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jeudi 31 mars 2022

Métaverse

 La nuit dernière, j'ai eu une insomnie qui m'a paru durer plus longtemps qu'elle n'a réellement duré sans doute. Je me suis de nouveau accroché à cette rencontre entre la courbe et la tangente. Il s'agit d'un point. Euclide définit le point comme ce dont "la partie est nulle", comme ce qui n'a pas de parties. Mais alors le point où se rencontrent la courbe et la tangente ne peut être un point qu'à la condition d'abolir ce qui, en lui, est courbe, ainsi que ce qui, en lui, est tangente. Je peux concevoir ça. Je ne peux m'empêcher de faire revenir ce souvenir d'un séminaire que j'ai animé devant un groupe de mathématiciens de l'Université de Bordeaux. Après le séminaire, un des membres de mon public s'est approché pour en savoir un peu plus sur mon compte, je suppose. Après quelques échanges d'une grande banalité, je lui ai demandé sur quoi il travaillait et il m'a répondu que cela faisait plusieurs années qu'il travaillait sur sa thèse. "Et quel est le sujet de votre thèse ?" demandai-je. "Je travaille sur le point", me répondit-il. J'ai le sentiment aujourd'hui, surtout après mes rêveries d'insomniaque, que c'est un sujet beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. N'oublions pas qu'Euclide a utilisé le terme de sémeion, dans sa définition du point. Sémeion, c'est aussi le signe, "ce dont la partie est nulle" bien que, depuis très longtemps, nous lui reconnaissons une double composante : signifiant et signifié. Se pourrait-il que, comme pour la rencontre de la courbe et de la tangente, où s'annule ce qui relève de l'une et de l'autre pour accéder au statut de point, une sorte d'annulation analogue est ce qui caractériserait la rencontre signifiant/signifié pour faire exister le signe. Celui-ci ne serait véritablement signe qu'en nous détachant du monde pour nous faire entrer, depuis toujours, dans ce fameux métaverse, dont on nous rebat les oreilles mais qui n'aurait pas grand chose de nouveau, en vérité. 

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