dimanche 31 décembre 2017

Loups

Après une parenthèse de lectures françaises, j'ai repris le roman d'Emily Fridlund, History of the Wolves dont je ne sais toujours pas quoi penser.  Voici un extrait : 

"He had a way of watching me very closely, and not seeming to watch me at all. He was a teacher, of course, probably a good one. He was one of those teachers who set up hidden traps. Like all teachers, he wanted me caught, but he wanted to lead me there first; he wanted me to go on my own accord; he wanted me to feel like I’d made the discovery myself, that I hadn’t been lured in. His chin in his palm."

Cet extrait rejoint, bien que d'une autre manière, celui que j'ai repris de Sándor Márai, hier. Mais, ici, ce n'est pas l'une des méthodes de l'Inquisition qui est en jeu, mais l'attitude, également manipulatrice, des enseignants. 


C'est aujourd'hui le dernier jour de l'année 2017. On n'en parlera plus qu'avec des souvenirs. Pas toujours agréables. C'est une année dont les événements trempent dans le jus du triomphe populiste de Mr Trump et du Brexit, sans parler de la Pologne, de la Hongrie, de l'Autriche et du retour possible (mais, dieu merci, improbable) de Berlusconi en Italie. Nous baignons dans cette mélasse d'un nationalisme identitaire peu ragoutant. Espérons que 2018 nous en sortira. Faisons en sorte que 2018 nous en sorte.

Encore une remarque : les avions qui passent devant ma fenêtre ont changé de direction. Hier encore ils passaient de gauche à droite, aujourd'hui ils vont de droite à gauche et à une altitude beaucoup plus grande. Il faut dire qu'auparavant les avions s'apprêtaient à atterrir, alors qu'aujourd'hui, ils ont décollé depuis quelques minutes et sont en pleine ascension. Ils se cabrent dans le ciel en faisant beaucoup plus de bruit que lorsqu'ils s'apprêtent à se coucher au sol, comme des chiens dociles.


Cabrés dans le ciel
Débordant de décibels
Les avions s'en vont

Au bord du trottoir
À deux ans, devant le vide
Il hésite et saute

samedi 30 décembre 2017

Márai

Gris de couverture
Couvercle sans ouverture
D'un ciel refermé



Sándor Márai est l'auteur du roman que m'a offert Célia à Noël : La nuit du bûcher (Albin Michel, 2015, traduit du hongrois par Catherine Fay). C'est un livre sur l'inquisition et les techniques utilisées notamment par les Dominicains pour faire parler les suspects, inciter les familles à la délation, repérer au plus tôt les signes de l'hérésie, etc. Le livre est bien écrit et les romans de cet auteur —dix sept d'entre eux ont été traduits en français— ont connu un énorme succès dès leur publication, magré la méfiance des autorités. Né en 1900, il s'est exilé aux Etats Unis en 1957, où il s'est suicidé en 1989 après la dispariton de son épouse et de son fils. Il ne fait aucun doute que l'expérience de l'occupation soviétique de la Hongrie a dû l'aider à concevoir cette période sombre de l'histoire de l'Eglise à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle : suspicions, délations, procès, tortures, condamnation au bûcher, etc. Il sera évidemment question de Giordano Bruno et de sa mort au Campo dei Fiori à Rome. Márai nous offre une écriture très précise et facile à lire. J'apprécie.

Je viens de terminer ce récit qui est celui d'un jeune inquisiteur espagnol d'Avila qui va à Rome pour se perfectionner dans le métier qu'il a choisi : comment faire en sorte que les hérétiques, même au moment où ils sont conduits au bûcher, avouent leurs fautes et se repentent sincèrement des écarts de leur foi. Ce qui surprend, c'est la manière dont, brusquement, cet inquisiteur change d'avis après avoir contemplé le visage de Bruno, imperturbable et plutôt méprisant par rapport à tout ce qu'on lui a fait subir, s'estompant lentement dans la fumée du bûcher. Après une longue discussion avec le cardinal Bellarmin, il abandonne l'Inquisition et s'enfuit à Genève, le pays de la liberté, de l'argent et des livres.

On trouve dans ce livre les recettes de l'Inquisition. Voici l'une des recommandations faites aux jeunes inquisiteurs : "Et par dessus tout, il faut veiller à ce que l'accusé ne sache jamais ce dont on l'accuse. On doit talonner le suspect sans relâche pour qu'il découvre lui-même son péché, pour qu'il formule, lui, l'accusé, son propre chef d'accusation." (p. 213) Nul doute que l'auteur pensait aussi aux procès de l'époque stalinienne en Union soviétique.

vendredi 29 décembre 2017

Hawks

Hier soir, j'ai vu sur Arte, le peplum de Howard Hawks, La Terre des Pharaons, sur un scénario à l'élaboration duquel William Faulkner a participé —je ne sais pas jusqu'à quel point, d'ailleurs—. J'ai été très déçu. On n'est pas en Egypte, on est à Hollywood, face à cette idéologie "randienne" qui multiplie les situations de choix : "c'est moi ou deux mille vaches : choisis", "c'est moi, avec le collier précieux, ou la mort : choisis", "c'est alpha ou oméga", "X ou Y", le scénario est construit sur des dilemmes simplistes qui n'ont sans doute rien à voir avec l'Egypte ancienne, mais tout à voir avec le libéralisme yankee. Certes, l'Antiquité n'est pas dépourvue de situations de choix et j'ai moi-même souvent mis l'accent sur la manière dont l'Histoire commence chez Hérodote avec l'alternative offerte par la reine Tudo, femme de Candaule, à Gygès : "Tue le roi mon mari, et sois possesseur de ma personne ou bien c'est toi qui périras pour avoir vu ce qui t'était interdit." Mais justement, je ne crois pas du tout que l'Egypte, qui a longtemps refusé la monnaie frappée inventée en Lydie, peut être considérée de la même manière. Howard Hawks lui-même n'était guère satisfait de son peplum, semble-t-il. On le comprend malgré la dimension spectaculaire des scènes de construction de la pyramide de Cheops. (Sur la photo à droite Howard Hawks discutant avec Joan Collins et Jack Hawkins.) En tout cas rien à voir avec ses westerns magnifiques (La rivière rouge ou Rio Bravo). Et je dis cela malgré ma détestation de John Wayne.

*  *  *

Par ailleurs, j'ai commencé le livre de Delphine Coulin, Une fille dans la jungle (Grasset, 2017) dont l'une des lectrices du groupe de lecture de l'Institut français m'avait dit beaucoup de bien. Après avoir lu la moitié du roman, je suis là aussi un peu déçu. La jungle dont il est question ici, c'est celle de Calais, avec un groupe de six enfants qui refusent d'abandonner ce lieu de vie si proche de leur but ultime : l'Angleterre. L'écriture de Delphine Coulin ne me convainc pas.
Je viens de terminer cet ouvrage qui, finalement, se lit assez facilement. Mais je maintiens mon jugement sur l'écriture de Delphine Coulin : sans véritable personnalité.

jeudi 28 décembre 2017

Mengele

Juste après le repas de midi d'hier, je suis allé acheter le livre d'Olivier Guez, La Disparition de Josef Mengele (Grasset, 2017, Prix Renaudot) et je l'ai lu dans la foulée du train que nous avons pris pour Luxembourg et de l'avion qui, de Luxembourg, nous a ramené à Lisbonne. Bien écrit, le livre de Guez est très prenant. Il s'agit de raconter comment l'un des criminels de guerre les plus recherchés après la guerre, celui que l'on surnommait l'ange de la mort, —mais il a eu d'autres surnoms tout aussi éloquents quant à son activité de scientifique et d'assassin— comment cet homme a échappé aux enquêteurs du Mossad ou des polices, notamment celle de la RFA, qui l'ont recherché, parfois activement, et parfois assez mollement. Le livre est bien écrit et nous renvoie à de nombreuses sources qu'il faudrait explorer de manière plus systématique sur la vie de cet homme singulier dont je reproduis l'une des photos, prise sans doute à la fin de sa vie au Brésil. 

Ce matin, j'apprends également qu'un astéroïde nommé "Halloween" en raison de la manière dont il apparaît sous certains angles, va frôler notre planète en 2018. Il passera à quelques 500.000 km. Voici comment il apparaît aux scientifiques qui lui ont donné ce nom un peu particulier, il faut le dire.

mercredi 27 décembre 2017

Suite et fin

Hier, nous étions seize pour un buffet chez Josiane et tout s'est passé dans le calme joyeux des lendemains de fête. Nous avions prévu une soupe, un grand plat de charcuterie alsacienne, des salades et une salade de fruits pour terminer. Tout le monde est parti vers 11h30. Il est 7h58 et Ilan, le petit ami de Charlotte est parti pour rejoindre son rendez-vous "blablacar" pour rentrer à Paris. Nous prenons le train pour Luxembourg cet après-midi mais entretemps j'irai faire encore quelques visites de vieux amis. 

mardi 26 décembre 2017

Claqueurs

L'année, je l'ai bue
A petits coups de haïkus
En claquant la langue !

* * *

Le ciel est d'un bleu magnifique et plus tôt, ce matin, les dorures dessinées à l'Est, du côté de la Forêt Noire, bordaient de façon particulièrement riche, les derniers nuages en rade, comme s'il s'agissait d'ornements sacrés suspendus en vue de quelque cérémonie prochaine. Je m'aperçois d'ailleurs que le ciel se couvre à nouveau petit à petit comme pour démentir mes premières impressions. 

lundi 25 décembre 2017

Petit matin

Finalement, l'appartement actuel de Célia nous a reçus tous sans grand problème. Nous étions 15 autour de la table et le dîner préparé par Fabien a été très bon. Nous avons ouvert les huîtres, les bouteilles de vin, les yeux, les oreilles et la bouche pour rester fidèles au brouhaha des fêtes de Noël, aux retrouvailles annuelles, aux souvenirs et aux projets. 

Par la fenêtre du bureau de Josiane, j'aperçois une grue parfaitement immobile, comme paralysée par l'absence des êtres humains en ce matin de Noël. La ville semble plongée dans la torpeur des lendemains de fête. Pas un bruit. Rien que le gris du ciel et cette grue rouge, sans vie, en attente sur sa longue patte d'échassier métallique de quelque improbable proie à saisir au vol dans son bec horizontal. 

dimanche 24 décembre 2017

Flammekueche

Ce fut le menu d'hier soir. Nous étions 14 à table. Ouf ! Nous eussions été 13 qu'Isabel aurait mangé en solitaire à une autre table. Il ne faut pas tenter le destin avec un chiffrre comme celui-là. A midi, nous avons mangé avec Daniel, Delphine et Clara au restaurant La Hache. Cela fait très plaisir de revoir les vieux amis. Surtout quand ils ont l'air en pleine forme. L'après-midi, nous avons, évidemment, procédé au rituel consommatoire propre aux veilles de Noël : un magasin de lingerie féminine avec ma fille Charlotte et ensuite, une librairie, la librairie Kléber où il y avait une foule compacte et de longues queues devant les caisses. A voir ce monde, on pourrait croire à un brusque regain de lecture dans le monde des vidéos et des smartphones. Mais, ne crions pas victoire trop tôt. Les livres sont des cadeaux faciles à faire, en tout cas beaucoup plus facile que la lingerie féminine. Je suis resté au moins une heure avec Charlotte pour acheter quelque dentelle affriolante, alors que je suis resté 15 minutes avec Louis dans la librairie et que nous sommes ressortis avec une demi douzaine de livres ! 

samedi 23 décembre 2017

Strasbourg

Beaucoup de rêves la nuit dernière, avec comme personnage central : Joëlle. Il y avait des encadrements oranges, comme enflammés, qui étaient censés être dangereux. Et d'autres encadrements bleus. Des rêves quelque peu surréalistes qui semblaient n'avoir aucun sens mais qui semblent avoir guidé le choix de mon illustration. Les encadrements oranges font peut-être référence aux "marchés de Noël" (de la place Kléber) et les encadrements bleus au cieux nocturnes !
Dans l'avion, de Porto à Strasbourg, j'ai lu Emily Fridlund, History of Wolves. Pas mal. Sans plus.

* * *

Hier nous avons retrouvé une partie de la famille. Nous avons pris un délicieux (mais très cher) repas libanais pas très loin de chez Josiane qui nous a prêté son appartement.  Il ne fait pas très beau à Strasbourg. Mais c'est Noël. Et donc... 

vendredi 22 décembre 2017

En prime

De mars à décembre
Les faux plis de ce qui est,
En mots, déplié

Juste après ma douche froide et juste avant mon départ pour aller à Strasbourg, via Porto, pour fêter Noël avec la "grande famille", ce petit haïku qui m'a tenu longtemps réveillé cette nuit, avec des variables qui tournaient dans ma tête. Comme celle-ci :

Allongé dans le noir
Comme au garde à vous couché
Grouillant de pensées

ou bien, cette variante :

Allongé dans le noir
Comme mort au garde à vous
Grouillant de pensées


jeudi 21 décembre 2017

Allez,allez, Haley

Je suis curieux de voir les scores dans deux votes majeurs qui auront lieu aujourd'hui : d'une part le vote d'une résolution élaborée par la Turquie notamment sur la condamnation du geste de Mr Trump de déclarer unilatéralement Jérusalem comme capitale d'Israël. Le président américain a menacé, par le biais de sa représentante à l'assemblée de l'ONU, Mrs Nikki Haley, les Etats qui se prononceraient en faveur de cette résolution. Autrement dit, il tente d'acheter les votes de certains membres de cette auguste assemblée. Pratique déshonorante pour un pays comme les Etats Unis. L'autre vote majeur d'aujourd'hui est celui de la Catalogne. Les forces en présence sont presqu'équivalentes, apparemment. M. Puigdemont y joue sa tête à la tête d'une Catalogne indépendante.

Demain matin : départ pour Porto en train d'où nous prendrons l'avion pour la capitale de Noël.

mercredi 20 décembre 2017

Kumagusu

Deux magnifiques cadeaux de Noël de la part de mon ami Fred : tout d'abord un recueil de haïkus sur les champignons, très intéressants ; ensuite, le nom de Minakata Kumagusu, un savant japonais de l'ère Meiji, dont une biographie écrite par Satoshi Ohara et Jean-Christophe Valmalette, vient d'être publiée en français et en anglais avec le sous-titre "L'émergence d'une pensée écologique entre Orient et Occident". Je vais certainement me procurer cet ouvrage. Je ne manquerai pas, une fois à Strasbourg, de faire un saut à la Librairie Kléber, où l'on trouve tout. En tout cas merci Fred !

mardi 19 décembre 2017

Mankiewicz

J'ai vu hier Eve (1950) de Joseph L. Mankiewicz sur Arte, avec Bette Davis et je m'étonnais en moi-même de ce qu'aujourd'hui il est très rare de voir des films comme celui-là, des films qui présentent des situtaions où les personnages sont en train de penser ou d'exprimer de vraies idées. Il y a eu Jean-Luc Godard, un peu plus tard, mais depuis, il me semble que c'est devenu assez rare. Peut-être que je me trompe car je ne suis pas vraiment au courant de l'actualité cinématographique. Je vais rarement au cinéma voir de nouveaus films. Dans ce film, Eve, on entend de vraies réflexions sur le théâtre, le métier d'acteur, la différence entre le théâtre et la vie, le destin des stars, etc... Bref, j'ai trouvé ce film vraiment intéressant. 

Cela m'a permis d'échapper un peu à l'atmosphère assez pesante des situations présentées par Ayn Rand dans le roman fleuve que j'ai entamé : Atlas Shrugged dont le titre initial était The Strike, si je ne me trompe pas (ou peut-être est-ce seulement le titre de la deuxième partie du film qui a été tourné par Paul Johansson d'après le roman en 2011). C'est ce que je crois comprendre en m'informant sur internet.

lundi 18 décembre 2017

Ayn Rand

J'ai lu hier un article du site Alternet qui évoquait l'influence de la philosophie de Ayn Rand sur l'Amérique de Mr Trump. Il y a plusieurs années, connaissant l'importance populiste de cette auteure, j'avais acheté Atlas Shrugged, dans l'édition du 50e anniversaire de sa mort en 1982, pour me faire une idée mais je ne l'avais pas encore lu. Il faut dire qu'il s'agit d'une "brique" de plus de mille pages imprimées dans un caractère minuscule qui rend la lecture assez pénible avec des yeux un peu fatigués. Je m'y suis remis hier et je dois dire que je suis heureusement surpris par son écriture fluide et directe. D'origine russe, née Alissa Zinovievna Rosenbaum le 2 février 1905, Ayn Rand a défendu une philosophie "objectiviste" qui tend à ne laisser aucune place aux émotions. Elle défend une éthique de l'égoïsme. Hilary Clinton a pu dire que tous les Américains ont eu une "phase Ayn Rand" dans leur vie, il s'agit bien d'une phase d'adhésion directement liée à la lecture de ses romans. Je suis curieux de cette auteure très décriée dans les milieux académiques mais dont l'influence sur l'Amérique d'aujourd'hui continue d'être très importante.

dimanche 17 décembre 2017

L'arbitraire

En lisant l'inroduction signée Yves Bonnefoy d'une petite anthologie de haïkus, je tombe sur un passage qui me rappelle mes propres réflexions sur l'arbitraire du signe, problème qui m'a occupé l'esprit pendant longtemps. Derrida disait que l'on ne pouvait concevoir l'arbitraire du signe (tel que défini par Saussure) en dehors de l'horizon de l'écriture. Ma question était : pourquoi ? Ma réponse, qui passe par l'alphabet, était que, avec l'écriture alphabétique, le "signifiant" donnait lieu à deux représentations concurrentes : celle associée à la représentation phonétique de la parole et celle associée à la segmentation syllabique propre à la parole vive. Et que, du coup, le "signifiant" n'étant plus identique à lui-même, sa relation au signifié en était ébranlée. D'où l'arbitraire du signe.  Voici le passage, dans le texte d'Yves Bonnefoy, qui me semble converger vers cette idée :

"En fait, si nous sommes si "saussuriens" en Occident, définissant si spontanément le mot par simplement l'ensemble des relations qu'il entretient avec d'autres au sein d'une structure vite éprouvée plus réelle que le dehors qu'elle explore, c'est certainement à cause de choix successifs que nous avons faits dans le passé de notre culture [selon moi et d'après ma thèse, dans notre propre passé] ; et au premier rang de ces choix je placerai volontiers ce qui eut lieu au niveau de la représentation graphique du signe [nous y voilà]. Il y a un "arbitraire" de celui-ci en son aspect phonétique, on nous l'a beaucoup rappelé depuis nos récentes guerres civiles, ç'aura été la forme moderne de l'athéisme. Cette dissemblance première du signifiant et du référent prive la langue d'être dans l'atmosphère, disons, de l'immédiat, ce qui favorise dans le recul le reclassement des données qui nous parviennent du monde : interprétations qui de malentendus en conflits, de spéculations en clameurs des propagandes, nous ont entraînés toujours plus loin du respect que l'on doit au non-fragmenté, à l'originel. Ceci dit, ne peut-on penser qu'il en est ainsi d'autant plus que cet arbitraire du signe a été confirmé, sinon même accru de façon cette fois irréparable, par l'institution de notations graphiques elles-mêmes radicalement arbitraires ? Le mot parlé se prête à la voix, qui a des vibrations et des souffles, qui peut rire ou crier. Et d'autre part, et surtout peut-être, le signifiant sonore est d'un autre ordre sensible que la plupart de nos impressions, qui sont visuelles : si bien qu'est comme voilée sa différence d'avec la chose, dans une majorité de cas. Mais le signe graphique relève, lui, du regard." (p.XXXII-XXXIII).

La monnaie

J'ai lu hier le petit livre d'Alfred Sohn-Rethel, traduit par Françoise Willmann et qu'elle m'a fait envoyer par l'éditeur (Editions La Tempête, 2017). Cela m'a replongé dans mes lectures d'étudiant : Marx en particulier. Le livre n'est pas facile mais il explique assez bien l'hypothèse centrale de l'auteur : les catégories kantiennes de l'entendement, atemporelles et universelles, ne viennent pas d'une sorte d'apriori transcendantal associé à l'Esprit, mais tout simplement de cette abstraction réelle qu'est la monnaie telle qu'elle s'invente en Lydie aux alentours de 680 avant JC. J'écris ici sous le contrôle de Françoise, évidemment. La deuxième partie, plus spécifiquement consacrée à l'histoire, m'a un peu déçu. C'était déjà le cas dans son livre Intellectual and manual labour. Son recours à l'histoire de l'Egypte ancienne me semblait un peu rapide tout comme dans cet ouvrage-ci. Je cite un passage dont les idées avaient déjà été formulées par lui dans Intellectual and manuel labour et que j'avais reprises dans ma thèse d'Etat. Voici ce passage qui se trouve page 102 :

"L'action seule est, nous l'avons déjà noté, ce qu'il y  a de social dans l'échange, alors que la conscience des agents est privée et aveugle face au caractère de la synthèse sociale de leur action. La conscience est pleine de ce dont l'action fait abstraction et ce n'est qu'en vertu d'une abstraction des actes de l'échange de toute empirie, une abstraction ne tolérant aucune exception, que se constitue la connexion d'une société privée de conscience, en tant que connexion de la seconde nature. Le travail n'entre dans cette connexion qu'en tant qu'il a été traduit dans le caractère formel de la seconde nature en tant que travail humain abstrait ; et il n'est "humain" que parceque la seconde nature est d'origine humaine, dégagée de la nature, opposée à celle-ci, et fondement de l'auto-aliénation des hommes car entièrement dans les formes de l'appropriation privée des produits de travail coupée du travail qui les a créés."

Où l'on voit Alfred Sohn-Rethel rejoindre David Abram, de façon assez déconcertante, il est vrai. Il y a beaucoup de passages comme celui-là, assez lumineux, n'est-ce pas ?

J'ai eu la chance de rencontrer Alfred Sohn-Rethel une fois, en Sicile, lors d'un Colloque où je me trouvais avec Jean-Marc Lévy-Leblond. C'était pendant les années de plomb en Italie et les participants à ce Colloque semblaient comploter allégrement dans tous les coins. Alfred Sohn-Rethel a fait une intervention que j'ai trouvé très émouvante tant elle témoignait d'un enthousiasme quasi-juvénile pour la transformation du monde, à travers la révolution à venir. Aujourd'hui, cette transformation du monde me semble assez prétentieuse et pas vraiment souhaitable. Je pense qu'il vaut mieux s'attaquer à la transformation de soi. Ce qui est sans doute encore plus difficile que la transformation du monde.

samedi 16 décembre 2017

Monte Pio

Nous avons reçu, apparemment, le feu vert de la banque Monte Pio, pour l'emprunt qu'il nous faut pour réhabiliter notre immeuble. C'est une bonne nouvelle. Nous allons sans doute commencer les travaux très vite. Autre bonne nouvelle : mon ami Richard T., qui cherchait à acheter un appartement à Lisbonne, a trouvé une petite maison de l'autre côté du Tage, au bord de l'océan. Il est très content. Je n'ai pas encore vu cette maison mais j'imagine que tout sera à refaire. Elle se trouve à Cova do Vapor que j'avais visité dimanche dernier avec lui, Izilda et sa fille Amalia avant de passer à l'ancienne prison de Trafaria, où j'ai rencontré un barbu qui s'habillait exactement comme moi. Le monde est de plus en plus étrange. 

Hier également, je suis allé à la Nouvelle Librairie Française où j'ai pu discuter un bon moment avec Frédéric, le libraire. Il m'a recommandé plusieurs livres, notamment ceux de Nicolas Werth sur la période stalinienne de l'URSS. Il m'a aussi recommandé les polars de Don Winslow, que je ne connais pas encore et qui traitent des cartels de la drogue au Mexique. Comme j'ai l'habitude de lire dans leur langue originale les polars écrits en anglais ou en américain, je n'ai pas acheté le roman qu'il me conseillait. Ce sera encore une lecture 'kindle" ! 

vendredi 15 décembre 2017

Wim Hof

C'est Isabel qui, hier matin, a attiré mon attention sur les exploits de Wim Hof, "the Ice Man", un Polonais qui, après la mort de son épouse, s'est endurci au point de pouvoir endurer pendant des heures des températures extrêmes. Il nage sous la glace, gravit les montagnes —le Kilimandjaro, l'Everest, etc.— pieds et torse nus, en short, entraînant avec lui des volontaires qui ont appliqué sa méthode, se fait injecter des bactéries auxquelles son système immunitaire résiste sans problème, etc. Un surhomme, alors ? Pas du tout. Wim Hof a donné de nombreuses conférences au cours desquelles il détaille sa méthode de respiration, car, tout est là : la respiration, son rythme et sa profondeur sont bien la clé de son endurcissement. Il y a aussi l'expérience du froid. D'après lui, le froid et l'endurance qu'il requiert pour le supporter, est un atout santé majeur. Quand il se fait enfermer dans un caisson rempli de glace pendant plus d'une heure, sa température corporelle baisse légèrement certes mais reste au dessus de 37°. Pas d'hypothermie donc, même si sa peau enregistre des températures bien plus basses que celle de l'intérieur de son corps. L'homme de glace affirme que ses exploits sont accessibles à n'imprte qui. Il suffit d'appliquer sa méthode de respiration. 

*  *  *

Par ailleurs, le livre de Marc Dugain, finalement, tient ses promesses. C'est le récit d'une enquête passionnante sur l'assassinat des frères Kennedy. Ce n'est pas du tout un livre "complotiste" comme on pourrait le croire au seul énoncé du titre, Ils vont tuer Robert Kennedy. Mais c'est intéressant de voir ce qui trame la "une" des journaux pendant les années 60 aux Etats-Unis et ailleurs. La description des frères Kennedy, de leurs forces et de leurs faiblesses dans leur course respective vers le pouvoir, au milieu d'ennemis impitoyables comme Johnson ou Hoover, est vraiment convaincante. L'auteur nous dit qu'il s'agit d'un roman, certes, mais on ne peut pas s'empêcher de se poser la question de la véracité des faits qu'il rapporte dans son livre. Comme toujours dans la fiction, il s'agit de "jouer" avec la vérité, sans la dire, évidemment.

*  *  *

J'ai terminé le livre de Marc Dugain, mais, dieu merci, je viens d'en recevoir un autre par la poste : La monnaie. L'argent comptant de l'apriori, d'Alfred Sohn-Rethel (Editions la Tempête, 2017), traduit par Françoise Willmann qui avait écrit, il y a longtemps et sous ma direction scientifique, une thèse sur cet auteur. Merci Françoise d'avoir pensé à moi. J'ai toujours eu beaucoup de sympathie pour cet auteur qui a été à l'origine de ma propre thèse d'Etat intitulée Ecriture, monnaie et connaissance et que je connaissais à travers son premier livre traduit en anglais Intellectual and manual labour : A critique of epistemology dont j'avais apprécié les idées étranges.

jeudi 14 décembre 2017

Calme

Il est 7h24. Tout est très calme dehors. Le peuplier qui se trouve juste devant nos fenêtres au premier étage est parfaitement tranquille comme s'il se reposait des jours de tempête qu'il vient de connaître quand il se débattait contre le vent, venant frapper aux carreaux pour nous alerter de ses tourments. Il fait encore nuit. Je viens de voir passer un avion de droite à gauche dans le ciel alors que généralement ils vont en sens inverse. C'est sans doute une question d'orientation du vent. Et cela explique peut-être le calme de l'air, dehors. Le ciel a revêtu son uniforme gris de l'hiver. 

mercredi 13 décembre 2017

Alabama

J'ai commencé le livre de Marc Dugain, Ils vont tuer Robert Kennedy (NRF, 2017). J'ai déjà lu plusieurs livres de Marc Dugain dont j'aime bien l'écriture sans chichis ni effets de mode. Plusieurs des lectrices du groupe de l'Institut en ont fait un éloge appuyé. 

Ce matin, je dois aller à l'hôpital Santa Maria pour une consultation en urologie. 

Je me réjouis de la victoire de Doug Jones en Alabama et de ce qu'elle signifie pour la présidence de Mr Trump.

* * *

Je me suis rasé la barbe ce matin. Elle était déjà très longue et j'aurais voulu la garder jusqu'à Noël mais, finalement, Isabel et Charlotte ont trouvé que cela me vieillissait beaucoup. Alors, avant d'aller à l'hôpital, je l'ai rasée. Voilà ce que ça donne. Pas terrible avec la casquette et ce sourire d'idiot du village...Bon ! J'imagine que certains de mes lecteurs vont enfin dire : "Ouf !". Il a mis fin à son caprice de grand père Noël. 

A l'hôpital Santa Maria, ils m'ont prescrit d'autres examens : le 5 janvier et le 12 février. Ma course d'obstacles vers je ne sais pas quoi : la vie ou la mort ? —n'est pas facile. Les obstacles sont nombreux. 


mardi 12 décembre 2017

Oumuamua

Cela veut dire "message" en langue hawaïenne mais c'est aussi le nom d'un astéroïde de forme si particulière que les astronomes se demandent si ce n'est pas un "objet" construit par quelque intelligence inconnue plutôt qu'un simple débris d'une galaxie quelconque. Je vais essayer de reprendre la photo publiée par le Guardian. En tout cas, cela nous change des chiures informes qui retiennent habituellement l'attention des scientifiques.


Je termine actuellement La supplication de Svetlana Alexievitch, qui reprend les témoignages de ceux qui ont vécu la catastrophe de Tchernobyl, les habitants du coin évidemment qui ont été obligés de quitter leur maison, leur village ou même cette ville Pripyat, devenue ville déserte depuis, ceux qui sont restés là-bas en dépit des dangers, mais surtout ceux qu'on appelle les "liquidateurs", des soldats ou des pompiers venus de tous les coins de la Russie pour calmer le monstre moderne. Juste après La guerre n'a pas un visage de femme, déjà très éprouvant à lire, cet ensemble de témoignages nous fait entrevoir ce qui peut très bien advenir à beaucoup plusgrande éche lle.  Depuis, il y a eu Fukushima. Demain, ce sera peut-être Fessenheim. Nous ne sommes pas encore sorti de l'auberge...

*   *   *

L'épilogue de La supplication, le témoignage d'une femme de l'un de ces liquidateurs sacrifiés, qui ont travaillé sur le toit du réacteur, est poignant. 
"Il a écrit dans notre cahier : "Quand je mourrai, brûle mes restes. Je ne veux pas que tu aies peur." Pourquoi en a-t-il décidé ainsi ? Il y avait pas mal de rumeurs : on disait que les Tchernobyliens "luisaient" même après leur mort... J'ai lu que les gens font un détour pour ne pas s'approcher trop des tombes des pompiers de Tchernobyl, enterrés au cimetière de Mitimo. Et l'on évite d'enterrer d'autres morts près d'eux. Si les morts ont peur des morts, que dire des vivants ? Car personne ne sait ce qu'est Tchernobyl. Il n'y a que des suppositions. Des pressentiments." (p.774)

lundi 11 décembre 2017

Trafaria

Dans la journée d'hier, nous sommes allés, Richard T. et moi, retrouver Izilda chez elle, de l'autre côté du Tage, à Cova do Vapor, où elle et sa fille Amalia, nous ont offert une délicieux déjeuner arrosé de deux vins excellents. Après le déjeuner nous sommes allés à Trafaria visiter la prison abandonnée. C'était la prison où le régime de Salazar faisait un premier tri parmi les prisonniers politiques : ceux qui seraient interrogés et torturés par la PIDE et ceux qui auraient des peines plus légères. En se promenant à l'intérieur des murs de cette prison, on ne peut pas s'empêcher d'essayer de voir et de penser comme ceux qui étaient enfermés là, derrière des murs d'environ dix mètres de haut, au delà desquels, on peut voir la forêt s'ébrouer dans le vent : tâche impossible évidemment, quand plus d'un demi siècle plus tard, on se promène dans ce lieu désolé et dont certaines parties sont en ruines. 
Richard a pris quelques photos et j'ai eu un choc quand il m'a envoyé celle que je publie ici. J'ai été complètement interloqué pendant quelques instants en la voyant, me disant : mais quel est donc ce personnage barbu qui se trouve là ? Je ne m'étais pas reconnu moi-même et quand j'ai compris que c'était bien moi, j'ai été saisi de ce sentiment d'inquiétante étrangeté —uncanny— qui inétressait tant Sigmund Freud.
Hier soir, je suis sorti avec Charlotte pour aller voir le marché de Noël qui s'est installé dans le Parc Edouard VII. Malheureusement tout était fermé et Charlotte a dû renoncer aux churros dont elle aurait bien voulu se régaler.

dimanche 10 décembre 2017

Alexievitch

Je me suis plongé à nouveau dans Svetlana Alexievitch dont j'avais déjà lu La fin de l'homme rouge il y a quelque temps. Pour le moment c'est La guerre n'a pas un visage de femme, un ensemble de témoignages féminins sur la guerre. L'auteur a eu le prix Nobel de littérature en 2015.  J'ai choisi ce livre à l'Institut français parce que je voulais lire La supplication, qui recueille des témoignages de Tchernobyl. Mais comme il y avait ce roman sur la guerre vue par les femmes avant, j'ai commencé à le lire. C'est très beau. Un peu répétitif dans l'horreur des combats et dans les nécessités de la féminité, mais on ne s'en lasse pas. 

samedi 9 décembre 2017

Veau d'or

Johnny Halliday a tout d'un veau d'or. En attendant le retour de Moïse à qui Dieu était en train de confier les tables de la loi, le peuple s'était construit un ersatz de dieu et se prosternait devant le veau d'or. Johnny Halliday est une création du peuple, l'ersatz d'un dieu, grâce au ciel, disparu. D'où vient ce besoin du peuple d'avoir affaire à à quelque chose de surhumain. J'ai lu ce matin, dans je ne sais plus quel article, que "Johnny était (aussi) un homme". Sans doute fallait-il le préciser. Un homme aux idées simples, certes, à défaut d'être simple lui-même, comme tous ses semblables. Un homme qui n'était de droite que parce que, quand on ne sait pas ce qu'on est, on est évidemment de droite. Même Jauffrin, dans Libération, a l'air de dire qu'on en fait un peu trop. C'est pareil pour d'Ormesson qui reçoit un hommage national avec trois présidents de la République derrière son cercueil. Sur d'Ormesson, il faut lire ce qu'en dit Daniel Mermet qui reprend certaines des formulations du grand homme dans un article du Figaro —dont il était directeur—, à son retour du Rwanda en 1994 : il y parle des "massacres grandioses dans des paysages sublimes." Une indécence signée par celui que l'on encense aujourd'hui pour avoir été la décence même. Mais peut-on trouver mieux comme "veaux d'or" ? Peut-être pas. En tout cas, on peut trouver pire, certainement.
Voir la réponse de Daniel Mermet à Jean d'Ormesson après son article paru dans le Figaro : https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/jean-d-ormesson-au-rwanda-des-massacres-grandioses-dans-des-paysages-sublimes

vendredi 8 décembre 2017

Algorithmes

Nous étions moins nombreux hier à l'Institut Français pour évoquer nos lectures du mois. Quand ce fut mon tour, j'ai évoqué ma lecture d'Alice Zeniter, bien sûr, de Dominique Cardon et d'Eric Vuillard.  J'ai également évoqué Ishiguro et Hanus Hachenburg (On a besoin d'un fantôme). Le livre de Cardon, A quoi rêvent les algorithmes, est bien écrit et assez intéressant. Il s'agit de réfléchir sur la manière dont les big data, celles qui donne lieu à la construction d'immenses bâtiments cubiques, généralement sans fenêtres, de couleur sombre posés ici et là dans le monde —j'en ai vu au Luxembourg mais il semblerait que la Norvège et la Finlande soient leurs localisation préférée en raison du froid—, transforment notre vie quotidienne. Ce n'est pas du tout un livre catastrophiste. Il montre comment les grands opérateurs comme Facebook, Google ou Amazone travaillent sur les traces de nos comportements, y repérant des régularités qui, ensuite, vont donner lieu à des adressages publicitaires ciblés. Mais ces traces sont fondamentalement anonymes. Elles sont détachées de ceux qui les laissent derrière eux et donnent lieu à des traitements statistiques très sophistiqués et guidés effectivement par des algorithmes. Il n'empêche que les grands bénéficiaires de ces big data, sont les corporations qui cherchent à nous vendre tout et n'importe quoi, style Amazon.



Plage piétinée
Toutes tailles d'orteils, même
Ceux du chihuahua

Fracas de lumières
  Trouant un mur de grisailles
 Dans le centre-ville


*  *  *




Clins d’œil de tortue
 Rasant l’eau lyre du lac
 Tempo ricochets
           

 La corde et la flèche
  Se tendent pour se quitter
  Oubliant les doigts


*  *  *


C'était la première fois que je faisais un trajet aussi long avec mon vélo à Lisbonne. A l'aller, pas de problèmes. Il y a un passage difficile quand il s'agit de monter de l'avenue Duque de Loulé à Rato. Après Rato, ça descend sans arrêt jusqu'au Tage, avec une petite remontée pour atteindre le bâtiment de l'Institut. Au retour, c'est plus compliqué car il faut réemprunter la Rua Sao Bento, très longue, étroite avec une circulation d'enfer. Pas évident. J'ai dû mettre pied à terre à 100m de Rato. 20 minutes à l'aller, 40 pour le retour.

jeudi 7 décembre 2017

Talho

Richard T. est venu déjeuner avec nous hier. Il avait apporté une excellente bouteille de vin français. Nous sommes allés chercher de la viande et des haricots et avons improvisé un repas délicieux. Le boucher (o talho)  où j'allais d'habitude dans une rue en bas de chez nous, a fermé. Il a fallu que nous rebroussions chemin pour aller jusqu'au sommet de la colline. J'ai un peu souffert de ma jambe de fumeur mais, finalement pas trop, par rapport à ce que j'endurais il y a deux ans. On dirait que les choses s'améliorent. Pourtant je ne fais rien pour, si ce n'est mes exercices du matin : la "planche" (voir ci-dessus) et l'équerre. J'ai fait trois minutes de "planche" hier avec 30 secondes d'intervalle entre chaque minute. Et bien sûr, dix minutes d'équerre, pour le dos.

* * *

Il n'y en a que pour Johnny Halliday dans les médias. Certains voudraient décrèter une journée de deuil national. D'autres voudraient des funérailles nationales. Et pourquoi pas son cercueil sur un caisson, recouvert du drapeau français, tiré par six chevaux noirs, comme John Fitzgerald Kennedy. Il faut dire que Johnny Halliday aimait les spectacles grandioses. Peut-être aurait-il apprécié ?!

mercredi 6 décembre 2017

Suprémacisme

Mr Trump va transférer l'ambassade américaine en Israël de Tel Aviv à Jérusalem. Une provocation majeure pour tous ceux qui rêvaient de la paix au Moyen-Orient grâce à la constitution de deux états souverains, côte à côte. Mr Trump est un suprémaciste blanc. Dimanche, il retiraient aux Amérindiens une grande partie des territoires de leurs réserves. Mr Netanyahou est un suprémaciste juif, ce qui lui donne encore plus de monde à mépriser, à fouler aux pieds, à faire disparaître. 

* * *

Johnny Halliday est mort la nuit dernière. Belge (son père était belge mais lui-même était français) pas comme moi, il était un an plus jeune. Nous sommes de la même époque. Pourtant, il n'a jamais réussi à me convaincre. Je ne sais plus quel article mentionne le fait qu'il a importé l'Amérique musicale en France. Un exploit, semblait penser l'auteur. Peut-être aurions pu nous en passer ? C'est un peu comme d'Ormesson. D'un côté, le culte d'une sorte de rudesse vulgaire, assez convenue quand même, de l'autre, le culte d'une certaine élégance, tout aussi convenue. Je les vois bien, tous les deux, main dans la main, sur le chemin du paradis. Main dans la main ? Image surprenante de deux anges aux yeux bleus, l'un chaussé de bottes de cuir cloûté, l'autre en costume de lin blanc avec de petits aigles dans le dos. Innocents tous deux du péché de suprémacisme. Emmanuel Macron a dit : "On a tous en nous quelque chose de Johnny." C'est ainsi que l'on convoque l'universel et que, de l'homme, on ne garde que l'idée. En tout cas, si Macron a du "johnny" en lui, quant à moi, je suis absolument sûr de n'en avoir pas la moindre trace. 

mardi 5 décembre 2017

Ormesson

Le long du canal
Comme une bête assoupie
Péniche embrumée

Cheveux blancs, très digne,
Brusquement il s'accroupit
Lacet renoué



Voici un haïku, le premier des deux ci-dessus, pour mon ami Eric G. et pour sa femme Christine. C'est en pensant à eux qu'il m'est venu à l'esprit. Lors de mon prochain passage à Paris, je me promets d'aller leur rendre visite.  Le long du canal, c'est aussi le titre d'un des romans policiers de mon père, qui, comme Simenon, était très attiré par les atmosphères brumeuses de la navigation fluviale. 

* * *

Jean d'Ormesson est mort. Je n'ai rien lu de lui et je crois bien que je ne lirai jamais rien de lui. J'ai vu une interview en noir et blanc où il est beaucoup plus jeune. On le voit, revisitant le château de son enfance : Saint-Fargeau. L'article de Médiapart n'est pas mal. Ironique, sans véritable méchanceté et pourtant, à cause de ça sans doute, très méchant. Il donne envie d'oublier très vite ce personnage.

lundi 4 décembre 2017

Souviens-

toi —c'est à moi-même que je m'adresse— de ce texte écrit en 1976/77 à la suite d'une étude pour l'UNESCO sur la question des sciences dans les pays du Tiers-monde. J'avais publié, de manière très artisanale, le texte sous le titre Hommes et langues du Tiers-Monde. Il traitait de la manière dont l'Occident pourrait, pour son plus grand bénéfice, mieux intégrer les migrants en programmant une inititaion au relativisme linguistique dans l'enseignement primaire dans les écoles. Cette initiation serait fondée sur un enseignement oral élémentaire des langues parlées par les migrants. Je pourrais sans doute republier ce texte, même si son langage est devenu un peu désuet aujourd'hui, sous un titre plus actuel, avec une introduction propre à faire ressortir la pertinence du propos –qui était aussi un projet– dans le contexte de migrations massives. J'ai pensé à quelque chose comme De l'adversité à la diversité pour souligner le fait que les migrants pourraient devenir un atout pour l'avenir de nos sociétés modernes en y introduisant précisément cette indispensable diversité humaine sans laquelle nous serions de plus en plus englués dans l'unidimensionnalité marcusienne.


De petits nuages
Sortent de la cage aux mots
Tout chauds dans l’air froid

dimanche 3 décembre 2017

Panne

D'un pli de la peau
J'imagine quelque étreinte
De bête à deux dos

Retrouve-moi là
Où se trouve l'inconnue
Que tu as été

Il y a huit ans de différence entre les deux Charlotte que l'on voit sur cette photo. Celle de droite a seize ans, celle de gauche, à l'intérieur du cadre a environ neuf ans. La photo pourrait être plus nette, certes mais cela donne une idée des années qui passent. 

* * *

Izilda —nous faisions du yoga avec elle il y a deux ans et elle me traitait par l'acuponcture— est venue hier soir manger avec Charlotte et moi. A peine était-elle arrivée que nous sommes tombés dans le noir. Tout l'immeuble a été victime d'une panne d'électricité. Il y avait quelqu'un de bloqué dans l'ascenseur mais il a appelé les pompiers et a été dégagé rapidement. Merci les smartphones ! Par contre, nous avons dû manger notre repas aux chandelles, ce qui était loin d'être désagréable. Cela donnait une lumière chaude et intime. J'ai montré mes "rugues" à Izilda. Il faut dire qu'il n'y avait pas grand chose d'autre à faire dans le noir, après le repas : elle ne pouvait pas tricoter et nous ne pouvions pas voir un film. Elle avait mon ordinateur sur les genoux et faisait des commentaires sur mes textes, souvent très pertinents. Ce qui m'a frappé c'est, qu'à part quelques uns de ces poèmes assez unanimement appréciés, les autres suscitent des préférences très diverses, selon les lecteurs. Bien normal, me dira-t-on. Oui, évidemment. Mais je fais partie moi-même de ces lecteurs discriminants et je m'étonne toujours du choix que certains de mes lecteurs font quand ils diffèrent des miens. Comme si je pouvais m'instituer "lecteur privilégié" du seul fait que c'est moi qui les ai écrits. 

samedi 2 décembre 2017

Arthur

L'éléphant de bronze
Qui arpente l'étagère
Barrit devant Marx


Je continue de le lire à petites doses parce que son style est magnifique, mais l'histoire que nous raconte Ishiguro m'ennuie. Cela se passe au Moyen-Âge sans doute, à l'époque du roi Arthur, avec de preux chevaliers qui s'affrontent à l'épée —cling, clang, cling clang— avant de régler son compte au dragon femelle qui sévit dans le coin. L'écriture est très belle mais j'ai du mal à croire à ce qu'elle nous offre. C'est comme ces histoires de "star wars" où l'on voit des hommes très méchants et très courageux avec des "épées-lasers" qui, elles aussi font "cling, clang". Les réalisateurs n'ont même pas la décence d'inventer un nouveau bruitage plus conforme à l'électro-magnétisme de ces armes étranges comme, par exemple, ceci : "zzzzzwwwiiiitchchch/zzzzzwwweeeetch". Mais je suis si peu amateur de ce genre de film qu'il est possible que mes accusations soient injustes. Le Dr T. me corrigera.

* * *

Autre histoire vraie d'imposture analogue à celle racontée par Javier Cercas : Cedric Rey, hier condamné à 6 mois de prison ferme pour s'être fait passer pour une victime du Bataclan. Comment le mensonge, bénin au départ, grignote peu à peu toute une vie et devient une sorte de monstre envahissant, impossible à terrasser. On se laisse emporter par des détails, qui chaque fois, pourraient n'être qu'insignifiants, mais qui dans le cadre d'une imposture, deviennent essentiels. Il suffit de dire : "J'y étais". Et tout s'enclenche. 

vendredi 1 décembre 2017

"Our Blacks"

Je ne résiste pas à vous proposer la lecture de cet extrait d'un article de Lucian K. Truscott IV, trouvé sur le site Alternet, intitulé "We're in a New Civil War" :

What I’d like you to do is this: try to imagine for a moment living in a small town in the deep South — a town like, say, Gadsden, Alabama — surrounded by piney woods and sandy soil, the kind of place where everybody knows everybody else’s business. A lot of industry already moved offshore, to countries where they can pay workers even less than the right-to-work pittance they paid in Gadsden. Left behind are strip malls, Pizza Huts, Krispy Kremes, muffler shops, tire retailers, Dairy Queens, women selling Mary Kay cosmetics to each other.
Over there on Lewis Road you’ll find an old red barn set up as a horse shoeing business, with a long-dead rusted flat-bed truck up on blocks, and across the one lane black-top road, a 50-by-12 trailer home with peeling paint and an above-ground pool right next door to a ranch-style house with aluminum siding that has three cars parked on the gravel drive out front. Drive a little further, and you’ll find another ranch-style house with aluminum siding, and another, and another, and a truly amazing number of pick-up trucks parked in driveways in various states of disassembly or repair. And churches — lots and lots of churches — New Faith Community Church, and Faith Baptist Church, and Full Gospel Tabernacle, and James Memorial Baptist Church, just across the street from the Dollar General, and the Living Truth Christian Center, which is not far from the St. Paul Overcoming Church of God, which is just down Glenwood Avenue from Paden Baptist Church.
The small Southern town we’re imagining — say, a place like Gadsden, Alabama — has a population that is 34 percent black and 62 percent white, so it’s easy to imagine yourself as a citizen of either race. Now what I’d like you to do is imagine that you are one of the black citizens, and living in Gadsden, Alabama you hear this phrase over and over and over: our blacks. Let me say it again: our blacks. You also hear our negroes, and our ni**ers, but because Gadsden is under somewhat of a national spotlight and people are endeavoring to be seen as, ahem, inclusive, let’s have you imagine hearing from the mouths of your fellow citizens who are white is that you are one of our blacks.
Now what I’d like you to do is stop imagining, because that’s what you’ll actually hear in Gadsden, Alabama and towns like it all over the deep South.
https://www.alternet.org/news-amp-politics/why-roy-moore-might-win-alabama?akid=16431.2664112.Khd1pd&rd=1&src=newsletter1085886&t=32