Ma sœur Françoise vient de me téléphoner. Elle m’annonce la mort de Francis qui, avant d’être le mari de ma sœur, a été l’un de mes grands amis quand j’avais 18/20 ans. Nous avons fait les 400 coups ensemble. Nous avons eu plein de discussions passionnantes. Francis était très intelligent mais aussi très égocentrique. Je n’oublie pas que c’est grâce à lui, indirectement, que j’ai eu mon poste de teaching and research fellow à l’université de York en Angleterre, en 1969. Je crois que c’était quelqu’un qui avait des gestes magnifiques de générosité spontanée. Il aimait les belles choses. Il était courageux et ne manquait pas d’audace dans ses entreprises. Il aimait prendre des risques dans la vie. Il adorait son frère aîné, Michel, qui, après Normale Sup à Ulm, a écrit plusieurs livres remarquables de philosophie heideggerienne. En même temps, il voulait lui aussi devenir « Quelqu’Un », en empruntant des voies très différentes. Il a réussi. Il a été si proche de notre famille qu’il s’est mis à la détester. Ce qui ne l’empêchait pas de rester généreux. Il avait un besoin essentiel de reconnaissance. Ce besoin, qui caractérise aussi les intellectuels, ressemble un peu à cette avidité sans fin des gens très riches qui en veulent toujours plus. Ce besoin de reconnaissance doit venir de loin et ne peut jamais être satisfait complètement. J’en ressens l’aiguillon comme beaucoup de mes collègues, mais, curieusement, ce n’est certainement pas ma préoccupation principale dans la vie.
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