Chaque matin, chez Fabien, nous avons dégusté chacun deux œufs pochés avec une méthode que je ne connaissais pas : on plonge dans une casserole remplie d'eau, une sorte de coque en silicone très fin, légèrement huilée — on appelle cet instrument une "pocheuse"— dans laquelle on a mis un œuf cru. On peut mettre plusieurs pocheuses dans la même casserole. On fait chauffer l'eau tout en surveillant la cuisson des œufs. Au bout de cinq à six minutes, on fait glisser l'œuf sur un toast grillé. Sel, poivre. C'est délicieux.
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J'ai terminé avant-hier le roman de Pete Dexter, The Paperboy (1995) que j'ai trouvé excellent. C'est le troisième roman que je lis de cet auteur peu ordinaire. Non seulement il crée une atmosphère qui ne vous quitte pas tout au long de la lecture, mais il ponctue cette atmosphère par des réflexions inattendues qui ressemblent à celles que l'on peut avoir soi-même devant un événement, une personne, un regard, un geste particulier, un bout de paysage, etc., des réflexions qui sont en continuité avec le cours des choses telles qu'elles apparaissent sous la plume de l'auteur. C'est assez fascinant. Un film a, paraît-il été tourné sur la base de ce roman. Je me demande si les remarques que je viens de faire pour singulariser le style de l'auteur resteraient pertinentes en regardant le film. J'en doute.
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J'ai aussitôt commencé un livre qui m'avait depuis longtemps été recommandé par Claude, Les soldats de Salamine, de Javier Cercas. Ce roman m'a fait passer les trois heures d'avion pour revenir à Lisbonne sans que je les sente passer.
Page 114 : "... le regard du soldat n'exprime ni compassion ni haine, pas même de mépris, mais une espèce de joie secrète et insondable. Il y a en lui quelque chose qui confine à la cruauté et résiste à la raison mais qui n'est pas pour autant l'instinct, quelque chose qui vit là avec la même persévérance aveugle que le sang qui s'obstine dans ses veines ou que la terre dans son immuable orbite ou tous les êtres dans leur opiniâtre condition d'êtres, quelque chose qui échappe aux mots de la même manière que l'eau du ruisseau esquive la pierre, car les mots ne sont que pour se dire eux-mêmes, pour dire le dicible, c'est-à-dire tout, hormis ce qui nous gouverne ou nous fait vivre ou nous touche ou ce que nous sommes ou ce qu'est ce soldat anonyme et vaincu qui regarde à présent cet homme dont le corps se confond presque avec la terre et l'eau brune du fossé, et qui crie en l'air avec force sans le quitter des yeux :
— Par ici, il n'y a personne !"
Je cite ce passage que j'avais noté en repliant le coin supérieur gauche de la page 114, et que je retrouve, littéralement, page 235, à l'avant-dernière page du livre. Comme quoi c'est bien de cela qu'il est question dans ce roman, des "mots qui ne sont là que pour se dire eux-mêmes", toujours.
Page 114 : "... le regard du soldat n'exprime ni compassion ni haine, pas même de mépris, mais une espèce de joie secrète et insondable. Il y a en lui quelque chose qui confine à la cruauté et résiste à la raison mais qui n'est pas pour autant l'instinct, quelque chose qui vit là avec la même persévérance aveugle que le sang qui s'obstine dans ses veines ou que la terre dans son immuable orbite ou tous les êtres dans leur opiniâtre condition d'êtres, quelque chose qui échappe aux mots de la même manière que l'eau du ruisseau esquive la pierre, car les mots ne sont que pour se dire eux-mêmes, pour dire le dicible, c'est-à-dire tout, hormis ce qui nous gouverne ou nous fait vivre ou nous touche ou ce que nous sommes ou ce qu'est ce soldat anonyme et vaincu qui regarde à présent cet homme dont le corps se confond presque avec la terre et l'eau brune du fossé, et qui crie en l'air avec force sans le quitter des yeux :
— Par ici, il n'y a personne !"
Je cite ce passage que j'avais noté en repliant le coin supérieur gauche de la page 114, et que je retrouve, littéralement, page 235, à l'avant-dernière page du livre. Comme quoi c'est bien de cela qu'il est question dans ce roman, des "mots qui ne sont là que pour se dire eux-mêmes", toujours.
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