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mardi 30 avril 2013

L'écriture de Benet

Cette semaine, je dois prendre contact avec "le Centre d'Olga" à l'Université de Lisbonne, centre consacré à la philosophie des sciences où enseigne mon nouvel ami Zbigniev, spécialiste de Bachelard. J'ai également reçu hier une invitation à faire partie d'un jury de thèse à Grenoble, le 12 juin. Serai-je en état d'y aller ? Je l'espère. A part cela, Charlotte est rétablie.
Je continue à être assez strict avec mon régime alimentaire : pas d'alcool, pas de produits laitiers (encore que samedi je n'ai pas pu m'empêcher d'engloutir deux Pasteis de Belem en compagnie de G. & A.) pas de viande. Je n'en suis pas encore au régime d'une alimentation exclusivement végétarienne et crue, telle qu'elle est préconisée par le Dr Morse. Son livre est sur ma table de nuit, mais généralement le soir, je lis et relis l'Année chauve de Robert Jaulin. Pendant la journée je reprends Une méditation de Juan Benet. Et là également, je retombe sur les mêmes pages que je lis et relis comme si j'y cherchais la clef du mystère de l'écriture de cet auteur si particulier, une écriture à laquelle on revient comme à une drogue, une écriture qui nous requiert, qui demande que la lecture ne l'abandonne pas à n'être plus qu'une écriture. Et pourtant ce danger la guette car si elle a besoin de son lecteur, c'est aussi une écriture sans concession aucune. On dirait vraiment, surtout dans Une méditation, que l'auteur ne s'est pas relu et que son écriture est devenue totalement intransitive, le résultat d'un pur acte d'écrire, sans qu'il y ait la moindre visée d'un résultat quelconque, sans qu'il y ait le moindre calcul sur l'effet que cet acte pourrait avoir sur ce lecteur hypothétique que l'on devient quand on lit Benet. Benet écrit pour que ce soit écrit, point. D'où cette obligation de lecture qui envahit le lecteur et qui demande un effort. Mais il ne s'agit pas d'un effort douloureux. C'est comparable à l'effort d'un marcheur en montagne, ou d'un amateur de pèlerinages peut-être. (Là, je ne sais pas, puisque je n'en ai encore jamais fait.)
[Du coup, est-ce le moment de promettre d'aller de Paris à Saint Jacques de Compostelle ? — Qui vient avec moi ?]
Entretemps, le 12 juin s'est transformé en 19 juin pour Grenoble, ce qui m'arrange mieux. Et je viens de recevoir un courriel des Editions du Seuil m'annonçant la signature imminente d'un contrat pour la traduction de The Tyranny of science, de Paul K. Feyerabend. Rien que de bonnes nouvelles ce matin !

lundi 29 avril 2013

Brachythérapie ?

Drôle de rêve cette nuit, difficile à exprimer en mots en raison de l'incongruité des fragments d'images qui continuent à titiller ma conscience. Je suis en face d'une machine munie d'une fente par où, en principe, on glisse des pièces de monnaie. Mais ce n'est pas comme cela qu'on l'utilise. Il faut d'abord garnir la fente d'une sorte de gaine qui la fait ressembler à un sexe féminin bien que cette ressemblance ne me vienne pas à l'esprit devant la machine. Ensuite on introduit une sorte de mèche en tissu plus ou moins rigide que l'on doit ensuite retirer très brusquement —on pourrait dire : brutalement— en espérant que la récompense reste accrochée au bout de la mèche. La personne qui me montre comment faire, fait ce geste brutal, et, au bout de cette mèche, reste accroché un petit truc rouge... mais c'est raté, ce n'est pas ce qu'il était possible d'obtenir. Il semblerait que ce soit la brutalité du geste qui puisse nous faire obtenir la récompense. Celle-ci d'ailleurs reste complètement indéterminée. Le rêve ne dit mot sur ce dont il s'agit !

La pauvre Charlotte semble avoir une grippe intestinale. Elle a des élancements dans l'estomac qui la font souffrir. Elle n'a presque rien mangé hier soir. Nous avons regardé un film d'Astérix et Obélix auquel elle nous a invités après le dîner. Une critique assez féroce des Français vus par les Anglais. Souvent très juste.

* * *

Nous revenons de l'Hopital Santa Maria où nous avons longuement discuté de Dudule avec les médecins portugais. La stratégie thérapeutique n'a pas encore été décidée. Le choix est le suivant : soit la thérapie standard pour mon type de cancer à savoir cinq semaines de radiothérapie avec deux semaines de chimio assez hard, une au début du traitement radio et l'autre à la fin du traitement radio ; soit une brachythérapie (deux jours de traitement à l'hôpital) c'est-à-dire introduction d'un produit radioactif au coeur de la tumeur —celle-ci étant très bien localisée au bord de mon rectum—suivi d'une ou deux semaines de radiothérapie, avec ou sans chimio. Généralement, le protocole pour la brachythérapie est différent. On la pratique d'habitude après la radiothérapie et non avant. Du coup, Isabel et moi nous trouvions que cela avait moins d'intérêt puisque la brachythérapie a ceci de particulier qu'elle permettrait en principe d'éviter les effets secondaires les plus indésirables liés à cinq semaines de brûlures dans toute la région pelvienne, ce qui n'est pas sans inconvénient. Nous étions face à deux médecins, un jeune oncologue manifestement plein d'avenir et parlant très bien l'anglais mais qui penchait nettement en faveur du traitement traditionnel dont on sait qu'il peut guérir mon cancer. L'autre médecin, physicien, beaucoup plus âgé et se débrouillant assez bien en français, avait l'air de pencher plutôt vers notre option à savoir une brachythérapie avant la radio ce qui permettrait de raccourcir celle-ci de manière conséquente voire même d'éviter la chimio, ce qui limiterait grandement les effets secondaires indésirables. Ceci dit, avant de pouvoir adopter cette solution, il faut que les médecins s'assurent qu'ils ont les produits nécessaires pour procéder. 
Renseignements pris (sur internet), il se trouve que nous (Isabel et moi) sommes plutôt en accord avec la méthode du Dr Papillon de Lyon qui est la référence française pour ce type de traitement. Voici ce que l'on peut lire sur internet :


If your cancer is small (less than three centimetres) and if the cancer is not too deep with no evidence of lymph node involvement, then local contact radiotherapy using the Papillon treatment can help. Papillon is the name of the French professor from Lyon who popularised this technique. Unlike the standard surgical option usually recommended by surgeons, this treatment does not involve a general anaesthetic and may be more suitable for you. 

Please note that not all rectal cancers treated can be treated with the Papillon method of treatment. Depending on your tumour staging (how far it has grown and spread) you may also need to go on and have additional external beam radiotherapy with or without chemotherapy (drug treatment). If there is still cancer remaining after the Papillon treatment, it is possible that you may also need local surgical resection (TEM or TAR).

Autre extrait lu sur internet concernant la brachythérapie :


According to the studies shown in Table 2, brachytherapy obtained good 
results in OS, with excellent preservation of the anal sphincter and without 
major genitourinary or gastrointestinal toxicity. Maignon et al. (46) observed 
late rectal effects grade 3 in 3.8% and sphincter preservation in 82% of the 
included patients. Gerard observed no grade 3-4 toxicity in any of the patients, 
only acute rectal proctitis, which was not the cause of the discontinuation of 
treatment, and anal sphincter preservation was 92%.

dimanche 28 avril 2013

Question d'argent

Le froid est revenu. Malgré un grand soleil, un ciel sans nuages et tous ces airs d'été que la ville peut prendre. Mes grands amis strasbourgeois G. et A. sont arrivés à la maison hier matin, vers 11h30. Nous sommes allés chercher Charlotte chez son amie Paula, puis à la "loja" d'Isabel. Nous avons déjeuné dans un excellent petit restaurant du Campo d'Ourique, pas loin de la "loja". Où j'ai choisi du poisson. Du riz à la lotte. Délicieux mais aussi, première dérogation de la journée à mon végétarianisme grandissant. Et le soir, j'ai remis ça (deuxième dérogation) dans un restaurant japonais de Carcavellos avec le thon cru, le saumon cru et quelques sushi aux fruits que j'ai bien appréciés.
Il est maintenant 7h25 et dans deux heures je vais conduire G. et A. à l'aéroport. Ce fut un séjour vraiment trop court. J'espère qu'après ce premier contact avec Lisbonne, ils reviendront pour plus longtemps.
Je reviens sur ce sens que l'astrologue d'I. avait donné à mon nodule : question d'argent. Cela me fait penser à cette "théorie monétaire du cancer" que j'avais esquissée il y a un peu plus de trente ans et dont j'avais parlé à l'époque avec Dominique S. : intériorisation du fonctionnement monétaire anarchique des sociétés modernes occidentales. Il y a du "social" dans le cancer, du social dérégulé. Mais, bien évidemment, ce n'est pas à cela que pensait cette astrologue très freudienne en réalité, qui établissait un lien entre l'emplacement de mon nodule et les problèmes d'argent qui n'ont pas cessé de pimenter ma vie. Au fond, je me rends compte que je n'aime pas penser à l'argent. J'aime bien le penser (cf. le titre de ma thèse Ecriture, monnaie et connaissance), je n'aime pas y penser. Le penser, c'est un défi philosophique intéressant puisque l'argent est fait pour être dé-pensé. Y penser, c'est se préoccuper de sa propre survie (et de la survie des siens) dans un monde que l'argent justement rend sauvage.

samedi 27 avril 2013

Tatouages

Ce matin sous la douche, j'ai essayé de repérer mes tatouages. Ils sont vraiment discrets. Je me voyais déjà stigmatisé sur les plages ensoleillées de Guincho et prêt à constituer un nouveau club de cancéreux actifs et radioactifs. Mais c'est foutu avec ces petits points d'encre de chine sur ma peau.
J'entends I1 en train de parler avec I2 au téléphone. Elle a rencontré une astrologue qui propose de donner un sens à ce nodule rectal qui change ma vie. Il y a sûrement des problèmes d'argent, dit-elle.
Elle a sûrement raison ! Je reviendrai sans doute sur ce point plus tard dans la journée. Mais aujourd'hui je reçois un de mes grands amis de Strasbourg et je vais lui consacrer un maximum de temps.

vendredi 26 avril 2013

Cathéter

Il est 7h30 et je m'apprête à aller avec Isabel à l'Hôpital Santa Maria pour qu'on m'y pose le fameux cathéter qui doit contribuer à ma guérison. Hier, la célébration du 39e anniversaire de la révolution des oeillets a réuni chez nous beaucoup de monde, des amis très chaleureux, pleins de vie et d'entrain. Je ne dirai pas que Dudule fut la vedette, mais il n'est pas passé inaperçu. Une amie m'a apporté des graines de kéfir. Je compte bien essayer cet aliment plein de vertus.

Me voilà de retour avec le catéther en position de fonctionnement. Isabel et moi avons attendu très longtemps dans diverses salles d'attente de l'Hôpital Santa Maria. Pour ce qui est du cathéter, on m'a remis, après coup une "notice d'utilisation" en 26 langues. Cela concerne les "chambres implantables Celsite" ("implantables" signifie peut-être qui ne peuvent pas "planter"). C'est très rassurant ! J'ai été frappé par l'une des consignes concernant le patient : "Pour une implantation de cathéter veineux, installer le patient en décubitus dorsal en déclive modérée." Comme j'ai pitié de mes lecteurs néerlandais je recopie la consigne dans cette langue : "Voor plaatsing van een veneus katheter moet de patient enigszins achterover liggen met het hoofd naar beneden." Ça a l'air presque plus compréhensible que le français. Tout ça pour dire que j'étais couché sur un plan légèrement incliné. J'ai pas mal discuté avec l'un de mes soignants qui profitait de mon état pour se payer un cours de français gratis. Il eût été préférable qu'il me donnât un cours de portugais !

Après, il faut faire une radio, pour voir si l'appareil est correctement installé dans mon corps, sous ma clavicule droite. Ensuite je suis passé au service de radiothérapie où il m'ont fait passer dans le grand anneau du TAC, pour repérer les points par où la radioactivité allait pénétrer les zones anarchiques. Je suis donc tatoué en quatre endroits différents. Ce sont des tatouages fort discrets, certes, mais quand même, me voilà marqué à vie. Selon leur planning mon traitement radio devrait commencer le 20 mai. Cela me semble bien tard et j'espère qu'à la réunion de lundi, où nous pourrons discuter avec l'équipe de médecins qui me soignent, dont la fameuse Filomena, nous pourrons renégocier la date du début de mon traitement pour l'avancer quelque peu. J'ai hâte de voir se profiler l'amorce de mon rétablissement. Je pourrais peut-être faire une grève de la faim pour leur forcer la main !

jeudi 25 avril 2013

Blog, fils de blog

Blog, fils de blog, reprend la pointe de l'écriture.
Aujourd'hui, peu de nouvelles si ce n'est que l'on va célébrer le 39e anniversaire de la révolution des oeillets à Lisbonne. Nous attendons les invités.
J'ai donné le nom de Dedalus à ce blog, comme une trace du premier, un souvenir émouvant, un partage souriant. Je viens de lire le chapitre 7 du livre de Guy Corneau, là où il parle de la respiration dans des termes que je reconnais pour les avoir vécus moi-même, assez souvent : "respirer", faire en sorte qu'un souffle nous traverse, nous cherche jusqu'à la plus petite, la plus modeste de nos cellules, respirer avec tout le corps et pas seulement le haut des poumons comme semblait nous le demander notre professeur de gymnastique au lycée quand j'avais 11 ans ! L'air, la chose la plus précieuse du monde (avec l'eau et la lumière) !
Je commence ce blog sans rien avoir à dire de mon cancer. J'aurai droit à une nouvelle auscultation demain. Mon docteur s'appelle Filomena. Elle me semble très compétente. C'est elle qui préconise la brachythérapie. Je vais enfin devenir radioactif. C'est ça être moderne, non ?