon le papier et l'encre, sent quelque chose. On pourrait comparer le livre à un fruit quoiqu'on ne puisse guère faire avec l'intérieur d'un livre la même chose qu'avec l'intérieur d'un fruit, qui disparaît après qu'on l'ait mangé. Et une bibliothèque ne ressemble guère à une coupe de fruits. Même sur cette photo que je viens de prendre et qui n'est pas d'une très grande netteté, je reconnais Taton, vers la droite, Marx, presqu'au centre, etc.

mardi 18 juillet 2017

Archives II

De terrain vague en
Terrain vague pour dormir
A la belle étoile


Faire le grand tri dans les archives. Jeter tout ce qui ne sert plus à rien. Ça fait beaucoup. J'ai repris hier par exemple mes cahiers manuscrits dans lesquels je rédigeais les premières versions de ma thèse de 3e Cycle sur la vulgarisation scientifique : une écriture à l'encre noire, serrée, avec beaucoup de ratures et de versions provisoires. Bien entendu ces écrits n'ont plus d'intérêt. Ils attestent le travail effectué, les difficultés rencontrées et sutout la littérature consultée pour soutenir mes arguments. Beaucoup, beaucoup de notes. Jusqu'ici, je n'avais pas réussi à m'en séparer mais je crois que ce déménagement dans un endroit plus petit va m'aider à me débarrasser de ces traces du passé, qui n'intéressent finalement que moi. Alors, adieu les idées qui ont déjà été semées au vent à travers quelques publications.

Par ailleurs la lecture de quelques pages de Bukowski avant de m'endormir est très agréable.

lundi 17 juillet 2017

Archives

En triant mes archives en vue de notre déménagement, je tombe sur ce poème écrit vraisemblablement à la fin des années 60, et qui, d'ailleurs a été mis en musique, je crois, par Paul Guérin :

Sur son vaste abdomen
Méditerranéen
Je bourdonne en pollen
Elle répond en sable fin
Quelque chose d'émouvant
Les sables sont mouvants

Dans ses yeux grands ouverts
Où s'égraine à rebours
Le chapelet de hier
Elle répond ; "Mon amour"
Un peu trop gentiment
Les sables sont mouvants

Elle a repris ses signes
Elle a repris ses mains
Dans le creux de leurs lignes
Je me mêle au destin
Elle dort en souriant
Les sables sont mouvants

16 ans

L'âge des poètes :
Se laisser être pensé
En mots qui s'entêtent



C'est aujourd'hui que Charlotte a 16 ans. Je lui souhaite un joyeux anniversaire, mais comme elle ne lit jamais mon blog je devrai user d'un moyen plus direct —et surtout un peu plus tard— pour qu'elle puisse se rendre compte que je l'aime.

Je lis Bukowski en ce moment. Women. Il se met en scène lui-même : écrivain-poète sous l'emprise de multiples femmes, de celles qu'il croise dans sa vie, notamment quand il est sous l'emprise de l'alcool — vin, bière, whisky, etc. — : avec les femmes comme avec les mots, il les croise et les suit un moment, avec une certaine assiduité ; l'alcool ? pour rester dans le présent, pour que l'esprit ne s'envole pas dans les rêves ou les souvenirs, être là pour ne pas laisser échapper l'occasion d'une baise ou d'un poème, sans qu'à aucun moment on ne puisse le soupçonner de donjuanisme. Il n'est absolument pas dans la séduction, il en est l'extrême opposé. Peut-être est-ce cela qui a séduit tant de femmes qu'il a rencontrées ?

"Find what you love and let it kill you."

dimanche 16 juillet 2017

Pouvoir

Je suis le navire
Que ta houle fait tanguer
Voilà, je chavire


Ce haïku serait plutôt un senryû d'après la définition que l'on donne des uns et des autres. Le senryû a une connotation érotique discrète apparemment. Je ne sais pas si c'est très discret dans l'exemple que je viens de donner mais, en tout cas, c'est là.

Je suis allé à l'hôpital Santa Maria hier matin pour rencontrer un médecin à cause de mon dos. Mais tout était fermé. J'aurais voulu parler avec lui et lui dire à quel point les exercices que je pratique tous les jours semblaient avoir de bons effets. Ce sera pour une autre fois.

Je viens de voir une interview de Kadyrov qui parle d'éliminer les homosexuels, tout en prétendant qu'il n'y en a pas en Tchetchénie et en se réclamant du Tout Puissant pour défendre de telles idées. Ces gens de pouvoir sont inaccessibles à la raison. L'accès au pouvoir bloque toute évolution chez les gens qui réussissent à y accéder. Platon en a fait l'expérience avec Denys de Syracuse et, depuis, cette expérience se répète imperturbablement dans tous les coins du monde, sauf, peut-être, en certains lieux préservés de notre civilisation occidentale ainsi que dans quelques communautés anarchistes qui se mettent à l'abri de toute publicité. Macron devrait se méfier. A-t-il le temps de lire et relire son philosophe préféré, Paul Ricœur ? Il devrait d'ailleurs peut-être s'attaquer à Gilles Deleuze pour s'assurer d'une possibilité authentique d'évolution. Mais quand on est au pouvoir, on n'a plus de temps pour quoique ce soit d'autre que de tenter de s'y maintenir. 

samedi 15 juillet 2017

Jane Birkin

Routes de fourmis
Qui traversent les cuisines
Pour de longues marches



Hier soir, Jane Birkin pour un concert qui a eu lieu dans le parc de la Fondation Gulbenkian, avec, bien malheureusement, un avion toutes les cinq minutes en approche d'atterrissage vers l'aéroport, ce qui perturbait quelque peu l'écoute d'une voix dont l'esthétique recourt explicitement à la fragilité. C'était d'ailleurs assez drôle de voir comment, à chaque passage, les regards se tournaient vers l'avion, comme pour repousser avec les yeux, le bruit qui encombrait les oreilles. Phénomène singulier de sinesthésie. 

Mais c'était bien de réentendre les chansons de Gainsbourg interprêtées par celle à qui, comme elle le disait elle-même, il a donné le meilleur de lui-même. Un orchestre remarquable accompagnait la chanteuse qui m'a particulièrement ému avec "la chanson de Prévert" de Serge Gainsbourg. C'est une chanson tout à fait propre à vous replonger dans de beaux souvenirs. Charlotte a bien aimé, m'a-t-elle dit, mais c'était trop long pour elle. Elle nous a quittés environ trois quarts d'heure avant la fin du concert.

A noter dans le Guardian, un article de Peter Walker, qui mentionne les propos "pathetic" anti-Corbyn de Tony Blair, jouant les Cassandre sur les conséquences qu'aurait l'installation de Jeremy Corbyn au 10, Downing Street. It would put UK flat on its back, prétend-t-il. En matière de prévision, Tony Blair ferait mieux de la boucler une bonne fois pour toutes. 

vendredi 14 juillet 2017

Distant Roads

Des vagues d'asphalte
Aux écumes de métal
Immondent le monde

Le titre de cet article se réfère au thème d'une compétition de haïkus organisée par Dejan Bogojevic en souvenir de sa mère, Radmila Bogojevic, une poétesse serbe (1946-2017). Je compte bien y participer mais je trouve le thème assez difficile. C'est un défi. Je crois en outre qu'il faut envoyer nos poèmes avec la traduction anglaise.

Il y aurait aussi celui-là, peut-être plus adéquat :

Le bout de la route
Au détour de cette courbe :
Nœud gordien de rues


* * *

Par ailleurs, c'est aujourd'hui la deuxième journée que j'entame sans la moindre pilule anti-douleurs. Depuis que je fais les exercices préconisé par ma fille Célia, en y rajoutant, maintenant une minute et demi de "planche" trois fois par jour, j'ai l'impression de restaurer les droits de ma colonne à tenir mon corps ensemble. Bien sûr, je ressens une sorte de peine latente, le signe d'une fragilité évidente mais cela ne m'handicape plus comme auparavant quand j'égrainais ma journée avec du Tramadol, du Paracetamol ou du Vimovo. Je fais aussi très attention à manger moins, en vue d'un jeûne que je compte faire en septembre quand nous serons dans notre nouvel appartement. D'ici là, il y a le déménagement à faire, remplir des centaines de cartons de livres, démonter les étagères et les armoires Ikea, reboucher les trous, changer les adresses, aller à la banque, écrire aux administrations portugaises et françaises, etc., etc.  En tout cas, je le dis encore une fois, merci Célia, pour tes conseils si simples et si efficaces. 

* * *

Hier j'ai regardé un autre film de Jarmusch, Only Lovers Left Alive (2013), une histoire de vampires racontée de manière très poétique et musicale. Ce n'est pas le film que je préfère. L'action se déroule exclusivement pendant la nuit. C'est un peu déconcertant. 

jeudi 13 juillet 2017

Sling Blade

Réveil au milieu
De la nuit,  boire un peu d'eau,
Et se rendormir



J'ai été voir, hier, si d'autres films de Jarmusch étaient visibles en streaming sur internet et je suis tombé sur Sling Blade, le film de Billy Bob Thornton, magnifique en raison d'un rythme visuel particulier, et où Jarmusch joue le rôle d'un vendeur de glaces. J'ai bien aimé ce film qui n'est pas de Jarmusch mais qui est très particulier.  J'avais déjà vu Dead Man et Down by Law, tous les deux avec Joëlle. Mais Paterson est sans doute celui que je préfère jusqu'à présent. J'irai le revoir avec Joëlle si l'occasion se présente.

* * *

Mon dernier rêve de cette nuit : un Maghrebin me vole mon vélo. Il avait un mouton avec lui, attaché à une corde. Je réussis à m'emparer du mouton pendant qu'il s'enfuit avec mon vélo. Mais je l'attends de pied ferme avec le mouton, car je suis sûr qu'il ne va pas si facilement abandonner la pièce essentielle du méchoui familial. Le mouton sent si fort qu'il me réveille, cette fois pour de bon.


Les mots d'un haïku
Peuvent dire presque tout
Avec presque rien

mercredi 12 juillet 2017

Jarmusch

Le papier du ciel
D'Est en Ouest, premier pli
D'un origami ?


Je n'ai finalement pas écrit mon haïku quotidien hier. Le soir, je suis allé voir le film Paterson de Jim Jarmusch, film qu'Isabel et moi avons beaucoup aimé. Ce film sur la poésie est un vrai poème dont la versification visuelle est à la fois fine et subtile. Paterson, l'acteur, est habité, ou plutôt, visité par les mots que son attention aux choses et aux êtres invite dans son champ de conscience. Les mots s'invitent chez lui, ils insistent et il les accueille comme ils sont, sans y rajouter sa propre pensée. Il accepte la pensée propre des mots, s'en surprend lui-même, sans y attacher une importance plus grande qu'à son travail de conducteur de bus. Certes quand le chien lui déchiquète son carnet secret, il a l'air malheureux. Non pas qu'il se prenne pour un génie. Il regrette la disparition non pas tant de ses mots à lui que de la manière dont les mots le font vivre. C'est un très très beau film. Il fallait un creux dans la manière dont les mots me visitent moi, tous les jours avec un haïku, pour laisser à Jarmusch une place dans mon quotidien.

* * *

Je viens de terminer le polar de Mechtild Borrmann, Le violoniste, Ed. du Masque, 2014, et, dans la foulée, la petite fiction imaginée par Marc Augé, La Sacrée semaine qui changea le monde, Odile Jacob, 2016. Le livre de Borrmann se lit facilement. Le héros de ce roman est un Stradivarius qui fut donné par Alexandre II, le tsar de toutes les Russies, à un violoniste de génie qui le lèguera à ses enfants dont l'un deviendra un autre violoniste de génie en URSS. Malheureusement, ce violon sera convoité par le méchant professeur qui fera interner arbitrairement son possesseur dans un camp en Sibérie pour pouvoir s'emparer de l'instrument fabuleux. S'ensuit la quête d'un petit fils pour récupérer la vérité sur le bannissement de son grand père, et le violon. 
La fiction de Marc Augé, bien qu'un peu naïve, ne manque pas d'intérêt. Le 1er avril 2018, le pape François déclare urbi et orbi, que Dieu n'existe pas. Après une période d'intense désarroi de toutes les religions monothéistes, le calme, la paix et le bonheur reviennent sur terre grâce aux neurosciences. 

mardi 11 juillet 2017

Bon débarras





Quatre : cette fois-ci, c'est le nombre d'appartements que nous avons visités en vue d'un déménagement qui s'annonce proche. Mais c'est celui que nous avions visité vendredi, je crois, qui continue de retenir notre attention. Nous avons fait une offre. J'espère qu'elle sera acceptée. L'appartement est plus petit que celui que nous occupons actuellement (environ 50 m2 en moins) mais, il a un avantage formidable : une grande cuisine, avec des surfaces de travail suffisantes pour qu'un chef et son équipe puisse préparer un banquet. Malheureusement, nous n'aurons plus de chambre d'amis indépendante. C'est très embêtant parce que c'est ce que nouos aimons : recevoir des amis. En tout cas, il va falloir que l'on se débarrasse de beaucoup de choses. Bon débarras, me dira-t-on, car en accumulant trop d'objets, de livres, de tissus, de meubles, de paperasses inutiles, de souvenirs, etc., on finit par saturer l'espace, notre propre espace de mouvement que ce soit celui du corps ou celui de la pensée. Alors oui : bon débarras.

lundi 10 juillet 2017

Tannhäuser

Vieille odeur de livres 
Dans un sombre cajibi
Aux mille fenêtres


Hier soir, je suis resté accroché à l'écran d'Arte qui passait en direct apparemment l'opéra Tannhäuser de Richard Wagner dans une mise en scène étonnante signée Romeo Castellucci. Anja Harteros dans le rôle d'Elisabeth et Elena Pankratova en Vénus. Extraordinaire Vénus, il faut le dire, comme on peut le constater sur la photo ci-contre. Tendant un bras de temps en temps du haut de cet amas de chairs sensuellement emmêlées. dont elle semblait n'être qu'une excroissance vocale. Rien à voir avec la déesse de l'amour, peut-être, mais très fidèle à son statut wagnérien. Interviewée entre le premier et le deuxième acte, la diva n'avait pas l'air d'apprécier la posture qu'on lui avait imposée. Et pourtant, je l'ai trouvée remarquable. Dans le deuxième acte, Elisabeth n'était vêtue que d'un voile qui dévoilait discrètement, mais complètement, sa nudité sous-jacente. Elle était vraiment très belle. J'ai moins apprécié les contenus empreints d'une religiosité énervante du troisième acte, dont la musique est pourtant envoûtante. 

dimanche 9 juillet 2017

Claudel

Mur nu de bèton
Eclaboussé de soleil
La prison, peut-être 



... de son prénom, Philippe, membre de l'Académie Goncourt et auteur de ce qu'il appelle un roman, mais qui ressemble quand même étrangement à un récit autobiographique centré sur la mort d'un ami, Eugène, producteur des films qu'il réalise. C'est le titre de ce roman qui m'a attiré L'arbre du pays Toraja Paris, Ed. Stock, 1916). Cet arbre, "remarquable et majestueux, [...] se dresse dans la forêt à quelques centaines de mètres en contrebas des maisons. C'est une sépulture réservée aux très jeunes enfants venant à mourir au cours des premiers mois. Une cavité est sculptée à même le tronc de l'arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d'un linceul. On ferme la tombe ligneuse par des entrelacs de branchages et de tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l'arbre se referme, gardant le corps de l'enfant dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. Alors peu à peu commence le voyage qui le fait monter vers les cieux, au rythme patient de la croissance de l'arbre." (p. 11)

Les premières pages du livre m'ont parues un peu lourdes, comme si l'auteur devait prendre son élan pour aller plus loin. Mais, au fur et à mesure qu'on avance, on entre dans la demeure de l'écrivain, dans les replis de son amitié avec Eugène, qui meurt joyeusement d'un cancer, dans les plis que son amour pour deux femmes ont creusé dans sa vie... Il y a également de très belles remarques sur les distances entre les gens, la difficulté de leur ajustement.

Continuer

Nu dans la savane
Comme s'il était sauvage,
Un grand singe songe




C'est le titre du roman de Laurent Mauvignier (Editions de Minuit, 2016) que j'ai lu hier avec beaucoup de plaisir. Une écriture sans prétention, simple, classique, qui se lit avec beaucoup d'aisance. Le titre est un peu énigmatique mais il s'agit bien de persévérance : continuer, c'est continuer le voyage de la vie. Mauvignier, qui dit avoir eu l'idée de son roman dans un article du Monde en août 2014, met en scène une mère et son fils, adolescent mal dans sa peau, les écouteurs dans les oreilles à longueur de journée, passif devant le monde et la vie. La mère décide de faire un voyage au Kirghizistan avec lui. C'est le récit de ce voyage difficile qui apprendra à cet adolescent trop centré sur lui-même à être attentif aux autres. 

Hier également, nous sommes allés visiter un appartement qui nous a bien plu à tous les deux, Isabel et moi, pas loin de notre logement actuel, avec une grande cuisine très bien organisée, ce qui nous changerait en mieux de celle dans laquelle nous avons souvent essayé de cuisiner pendant 6 ans. Cet appartement est un peu cher mais nous avons fait une offre en espérant beaucoup qu'elle sera acceptée.

En soirée, j'ai vu le film des frères Dardenne, Deux jours et une nuit avec Marion Cotillard. Le film nous montre un monde durci par l'argent et surtout par les soucis qu'il engendre dans l'esprit des humains. Sandra, l'héroïne du film, est une femme épuisée par la vie, le travail, les enfants, un mari tendre mais sans passion, les épreuves. Elle perdra son travail si elle ne réussit pas à faire en sorte que ses collègues votent pour son maintien dans l'entreprise ce qui les obligerait à renoncer à une prime de mille euros. Le film raconte ses démarches pour obtenir une majorité. 

samedi 8 juillet 2017

Chemins noirs

Pluie : la terre humide
Exhale ses profondeurs
De trois pots de fleurs


Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson, Recommandé par une lectrice de l'Institut français. J'avais lu récemment Dans les forêts de Sibérie, dont j'avais surtout aimé l'écriture mais qui m'avait un peu énervé : on sentait le fils de bonne famille qui a les moyens de se faire parachuter sur les rives du lac Baïkal, tout près d'une cabane toute prête à l'accueillir, avec des livres quand même, pour que la solitude ne soit pas top sibérienne sans doute, ce qu'elle ne fut pas puisque qu'il avait reçu pas mal de visites dont il témoigne sincèrement d'ailleurs. Depuis la Sibérie, l'auteur s'est cassé la figure en faisant le guignol sur un toit pour épater la galerie. La médecine et la chirurgie se mettent ensemble pour réparer sa colonne, restaurer un visage qui restera quand même déformé par une paralysie partielle. Sylvain Tesson décide alors de partir sur "les chemimns noirs", traverser la France par ces longs fils noirs, parfois marqués en pointillés, qui marquent les chemins traversants sur les cartes d'Etat major, au 25.000e. C'est le journal de cette aventure "à côté" de l'asphalte et des villes qu'il retrace dans l'ouvrage que j'ai lu hier soir. Il y a plus d'authenticité dans ces pages que dans celles que j'avais lues sur la Sibérie. Mais c'est encore pour lui une manière d'exhaler, plutôt que d'exhalter, une large culture littéraire et philosophique finalement très convenue, et qui ne nous aide absolument pas à penser avec lui ou même à partager véritablement ses émotions. C'est certainement dommage.


C'est étrange, ce livre. On pourrait le considérer comme une sorte de témoignage d'une longue pratique réflexive et pourtant mon sentiment est qu'il n'en est rien. L'auteur est encore dans la représentation parfois attendrie, parfois méchante, jamais incontrôlée et rarement lucide, de lui-même. Rien à voir avec l'autobiographie de Feyerabend par exemple, Tuer le temps.

vendredi 7 juillet 2017

Johannin

Un ciel velouté
De nuages bleus et gris :
Texture de luxe



Le livre de Johannin, L'été des charognes, — que je viens de terminer — est fascinant. Son usage de la langue est éblouissant. Ses phrases sont des perles que l'on trouve dans un monde très dur, un monde de merde et de brutalité sans concession, le monde où l'on s'attend le moins à les trouver. Et c'est par cette écriture qu'il nous tient, nous lecteur, d'un bout à l'autre de son roman. On veut poursuivre la lecture pour voir ce qu'il va encore inventer dans les coins les plus reculés de la langue comme ce coin reculé de campagne qui n'a pas de nom, une vallée avec une ferme tout au fond et des gens à peine esquissés, qui sont encore très sauvages, quoiqu'il s'agisse d'une sauvagerie ordinaire, quotidienne d'où l'amitié et la tendresse ne sont pas absentes, on le sent, on le sait, mais faut-il en parler ? Les dernières pages sont très marquées par l'expérience de l'alcool et de la drogue, mais là encore, tout est anonyme à part quelques prénoms.

Je partage avec lui, une certaine fascination pour les os, thème souvent traité dans mes poèmes de jeunesse qui, heureusement, n'ont pas survécu à mes crises de destruction passagères. L'animal représenté ci-contre ressemble à celui de la couverture du livre.

Encore lui

Au bord du chemin
Brusquerie forestière
D'un grand bruit de plumes



Intéressante discussion hier en fin d'après-midi dans le cadre du cercle des lecteurs de l'Institut français de Lisbonne. Chacun —surtout chacune car j'étais le seul homme du groupe —a parlé de ses lectures du mois. J'ai été vivement interpellé par ce qu'une de ces lectrices disait de la poésie de Michel Houellebecq. Elle m'a prêté le livre, Poésie, et hier soir, avant de m'endormir j'ai lu la moitié du volume avec beaucoup d'intérêt. Il y avait les poèmes, certes, d'une facture assez classique, beaucoup d'alexandrins, une certaine culture de la rime —"Croyez aux métriques anciennes, également. La versification est un puissant outil de libération de la vie intérieure" (p.17) — mais surtout, on est bien dans le monde au sein duquel chacun, homme, femme ou bête, se débat plus ou moins bien pour survivre. Je cite les premières phrases de ce livre :
"Le monde est une souffrance déployée. A son origine, il y a un nœud de souffrance. Toute existence est une expansion, et un écrasement. Toutes les choses souffrent, jusqu'à ce qu'elles soient. Le néant vibre de douleur, jusqu'à parvenir à l'être : dans un abject paroxysme." (p.11)
Autre passage :
"Dans le tumulte de la vie, être toujours perdant. L'univers comme une discothèque. Accumuler des frustrations en grand nombre. Apprendre à devenir poète, c'est désapprendre à vivre." (p.13)
"Ne travaillez jamais. Ecrire des poèmes n'est pas un travail : c'est une charge." (p. 18)
"Le poète est un parasite sacré ; semblable aux scarabées de l'ancienne Egypte, il peut prospérer sur le corps des sociétés riches et en décomposition. Mais il a également sa place au cœur des sociétés frugales et fortes." (p.22)

Notre lectrice nous a lu l'un de ses poèmes dont je cite les derniers quatre vers :

"Nous voulons quelque chose comme une fidélité
Comme un enlacement de douces dépendances
Quelque chose qui contienne et dépasse l'existence
Nous ne pouvons plus vivre loin de l'éternité." (p.207)



* * *

J'ai aussi commencé à lire un livre de Simon Johannin, L'été des charognes, Ed. Allia, 2017.  Etrange. J'en dirai un peu plus quand j'aurai terminé la lecture de ce petit "premier livre" de ce jeune auteur, semble-t-il.
J'ai également emprunté à l'Institut le dernier livre de Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs, NRF, 2016, dont l'une des lectrices du cercle m'a dit beaucoup de bien. A voir. 

jeudi 6 juillet 2017

Quatre

Tout nu dans le foin
Avec ma soeur à neuf ans
Un inceste ? Presque


Nous étions quatre à déjeuner hier au Jaguar : Philippe, Fred, Fernando et moi-même, dans une joyeuse ambiance littéraire, politique, philosophique, etc. Nous prenons rendez-vous pour renouveler de tels moments à un rythme régulier :  tous les trimestres, disait Philippe ; tous les mois peut-être, disais-je. Rendez-vous pris pour septembre en tout cas.

* * * 

Avant le déjeuner, nous nous sommes retrouvés dans la Nouvelle Librairie Française. J'ai acheté, de Richard Brautigan, Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus, Edition bilingue le Castor astral, 2003 et 2016 pour la traduction et l'édition française. Je me suis quand même interrogé sur le titre français. En anglais c'était The Edna Webster Collection of Undiscovered Writings. J'ai bien aimé les poèmes très dépouillés que nous offre cet auteur qui s'est suicidé en 1984, à 49 ans. En voici un :

a woman's eye

The pure blue ocean
of
your eyes 
rises and falls gently,
rises and falls gently,
and washes
nice things
up onto the beaches
of
my soul.

(Question:
       Is
this poem
as beautiful
as two five dollar bills
rubbing together?)

* * *

Sasha est partie pour Toulouse où elle fera connaissance avec Antonio et Jean-Christophe Goddard, les deux personnes qui auraient voulu qu'elle obtienne un contrat doctoral pour pouvoir faire sa thèse sur le chamanisme dans le Nord-Est de l'Amérique du Sud. Elle reviendra avec sa propre voiture pour pouvoir bouger plus facilement à Lisbonne. 

mercredi 5 juillet 2017

N'importe quoi

Glisser dans un rêve
Avec des bruits familiers
Soudoyant l'image




J'ai fini The Heavenly Table.  C'est un bon roman. Il fait un peu penser à Faulkner. 

Ce matin, je lis des commentaires sur <Planète.fr> de l'esprit compliqué — et incompréhensible — de Macron. Ce sont des phrases qui ont été reproduites dans les médias. Florilège un peu facile, certes, même pour quelqu'un si soucieux du contrôle de sa propre communication...
Par exemple : "L'identité c'est A=A. Il y a au moins des "A" et des "B" et je n'ai pas envie que A=B." 
Non seulement il y a des "A" et des "B", mais encore ils se croisent dans les gares. Les "A" sont sans doute "ceux qui réussissent" et les "B" ceux "qui ne sont rien". Quand on est "A", on n'a pas envie d'être "B". Etonnant, non ?
Autre exemple : "On est tous des enracinés. et donc, parce que nous sommes des enracinés, il y a des arbres à côté de nous, il y a des rivières, il y a des poissons, il y a des frères et des sœurs." Je cite cet exemple à cause des arbres, et notamment les oliviers palestiniens déracinés par les Israéliens. 
Encore un exemple : "J'ai toujours assumé la dimension de verticalité, de transcendance, mais en même temps, elle doit s'ancrer dans de l'immanence complète, de la matérialité." Nous sommes en pleine géométrie et nous avons oublié l'esprit de finesse.
Dernier exemple : "Ce qui constitue l'esprit français, c'est une aspiration constante à l'universel, c'est-à-dire cette tension entre ce qui a été et la part d'identité, cette ipséité stricte, et l'aspiration à un universel, c'est-à-dire à ce qui nous échappe." Cela me pousse à revendiquer mon origine belge.

mardi 4 juillet 2017

Ohio

Parties les grues
Ont-elles pris leur envol ?
L'immeuble est fini


Je continue avec Pollock, The Heavenly Table, qui reprend cette atmosphère lourde de chaleur et de misère du Sud de l'Ohio aux Etats-Unis. La même écriture, très travaillée, qui me permet d'apprendre beaucooup de nouveaux mots. C'est aussi, sans en avoir l'air, une critique sévère de la religion et de ses promesses d'un bonheur éternel après la mort. 

Le blanc uni du ciel, tel que Pollock le décrit parfois, quand il parle de l'Ohio. Ce matin, c'est à Lisbonne.

lundi 3 juillet 2017

Bonnes gens

Les bords de ton corps
Que des bijoux ornent d'or 
Pour l'œil du dehors


J'ai fini hier soir le roman noir de Pollock. J'ai beaucoup aimé l'écriture de cet auteur qui nous entraîne dans cette misère physique et morale des Etats-Unis au fin fond de campagnes arides où ne subsistent que de vieux bâtiments délabrés fourmillant des restes de cette violence à la fois mystique et ordinaire qui contamine tous les gestes, tous les regards, toutes les paroles tissant la vie quotidienne de vraies et bonnes gens.

Je suis moi aussi scandalisé par cette phrase de Macron qui caractérise une gare comme un lieu "où se croisent des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien." Les "inutiles" dont parlait Alain Badiou dans une conférence de l'an dernier. Les migrants, par exemple. Ou les Palestiniens. Les "damnés" de la terre. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un simple écart de langage. Macron semble rejoindre Trump, dans ce mépris spontané et —oh, mon dieu, si naturel !— pour le peuple dupé dont je fais partie.

dimanche 2 juillet 2017

Pollock

La chambre du fond
Une porte entrebaillée
Que se passe-t-il ?



Donald Ray Pollock, un écrivain vraiment noir dont je lis le premier roman, The Devil All the Time, qui m'a été conseillé par Sarah Murcia. On se noye dans le glauque et quand on croit que l'on va pouvoir en sortir au détour d'un personnage qui a l'air plus "normal", moins déjanté que les autres, on retombe dans un truc encore plus glauque encore. 

samedi 1 juillet 2017

Simone Veil

Cheveux en broussailles
L'artiste taille l'arbuste

À sa propre image



Hier, on apprend la mort de Simone Veil. Une femme tout-à-fait remarquable qui a marqué la politique française pendant de nombreuses années. Elle aura droit à des funérailles nationales semble-t-il. Elle n'en a certainement plus rien à faire mais ce sont les hommes politiques d'aujourd'hui qui en tireront peut-être quelque bénéfice en réunissant la nation autour d'une figure qui fait consensus.

* * *

Alors voilà : nos propriétaires nous ont rendu visite pour nous dire que nous avions tout au plus un an pour déménager. Ils reviennent chez eux après avoir vendu l'immeuble qu'ils avaient refait dans un autre quartier de Lisbonne. Ils ont été très aimables avec nous mais cette nouvelle nous a quand même pris par surprise et cela n'a pas empêché que nous nous sentons forcés à faire un déménagement intermédiaire dont on se serait bien passé avant d'entrer dans notre nouvelle maison de la Calçada de Sant'Ana. Il faudrait en profiter pour se débarrasser de toutes les affaires inutiles que nous trimbalons depuis une vingtaine d'années. Il y a notamment beaucoup de livres que je ne lirai plus et qui devraient être donnés ou vendus. Il faudrait que je publie une liste sur internet. Isabel a tout de suite réagi en cherchant ce qu'il y avait de disponible sur les sites appropriés. Elle est tombée sur un appartement de 140 m2 à 850 euros par mois. Nous sommes allés le visiter et bien que très grand, la disposition des pièces rend son occupation quasi impossible. C'est un appartement topographiquement maladroit avec deux pièces aveugles et une très belle et très grande salle de séjour qui n'est accessible que par un escalier totalement biscornu et impraticable. Bref, ce ne sera pas simple de trouver ce logement provisoire. 

* * *

Par ailleurs, j'ai reçu une réponse de mon médecin concernant les résultats d'examens effectués en début de semaine. "Looks like there are no good disks!!",  m'écrit-il, ce qui n'est guère rassurant. J'ai la colonne en très mauvais état et il préconise des exercices. En tout cas, pas d'intervention actuellement.