* * *
Le ciel de Lisbonne ressemblait à un dôme oriental, entièrement doré, vers 7 heures. Et maintenant, les premiers rayons frappent les surfaces vitrées des maisons sur la colline en face de ma fenêtre, faisant briller la ville de mille pépites. Encore une belle journée, comme celle d'hier, quand nous sommes allés sur la plage de Guincho, voir le soleil se coucher à l'horizon, une boule de feu tombée dans la mer dont les barres d'écume ressemblaient à des sourires éthérés. Nous avons marché assez longtemps sur la plage, tout au bord des gestes retenus de l'eau.
On respire encore une fois.
C’est un effort. Le temps passe. Les instants se comptent jusqu’à
l’avant-dernier, le dernier peut-être ? Non. Quelle difficulté : mes
côtes ont le poids de l’univers tout entier. Il n’y a plus d’air nulle part.
J’attends. L’air revient, entre à nouveau dans mes poumons si lourds, si
encombrants. Ils prennent toute la place de la chair. Le corps est au bout de
lui-même déjà prisonnier de cette fabuleuse inertie qui m’envahit, petit à
petit, comme en douce. Pas encore, cependant : la vie s’accroche, sans le
moindre mouvement si ce n’est celui de l’air, pénétrant de plus en plus
difficilement, de plus en plus lentement, sporadiquement, sourdement,
compulsivement. Le dernier instant est-il passé ? Non. Un souffle
s’ébauche. Il n’est plus que la moitié de lui-même : court, le plus court
possible, comme pour laisser la place au suivant qui, de nouveau, se fait
attendre, indéfiniment, car il est déjà dans le passé. Dans un lointain qui abolit
tous les lointains.
* * *
Je rajoute un verbe en liaison avec le souvenir de cette mort.
Mourir
Le plus intransitif de tous
les verbes de la langue : mourir. Sans même pouvoir dire : « Je
meurs. »
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RépondreSupprimerTriste souvenir. L'année dernière un homme plutôt âgé, médecin à la retraite, souffrant d'une tumeur au cerveau, est venu pour une séance avec moi. Son corps était comme figé par la terreur. Je l'ai invité à s'allonger, l'ai touché, le rappellant à lui-même : l'homme et non plus "le malade". Des mots sont sortis de ma bouche. D'où venaient-ils? Aucune idée, mais ils étaient sages, inspirés, appaisants. L'homme figé a fondu. Son corps s'est détendu, il a retrouvé son souffle et lorsque je lui ai demandé comment il allait à la fin de notre séance, il a fondu en larmes . " Je ne savais pas qu'un tel toucher pouvait exister" me dit-il, bouleversé. Il m'a demandé s'il pouvait revenir. Je lui ai répondu que je comptais bien le revoir. 2 jours après il était mort.
RépondreSupprimerJe suis heureux de t'avoir inspiré ce récit très émouvant. Merci beaucoup. C'est un beau cadeau pour ce blog qui va un peu dans tous les sens. Je ne sais pas très bien pourquoi je continue à l'écrire. Peut-être pour m'obliger à écrire, tout simplement.
RépondreSupprimerNe prends-tu pas plaisir à écrire?
RépondreSupprimerJ'ai en tout cas plaisir à te lire. Comme nous ne nous voyons pas souvent, c'est important pour moi.
"Il n'y a pas d'absence s'il persiste au-moins le souvenir de l'absence". Anne Michaels. Fugitives pièces
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