Tapi dans la sombre verdure luxembourgeoise, sous un ciel au ventre débordant de bourrelets gris, le dos en toits d'ardoise de Beringen ne bouge pas. On aperçoit, à certains endroits, qu'il y a là aussi du ventre par dessous, un ventre blanc, immobile, qui se découvre entre les feuillages épais du mois de mai. L'église lui fait une corne au milieu du dos. Je m'attends à ce que le monstre bouge, avale un arbre ou deux, voire une colline entière, avant de s'en aller.
Mon hernie inguinale —le diagnostic me vient d'Isabel— m'empêchera sans doute de fuir le monstre s'il s'avisait de remarquer ma présence à l'internat du lycée Ermesinde. Une journée bien remplie m'attend.
Dans le couloir où d'habitude je suis seul, j'entends les pas des élèves qui, aujourd'hui, vont affronter un autre monstre, le baccalauréat, dont ils auront à subir les premières épreuves ce matin même. Je pense à Isidore Ducasse, venu en France, au lycée de Tarbes, pour préparer Polytechnique. Je cite encore une fois Bachelard : "Peut-être devons-nous indiquer aussi une note à peine sensible dans la page, mais qu'il faut toujours réveiller quand on évoque une culture mathématique. C'est précisément la violence, une violence froide et rationnelle. Il n'y a pas d'éducation mathématique sans une certaine méchanceté de la Raison. Est-il ironie plus fixe, plus rapide, plus glaçante que l'ironie du professeur de mathématiques ? Tapi au coin de la classe, comme l'araignée dans son encoignure, il attend. Qui n'a connu l'affreux silence, les heures mortes, l'exquise lenteur des supplices où le meilleur élève perd soudain, avec la confiance, le dynamisme de la pensée enchaînée ?" (p.92)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire