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lundi 1 juillet 2013

1er juillet***Le lieu du douloureux

Comme le disait hier ma fille Célia, je terminerai mon traitement le jour même où son fils Joaquim aura cinq ans. J'en profite pour lui souhaiter un bon anniversaire. Je téléphonerai un peu plus tard.

Ma nuit a été pénible. Avec beaucoup de réflexions sur la douleur. Sur le fait qu'on ne s'y habitue pas. Elle est tout aussi vive après une heure qu'après cinq minutes. On ne peut pas installer la douleur, lui aménager un coin de soi-même où elle serait plus tranquille, moins arrogante dans son souci de se faire reconnaître par le corps, même si cela passe par le mental. Elle ne cesse de revendiquer l'attention du mental même si on ne peut la concevoir que comme quelque chose d'étranger à nous-même, quelque chose qui nous affecte de l'extérieur (même à l'intérieur), et donc, quelque chose qui n'est pas nous. Ce qui est "nous" ne se ressent pas. On voudrait alors que cet élément étranger, la douleur, s'en aille, qu'il nous quitte, qu'il retourne dans cet ailleurs qui n'est pas nous et qui n'est, en réalité, nulle part. Un "ailleurs" qui n'est "nulle part", cela signifie "ici", là, très précisément, très concrètement, où ça fait mal, de manière constante. C'est un "ici" plus fort que cette localisation à laquelle on est habitué avec les objets de notre environnement quotidien. C'est un "ici" sans "ailleurs" justement.
Je me souviens d'une réaction que j'ai souvent eue quand l'un de mes enfants venait me dire qu'il avait mal : "—Où as-tu mal ? demandais-je. —Ici, disait Fabien ou Célia, montrant un endroit précis de leur corps. —Ici ? disais-je, en montrant délibérément un endroit voisin de celui qui avait été indiqué. —Non ! Ici ! répondaient-ils, manifestement énervés par mon incompréhension." Le jeu pouvait continuer ainsi pendant un petit moment. Je visais sans doute à délocaliser la douleur, à la chasser magiquement du lieu physique qu'elle avait investi. Mais c'est sans doute impossible. En tout cas, on ne peut pas faire ça soi-même, avec sa propre douleur, sans doute. 

3 commentaires:

  1. Cher papa, ouiii, ton truc marchait bien! Cela me distrayait bien en tout cas et du coup j'avais moins mal. C'est un peu comme ça que Matrix Energetics fonctionne d'ailleurs.... "What would it be if it were different?" What was it like 5 days, 10 days, 1 month ago... what will be like in a month? etc.. avec une intention très forte et un lacher-prise sur le résultat également fort.
    Gérer sa propre douleur est plus difficile en effet. Mon experience est celle de l'accouchement. La peur de la contraction accentuait la douleur. Quand je gérais ma peur, et que j'entrais dans la douleur, que j'accueillais la contraction, la douleur s'atténuait. C'était un exercice de présence... et de détachement dans cette présence. C'est intéressant comme sujet car ça me laisse entrevoir des contradictions qui pourtant se complètent.
    "à suivre" comme tu dirais!

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  2. Figure-toi, Célia, que j'y ai pensé au moment même où j'évoquais ce souvenir. J'ai pensé que cela ressemblait à Matrix energetics. Le fait que tu y aies pensé également me dit qu'il doit y avoir un lien. Comme tu dis c'est "à suivre"...

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  3. Cher Baudouin, je te confirme qu'il m'est bel et bien arrivé de supporter mieux la douleur chez le dentiste en pensant à Jacques le fataliste et son maître. Voici quelques éléments de l'anesthésique :

    [Au tout début du livre]
    Jacques.Nous arrivons; la bataille se donne.
    Le maître. Et tu reçois la balle à ton adresse.
    Jacques. Vous l'avez deviné; un coup de feu au genou; et Dieu sait les bonnes et mauvaises aventures amenées par ce coup de feu. Elles se tiennent ni plus ni moins que les chaînons d'une gourmette. Sans ce coup de feu, par exemple, je crois que je n'aurais été amoureux de ma vie, ni boiteux.
    [...]
    Jacques. Ah! monsieur, je ne crois pas qu'il y ait de blessures plus cruelles que celle du genou.
    Le maître. Allons donc, Jacques, tu te moques.
    Jacques. Non, pardieu, monsieur, je ne me moque pas! Il y a là je ne sais combien d'os, de tendons, et d'autres choses qu'ils appellent je ne sais comment.
    [...]

    [Et à la fin du livre]
    Denise posa sa flanelle au-dessus du genou, et se mit à frotter là assez fermement, d’abord avec un doigt, avec deux, avec trois, avec quatre, avec toute la main. La passion de Jacques, qui n’avait cessé de la regarder, s’accrut à un tel point, que, n’y pouvant plus résister, il se précipita sur la main de Denise... et la baisa.
    Mais ce qui ne laisse aucun doute sur le plagiat, c'est ce qui suit. Le plagiaire ajoute : « Si vous n’êtes pas satisfait de ce que je vous révèle des amours de Jacques, lecteur, faites mieux, j’y consens. De quelque manière que vous vous y preniez, je suis sûr que vous finirez comme moi. — Tu te trompes, insigne calomniateur, je ne finirai point comme toi. Denise fut sage. — Et qui est-ce qui vous dit le contraire ? Jacques se précipita sur sa main, et la baisa, sa main. C’est vous qui avez l’esprit corrompu, et qui entendez ce qu’on ne vous dit pas. »

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