Je lis aujourd'hui matin dans Le Monde un article intitulé "Frénésie patriotique en Russie" d'Isabelle Mandraud. Après avoir lu Alexievitch, on ne peut guère s'étonner. Dans l'un des témoignages une étrange équation apparaît : plus on souffre dans son corps, plus on donne d'espace à l'âme, jusqu'à ce que la suppression complète du corps dans la mort donne à l'âme tout l'espace. Il n'y a plus que de l'âme. L'âme slave. Mais il y a ici une sorte d'exacerbation du dualisme.
En réfléchissant à ce livre et aux témoignages qu'il évoque, je me demandais si le phénomène de radicalisation qui pousse de jeunes Tchétchènes à se faire exploser dans le métro de Moscou entre deux stations, n'est pas l'un des symptômes de ce dualisme outrancier. Il n'y a que dans sa tête qu'on peut à ce point nier l'exigence de vie d'un corps. Ce dernier n'a plus rien à dire. Il est devenu l'instrument d'un acte hypertrophié par sa dimension mentale ou psychique. Beaucoup de jeunes radicalisés, en France comme ailleurs, viennent de milieux plutôt favorisés, et cultivés. Ils ont souvent fait des études. Ils font en sorte, à travers la religion, que l'âme prenne toute la place sans se rendre compte que, ce faisant, il n'y a plus de place pour rien. Il n'y a plus de place pour leur corps, ou même pour le monde alentour, solidaire de leur matérialité physique.
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