Ils étaient 200. Répartis deux par deux, assis face à face, avec l'échiquier tout préparé devant eux. Il y avait tout d'abord les maîtres internationaux, au fond de la salle, avec de grands fauteuils de bureau, du meilleur confort. Ils disposaient d'échiquiers et de pièces en bois, une matière plus noble que le plastique dont les joueurs de moindre niveau disposaient de l'autre côté du hall de gymnastique où se déroulaient les épreuves. Entre ces deux groupes, les "challengers", de bons joueurs dont la cote ELO se situe au-delà de 2000 points, les grands maîtres internationaux étant au-delà de 2500 points. Le public, peu nombreux, dont je faisais partie, circule dans des couloirs qui lui permet de contempler les parties de maîtres et quelques unes des parties moins prestigieuses qui, néanmoins, sont toujours intéressantes. J'y suis resté pendant presque deux heures. Aucun échange ne peut exister entre les joueurs, ni entre ceux-ci et le public. Richard qui faisait partie des joueurs, est venu me chuchoter quelques mots à un moment donné, mais il s'est vite fait rabrouer de manière polie mais ferme par l'un des organisateurs. Les joueurs se lèvent très souvent. Ils circulent en silence parmi les autres, jetant des regards distraits sur d'autres parties. Ils sont parfois elles et : jeunes, vieux, maigres ou bedonnants, très jeunes parfois, de beaucoup de couleurs de peau différentes, rarement en cravate, pratiquement tous chaussés de "baskets", de beaucoup de nationalités différentes, très mélangés mais ce qui frappe, ce sont les regards, des regards qui n'expriment rien, absolument rien, des regards qui n'expriment même pas l'activité qui consiste à penser. Certains prennent la pose de temps en temps. On y voit l'inspiration d'un Rodin. Mais généralement non : ils n'expriment aucun tourment intérieur, aucune angoisse, aucune inquiétude, rien.
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