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samedi 30 décembre 2017

Márai

Gris de couverture
Couvercle sans ouverture
D'un ciel refermé



Sándor Márai est l'auteur du roman que m'a offert Célia à Noël : La nuit du bûcher (Albin Michel, 2015, traduit du hongrois par Catherine Fay). C'est un livre sur l'inquisition et les techniques utilisées notamment par les Dominicains pour faire parler les suspects, inciter les familles à la délation, repérer au plus tôt les signes de l'hérésie, etc. Le livre est bien écrit et les romans de cet auteur —dix sept d'entre eux ont été traduits en français— ont connu un énorme succès dès leur publication, magré la méfiance des autorités. Né en 1900, il s'est exilé aux Etats Unis en 1957, où il s'est suicidé en 1989 après la dispariton de son épouse et de son fils. Il ne fait aucun doute que l'expérience de l'occupation soviétique de la Hongrie a dû l'aider à concevoir cette période sombre de l'histoire de l'Eglise à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle : suspicions, délations, procès, tortures, condamnation au bûcher, etc. Il sera évidemment question de Giordano Bruno et de sa mort au Campo dei Fiori à Rome. Márai nous offre une écriture très précise et facile à lire. J'apprécie.

Je viens de terminer ce récit qui est celui d'un jeune inquisiteur espagnol d'Avila qui va à Rome pour se perfectionner dans le métier qu'il a choisi : comment faire en sorte que les hérétiques, même au moment où ils sont conduits au bûcher, avouent leurs fautes et se repentent sincèrement des écarts de leur foi. Ce qui surprend, c'est la manière dont, brusquement, cet inquisiteur change d'avis après avoir contemplé le visage de Bruno, imperturbable et plutôt méprisant par rapport à tout ce qu'on lui a fait subir, s'estompant lentement dans la fumée du bûcher. Après une longue discussion avec le cardinal Bellarmin, il abandonne l'Inquisition et s'enfuit à Genève, le pays de la liberté, de l'argent et des livres.

On trouve dans ce livre les recettes de l'Inquisition. Voici l'une des recommandations faites aux jeunes inquisiteurs : "Et par dessus tout, il faut veiller à ce que l'accusé ne sache jamais ce dont on l'accuse. On doit talonner le suspect sans relâche pour qu'il découvre lui-même son péché, pour qu'il formule, lui, l'accusé, son propre chef d'accusation." (p. 213) Nul doute que l'auteur pensait aussi aux procès de l'époque stalinienne en Union soviétique.

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