Dans la lettre quotidienne de RetroNews, aujourd'hui, on évoque un article qu'Albert Camus a publié en juillet 1948 dans le journal qu'il avait fondé, Combat. Intitulé "Ni victimes, ni bourreaux", l'auteur nous enjoint de croire encore au dialogue entre les hommes, de croire en l'efficacité de la parole. Voici un extrait de cet article qui me semble ne rien avoir perdu de sa pertinence au moment où nous aussi, nous devons choisir entre le monde d'avant, le monde des abstractions et des idéologies absolues, de la course aux armements et aux richesses, et le monde d'après, celui que la grande majorité des hommes désire ardemment, un monde où l'humain se définit à travers les figures de l'altérité :
"Naturellement, ce n’est pas la première fois que des hommes se trouvent devant
un avenir matériellement bouché. Mais ils en triomphaient ordinairement par la
parole et par le cri. Ils en appelaient à d’autres valeurs, qui faisaient leur espérance.
Aujourd’hui, personne ne parle plus (sauf ceux qui se répètent), parce que le monde
nous paraît mené par des forces aveugles et sourdes qui n’entendront pas les cris
d’avertissements, ni les conseils, ni les supplications. Quelque chose en nous a
été détruit par le spectacle des années que nous venons de passer. Et ce quelque
chose est cette éternelle confiance de l’homme, qui lui a toujours fait croire qu’on
pouvait tirer d’un autre homme des réactions humaines en lui parlant le langage de
l’humanité. * Nous avons vu mentir, avilir, tuer, déporter, torturer, et à chaque fois il
n’était pas possible de persuader ceux qui le faisaient de ne pas le faire, parce qu’ils
étaient sûrs d’eux et parce qu’on ne persuade pas une abstraction, c’est-à-dire le
représentant d’une idéologie.
Le long dialogue des hommes vient de s’arrêter. Et, bien entendu, un homme qu’on
ne peut pas persuader est un homme qui fait peur. *"
* C'est moi [BJ] qui souligne.
Cette dernière proposition que j'ai mise en italique me fait penser à cette parole d'Aristophane tirée de sa comédie Ploutos, où il met en scène l'utopie d'un monde défendu par Khrémylos, d'où Pénia, la pauvreté aurait été bannie. Pénia défend les bienfaits de la pauvreté devant Khrémylos qui, face aux arguments qu'elle lui donne, rétorque :
"Tu ne me persuaderas pas même si tu me persuades."
Cette citation était en exergue de ma thèse d'Etat.
Cette citation était en exergue de ma thèse d'Etat.
Super citation, merci Baudouin
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