Je suis étonné qu'il y ait encore des gens, des intellectuels, des juristes, des artistes sans doute, qui soient en faveur d'un recours à l'anonymat pour faire passer des messages à autrui. Par exemple, il est question, pour combattre les "fausses nouvelles" d'interdire l'anonymat sur les réseaux sociaux. Je ne sais pas comment cela serait possible mais il me semble que ce serait une mesure excellente pour lutter contre toutes les conneries qui foisonnent sur internet, instagram, etc. A partir du moment où je serais obligé d'assumer vis-à-vis des autres ce que je ressens ou ce que je pense, il me semble que je deviendrais plus prudent avant d'exprimer ce qui me turlupine. L'anonymat rend irresponsable. Je ne comprends pas que l'on ne prenne pas cette question plus au sérieux pour lutter contre la délation, la haine, les accusations gratuites, le harrassement et la rumeur, les trahisons faciles, etc., dont on constate tous les jours les effets dévastateurs. "Sous couvert de l'anonymat", il peut se passer n'importe quoi. Il y a quelques années, j'avais même pris position contre cet usage dans l'enquête anthropologique que nous avions entreprise au CERN. Je disais aux physiciens que j'interviewais : "Nous ne prendrons en compte ce que vous nous dites qu'à la condition que vous assumiez complètement vos propos." Beaucoup de mes collègues trouvaient cette position contre-productive et maladroite. Comment apprendre quoi que ce soit d'intéressant si vous ne protégez pas vos sources ? C'est le principe même du journalisme d'investigation. Il est possible que l'anonymat soit parfois justifié en considération de l'importance des informations utiles que son usage rend disponibles. Comment les lanceurs d'alerte pourraient-ils nous informer sans cette protection au départ ? C'est vrai. Mais les lettres anonymes, comme celle qui prétendait confondre l'amnésique de Collegno en le dénonçant comme "simulateur génial", les corbeaux de toute sorte qui accusent, insultent, prétendent savoir et envoient des textes déguisés pour clamer la "vérité" me remplissent de suspicion, et souvent aussi, de dégoût.
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