Hier soir, je reçois un coup de téléphone de mon ami Fred à Amsterdam qui me raconte une petite histoire abracadabrante. Quand il était venu à Strasbourg, en 1976, nous avions découvert dans un livre ancien (XVIIe siècle) une recette pour attraper les corbeaux. Cette recette consiste à fabriquer des cornets de papier au fond desquels on prépare un appât (par exemple, une petite boule de viande hachée) et sur les parois desquels on étale de la glu. Le corbeau, attiré par l'appât plonge son bec au fond du cornet qui lui reste collé sur les yeux. D'après le texte original, ainsi aveuglé, le corbeau s'envole et monte tout droit dans le ciel jusqu'à ce que, épuisé, il tombe à vos pieds. A l'époque, nous avons voulu vérifier le bien-fondé de cette histoire et nous avions tenté l'expérience dans la campagne aux alentours de Strasbourg où il y a beaucoup de corbeaux. Nous n'avions pas réussi à attraper le moindre corbeau, heureusement pour les victimes potentielles !
Mais Fred a un ami qui travaille chez lui actuellement et qui l'a informé d'une méthode analogue pour attraper les perdrix. On remplace le cornet par une bouteille à l'intérieur de laquelle on a mis quelques graines de maïs ou de blé. La perdrix plonge sa tête dans la bouteille. Mal lui en prend car, elle ne peut plus la retirer et meurt étouffée à cause de sa gourmandise ! L'ami de Fred l'a assuré de l'efficacité de cette méthode très semblable à celle que nous avions testée dans les plaines alsaciennes. Nous avons éclaté de rire tous les deux en apprenant cette histoire qui pourrait bien passer pour une histoire... de saltimbanques !
Voilà plus de trois heures que je suis à l'aéroport de Luxembourg, en attente de l'avion qui doit m'emmener à Lisbonne. Alors j'ai commencé à écrire un truc sur le verbe "Attendre". Mais je ne suis pas entièrement satisfait et je vais sans doute revenir sur ce texte. Voici donc une version provisoire du verbe.
Attendre
Tout ce qu’il y a de tendre
dans ce verbe tend à se dissoudre, non pas petit à petit, au fur et à mesure
que l’attente se prolonge, mais tout de suite, dès le premier instant où, même
après être arrivé bien en avance, on se met à attendre. Voilà : il n’y a
plus que cela à faire, attendre, et le temps se met à battre dans des rythmes
contradictoires. L’extrême lenteur de son passage cohabite avec les picotements
d’une impatience irrépressible, faisant de cette expérience singulière, une
anticipation du moment de mourir. On cherche à remplir l’attente d’une
réflexion sur l’attente qui ne fait que creuser ce remplissage du vide avec du
vide. On s'abîme dans l'abîme. Tout instant supplémentaire dilate indéfiniment l'instant d'avant, sans espoir d'après. La sensation qu'il n'y a pas d'après. L'après a disparu et c'est cela qui ressemble à la mort.
El camino se hace caminando, alors il n'y a pas d'attente. Il y a la vie avec ses rythmes différents et les frustrations qu'elle nous impose parfois - parfois trop souvent.
RépondreSupprimerDepuis ta maladie je te sens plus impatient, toi qui est si philosophe - comme le dit notre fille quand elle veux te faire revenir à la/sa raison... comme si être philosophe était incompatible avec l'urgence, la hâte l'envie d'aller plus vite que la musique.
Être la. C'est déjà ça. A chaque instant. Après ce sera trop long.