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vendredi 31 mars 2017

Insomnie

Annonce d'une expo à Paris : D'où vient le racisme ? A mettre au programme de mon bref séjour après Luxembourg, peut-être.

J'ai souffert d'une longue insomnie cette nuit que j'ai peuplée d'une cascade de haïku. M'en souviendrai-je ? En voici un :

De l'arbre enneigé
Blanche et noire, une branche
Rêve de ses feuilles

En voici un autre :

A, e, i, o, u
Le diable est dans les voyelles
Où est le voyou ?


jeudi 30 mars 2017

Quatremer

Je suis à Luxembourg, ou plutôt, à Mersch. Je retrouve les collines sur lesquelles s'ouvre la baie de ma fenêtre. Elles sont plongées dans une sorte bruine lumineuse. Il fait plutôt beau.

A France Inter ce matin, il y avait l'interview de Jean Quatremer, qui vient de publier un ouvrage politique, Les salauds de l'Europe que j'ai bien envie de lire.

Voilà mon haïku du jour. Il est possible que j'en publie un autre plus tard mais en attendant, voilà :

Il faut être aveugle
Pour ne pas voir tout ce noir
Qui nous rend aveugle

mercredi 29 mars 2017

Corneilles

"Si vous voulez prendre corneilles & corbeaux vivans, vous ferez des cornes de papier fort qui soit gris bleu, vous les frotterez en dedans avec de la glu, & y mettrez quelque morceau de viande puante pour les attirer; ensorte que fourrant leur tête dans ces cornets, la glu les arrachera à leurs plumes; & en étant affublés [37] comme d'un capuchon qui leur bouchera la vue, quand ils voudront s'envoler, ils ne pourront, & il sera facile de les prendre. "


Fred vient de m'envoyer le texte qui nous a inspirés tous les deux un jour d'automne assez gris, à Strasbourg, ou plutôt, dans un bout de campagne environnante, pour tenter de faire fonctionner ce piège à corneilles et corbeaux. C'était il y a bien longtemps. Fred m'a même envoyé une photo qui nous montre en train de préparer les cornets. Merci, Fred.

Je crois bien que la petite fille qui se trouve à gauche entre moi et Fred est Célia. Mais je ne me souviens plus du tout du troisième personnage, à droite sur la photo. Peut-être que Fred pourra m'éclairer.

Tao

Très captivé hier par le livre de Marc Halévy, Lecture du Tao. Une sagesse qui nous attend... (Editions Oxus, Paris 2012) livre qui m'a été offert par Bernard Speiser il y a trois ans, et que je n'avais pas encore lu. L'ouvrage est très clair et assez complet malgré sa brièveté. Intéressantes notamment, les remarques de l'auteur sur l'incompatibilité entre le dualisme occidental "écartelé" par l'ubiquité des oppositions beau/laid, vrai/faux, bien/mal, etc., qui malmènent notre vie morale à partir de cette sorte d'obligation qui nous incite à faire triompher le bien sur le mal, le vrai sur le faux ou le beau sur le laid. Le sage du Tao ne peut que rire d'une telle naïveté tant il sait que ces oppositions dualistes ne sont que des caricatures de pensée, totalement incompatibles avec la bipolarité —les bipolarités— de la pensée chinoise, le yin et le yang, par exemple. Il y a du laid dans le beau, du faux dans le vrai et du mal dans le bien, comme le disait Feyerabend (entre autres). Il y a du yin dans le yang et du yang dans le yin. 

Curieuse manie très actuelle des médias de nous montrer des chefs d'Etat en train d'apposer leur signature au bas de décrets, lois, accords, contrats et autres textes importants. C'est ainsi que l'on a pu voir à plusieurs reprises la signature de Donald Trump, signature dont il semble lui-même très fier. On ne connaît pas encore celle de Theresa May, mais cela viendra sans doute.


Et maintenant le haïku du jour :

Les tripes en transes
Le pantalon descendu
Cul nu dans les fleurs

mardi 28 mars 2017

Disparition

Cette disparition concerne la colline juste en face de la fenêtre de mon bureau. Plus rien. Deux trois immeubles à proximité mais l'arrière-plan habituel de tous ces "coffres de pierre", comme les appelle l'auteur de Papalagui, serrés les uns contre les autres comme pour se protéger d'on ne sait trop quoi—de la civilisation mortifère qui les a installés là peut-être ?—, cet arrière-plan donc, a disparu complètement, gommé de cette page blanche du ciel qui ne présente plus que quelques ratures, ces râteaux d'antennes qui n'ont sans doute plus aucune image à ratisser dans le vide matinal de ce mardi.

La nuit a pourtant été très riche en images justement. Un premier rêve me figurait sur une scène avec un révolver dans ma besace de cuir, révolver qui serait vite découvert si la personne chez qui j'étais s'avisait d'y jeter un coup d'œil. C'est pourquoi je décidai de changer cette arme de place. Il fallait que je la mette dans ma poche, geste compliqué s'il devait ne pas se laisser entrevoir par cette personne. Je n'étais pas seul. Je faisais partie d'un groupe et chacun avait une arme bien camouflée sur lui. Mais c'était sans doute moi le plus angoissé.


Il y eut ensuite un rêve où j'étais censé donner un cours de chimie dans une grande école. J'avais décidé de montrer aux étudiants un processus d'électrolyse. J'avais mes deux tubes en verre et j'avais déjà fait un essai qui m'avait permis de recueillir quelques molécules d'hydrogène (H2) d'un côté et d'oxygène (O2) de l'autre. Le dispositif électrique était en place bien que, par inadvertance, j'eusse coupé accidentellement le fil qui devait être branché sur le secteur. Qu'importe me disais-je, je réparerai ce fil avec du chatterton dès que ce sera nécessaire.


Et maintenant le haïku du jour :

Sur fond blanc de ciel
Les râteaux TV ramassent
Des images mortes

Excellent article d'Olivier Roy dans Le Monde d'aujourd'hui intitulé "le djihadisme des "loseurs".

lundi 27 mars 2017

Obsession

Hier soir, j'ai regardé sur Arte, le film de Brian de Palma, Obsession datant de 1976.  Le film reste très convaincant malgré son âge. Comment extorquer des milliers de dollars à un homme riche en tablant sur l'amour qu'il éprouve pour sa femme et sa fille ? Bon, d'accord. La fille, croyant que son père ne l'aimait pas, a voulu se venger. En le séduisant. En acceptant le mariage qu'il lui propose, parce qu'il ignore qu'elle est sa fille. En s'impliquant dans le complot qui l'a éloigné d'elle. Etc.
Voilà que je commence à raconter le film de la même manière que Tanguy Viel, raconte Sleuth, dans Cinéma. Mais  cela m'aide à comprendre comment on peut se prendre au jeu d'un récit de ce type. C'est littéralement inépuisable. Chaque vision du film vous fait découvrir des subtilités qui, la première fois, passaient inaperçues. C'est bien ce que dit Tanguy Viel, après avoir vu son film plus d'une quinzaine de fois. Pourrait-on adopter une démarche analogue avec un roman ?
Peut-être. Probablement pas.

Voici mon haïku quotidien

Malgré les pépins
Des fruits croqués dans la bouche
Chantent : pom pom pom !


dimanche 26 mars 2017

Tchouang-Tseu

Ce matin, le ciel est si bas que l'on aurait envie de se baisser pour ne pas s'y cogner. En outre il pleut. Les carreaux de ma fenêtre, quand j'essaye d'y voir quelque chose, dégoulinent sur mes joues.  La lumière est piégée quelque part. Sans doute ne réussit-elle pas à se dégager des lourdeurs grises qui encombrent le ciel. Le bruit des gouttes sur le toit du voisin est mélancolique.

J'ai lu hier de nombreux paragraphes du livre Le rire de Tchouang-Tseu, textes traduits et commentés par Stephen Mitchell. En réalité, les textes que j'ai lu étaient en français, traduits de l'anglais par Benoît Labayle et Celin Vuraler d'après la version anglaise intitulée The Second Book of the Tao, titre traduit par L'éternelle sagesse du Tao, Paris, Synchronique Editions, 2010. L'introduction nous rappelle ce conseil très juste de Lao-tseu : "Laissez tomber la sagesse et la sainteté et les gens seront cent fois plus heureux."

J'avais cette nuit, avant de me réveiller un haïku étrange en tête et qui s'entêtait dans des tentatives de formulation assez curieuses :

Une odeur l'annonce
Du fond d'un tas d'habits sales
Merci, dit la voix

Bref c'était quelque chose de ce genre là. Une scène de rue ou de ruelle, souvent vécue aussi bien à Lisbonne qu'à Paris ou Strasbourg.

Par ailleurs j'apprends que BASF renonce à demander le renouvellement de son autorisation de mise sur le marché du Fipronil, tueur d'abeilles. Bonne nouvelle pour les abeilles... et les humains.

samedi 25 mars 2017

Cinéma

Je viens de terminer le livre de Tanguy Viel, Cinéma (Editons de Minuit, 1999) qui n'est rien d'autre que le récit d'un film, et des effets—émotions, pensées, sentiments, analyses, jugements sur les jugements, etc.—que ce film a provoqué chez l'auteur. Je n'avais pas vu ce film de Mankiewicz—le dernier semble-t-il de ce réalisateur hors normes—auparavant et le livre m'a donné une furieuse envie de le voir. C'est Claude qui m'a parlé et du livre et du film. Je l'ai lu d'un trait. Je le conseille à quiconque ne l'a pas encore lu.

Prochain livre à lire de Tanguy Viel : La disparition de Jim Sullivan.

Par ailleurs je m'aperçois, d'après les décomptes statistiques que je peux consulter que j'en suis à 100950 pages vues. J'avais dit, il y a quelque temps, "allons jusqu'à 100000". C'est fait. Je devrais peut-être arrêter maintenant.

Haïku

Tout d'abord une rectification. J'ai titré l'un de mes derniers articles "haïkaï" croyant, sur la base d'une visite à Google, que le terme avait un pluriel. Or, je l'ai appris hier, lors de l'atelier de haïku que j'ai animé avec mon amie Zlatka, magnifique poétesse bulgare, il n'y a pas de forme du pluriel de haïku en japonais. C'est David Kong-Hug, président de l'Association dans le cadre de laquelle cet atelier était organisé, qui m'a appris cela. David vient de Taïwan et parle couramment 12 langues. Impressionnant. Nous étions une douzaine de participants, originaires de beaucoup de pays différents et nous avons chacun écrit un haïku dans notre langue maternelle. David insistait, à juste titre me semble-t-il maintenant, sur les contraintes formelles du haïku japonais qui exige trois vers : le premier de cinq syllabes, le second de sept syllabes et le dernier de cinq syllabes à nouveau, soit 5-7-5, pour le dire plus simplement. Du coup j'ai repris tous mes haïkus précédents en essayant de respecter cette règle. C'est loin d'être évident. Voici quelques unes de ces transformations qui, curieusement, me paraissent constituer une amélioration [je pense aussitôt, amélioration de quoi ? faut-il avoir recours à Badiou de nouveau—dont j'ai d'ailleurs parlé hier—en évoquant l'idée d'une amélioration de la "pensée du poème" ?] :

Oh le mur du ciel
Si haut, l'œil y cherche en vain
Le trou bleu de l’âme

Par dessus les toits
Le doigt pointé de la grue
Tourne. Où est la main ?

Essoufflé d’amour
Le corps retombé est calme
Bruits d’avions au loin 

Vieux tronc rugueux
L’écorce écorche la peau
Dans l’arbre un enfant

Mini boule dure
La crotte est sur le parquet
Et chat endormi


Miroir dérapant
Ciel asphalté sous la pluie
Tristesse des tôles

Entre mille jambes
Les traits du tapis persan
Dispersent les yeux

Ils battent de l’aile
Dans une fente du ciel
Les avions qui tombent

Après la bourrasque
Parapluies sur le trottoir
Les griffes en l’air

vendredi 24 mars 2017

Complotriste

Comme tous les matins, je lis les paroles de Bouddha, d'après les messages qui me sont envoyés depuis que j'ai fait Vipassana en Bourgogne. Généralement, il s'agit de généralités simples prônant la renonciation au désir, les recommandations quant aux fréquentations que l'on peut avoir, les véritables sources du bonheur, l'impermanence de tout ce qui existe, etc. Je les lis toujours mais elles ne m'apprennent pas grand chose. Celle d'aujourd'hui cependant revêt une pertinence particulière en ces temps de méfiance et de luttes pour le pouvoir :

La haine entraîne un grand malheur,
la haine agite et nuit à l’esprit;
ce danger inquiétant, profondément ancré,

la plupart des gens ne le comprennent pas.

La haine nuit à l'esprit. Il faudrait que tous les Français comprennent cette évidence. J'ai jeté un coup d'œil sur la scène dont les journaux parlent ce matin entre l'écrivain Christine Angot et François Fillon. Ce dernier me semble bien mal en point et je crains fort que l'accusation  ridicule visant François Hollande et l'existence d'un "cabinet noir" à l'Elysée n'arrange guère les choses pour Fillon le désormais "complotriste" à en mourir. 


N'oublions pas notre haîku : 

Juste après la bourrasque
Parapluies sur le trottoir
Griffes en l’air

jeudi 23 mars 2017

Chasse


Je viens de lire le superbe tout petit livre de Pierre Bergounioux, Chasseur à la manque, Paris, Gallimard, 2010, qui raconte très joliment ce rapport d'un enfant aux animaux du coin qu'il habite et partage avec eux à la campagne. Cela commence avec l'évocation de sa fascination pour une cétoine émeraude, puis les insectes d'arbre que l'on retire délicatement des trous du bois mort comme des jouets ; il y aura ensuite le bouvreuil et le geai, puis enfin, cet écureuil que l'enfant qu'il était, tue d'un coup de cette carabine reçue comme récompense à un bon résultat scolaire. Et, bien sûr, en lisant les effets culpabilisants de ce meurtre, je n'ai pas pu m'empêcher de penser au crime analogue que j'ai commis, enfant : mon frère Jean-Pierre me prête la carabine à plomb qu'il venait de recevoir en cadeau pour je ne sais plus quelle raison. Je sors dans le minuscule jardin de la maison et je vise des boîtes de conserves ou de vieux pots de confiture sans le moindre succès. Il semblait bien que j'étais un chasseur à la manque, comme Pierre Bergounioux, quand, juste avant de rentrer résigné, j'avise une hirondelle perchée sur le fil télégraphique qui reliait notre maison au réseau. Je n'y croyais pas, ayant manqué toutes mes cibles antérieures, et c'est sans doute la raison pour laquelle, sans conviction, je pointai l'arme vers l'animal. Je tirai et, à mon grand étonnement, l'oiseau tomba à mes pieds, percé par le plomb minuscule de mon fusil d'enfant. Mon père me gronda, accentuant la blessure que je ressentais après avoir tué cette hirondelle, la première venue sans doute, en mars, pour nous annoncer le printemps.

Comme les signes ne viennent jamais seuls, ce matin même, je lis dans Libération, l'éditorial de David Vann, l'auteur de ce livre extraordinaire, Legend of a Suicide, qui a été traduit en français sous le titre (anglais !) Sukkwan Island et qui raconte le séjour de chasse d'un père et son fils sur une île sauvage en Alaska. La lecture de cet ouvrage vous donne l'occasion de subir un véritable choc, à mi-parcours, à cause d'un événement que le récit rendait impossible et qui, néanmoins, se produit, plongeant le lecteur dans une expérience de désarroi incroyable.

L'éditorial de David Vann dans Libé est encore une histoire de chasse s'il faut en croire le titre : "Il est temps de tuer Dieu et la patrie". Voici un extrait de cet article :

"Aux Etats-Unis, dans un coin rural de la Floride, je me retrouve à devoir convaincre mes voisins que les faits existent ; que l’Associated Press ou le New York Times sont des sources plus crédibles que Fox ou Breitbart ; que des millions de Syriens ne vont pas venir leur piquer leurs emplois, que la grandeur de l’Amérique n’existe pas et ne devrait pas être recherchée, et que la devise du pays, «God Bless America» - que Dieu bénisse l’Amérique - ne devrait plus jamais être prononcée. En France, vous êtes confrontés à la même chose. Chacun devrait convaincre ses voisins qu’un gouvernement très à droite est plus dangereux que les terroristes, que la France ne devrait pas poursuivre des rêves de grandeur et que Dieu est mort."

Le problème c'est que nos armes de chasse sont impuissantes face à une telle cible. N'est-il pas scandaleux qu'il soit plus facile de tuer une hirondelle que de chasser Dieu de nos têtes ?

Cela ne doit pas me faire oublier mon haïku quotidien :

Sur les toits de la ville

Broussailles d’antennes
Hésitations du vent