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dimanche 17 décembre 2017

La monnaie

J'ai lu hier le petit livre d'Alfred Sohn-Rethel, traduit par Françoise Willmann et qu'elle m'a fait envoyer par l'éditeur (Editions La Tempête, 2017). Cela m'a replongé dans mes lectures d'étudiant : Marx en particulier. Le livre n'est pas facile mais il explique assez bien l'hypothèse centrale de l'auteur : les catégories kantiennes de l'entendement, atemporelles et universelles, ne viennent pas d'une sorte d'apriori transcendantal associé à l'Esprit, mais tout simplement de cette abstraction réelle qu'est la monnaie telle qu'elle s'invente en Lydie aux alentours de 680 avant JC. J'écris ici sous le contrôle de Françoise, évidemment. La deuxième partie, plus spécifiquement consacrée à l'histoire, m'a un peu déçu. C'était déjà le cas dans son livre Intellectual and manual labour. Son recours à l'histoire de l'Egypte ancienne me semblait un peu rapide tout comme dans cet ouvrage-ci. Je cite un passage dont les idées avaient déjà été formulées par lui dans Intellectual and manuel labour et que j'avais reprises dans ma thèse d'Etat. Voici ce passage qui se trouve page 102 :

"L'action seule est, nous l'avons déjà noté, ce qu'il y  a de social dans l'échange, alors que la conscience des agents est privée et aveugle face au caractère de la synthèse sociale de leur action. La conscience est pleine de ce dont l'action fait abstraction et ce n'est qu'en vertu d'une abstraction des actes de l'échange de toute empirie, une abstraction ne tolérant aucune exception, que se constitue la connexion d'une société privée de conscience, en tant que connexion de la seconde nature. Le travail n'entre dans cette connexion qu'en tant qu'il a été traduit dans le caractère formel de la seconde nature en tant que travail humain abstrait ; et il n'est "humain" que parceque la seconde nature est d'origine humaine, dégagée de la nature, opposée à celle-ci, et fondement de l'auto-aliénation des hommes car entièrement dans les formes de l'appropriation privée des produits de travail coupée du travail qui les a créés."

Où l'on voit Alfred Sohn-Rethel rejoindre David Abram, de façon assez déconcertante, il est vrai. Il y a beaucoup de passages comme celui-là, assez lumineux, n'est-ce pas ?

J'ai eu la chance de rencontrer Alfred Sohn-Rethel une fois, en Sicile, lors d'un Colloque où je me trouvais avec Jean-Marc Lévy-Leblond. C'était pendant les années de plomb en Italie et les participants à ce Colloque semblaient comploter allégrement dans tous les coins. Alfred Sohn-Rethel a fait une intervention que j'ai trouvé très émouvante tant elle témoignait d'un enthousiasme quasi-juvénile pour la transformation du monde, à travers la révolution à venir. Aujourd'hui, cette transformation du monde me semble assez prétentieuse et pas vraiment souhaitable. Je pense qu'il vaut mieux s'attaquer à la transformation de soi. Ce qui est sans doute encore plus difficile que la transformation du monde.

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