C'est une des plus chères amies de Charlotte. Avant-hier, son père, furieux de ne pas savoir où elle était, lui a confisqué son téléphone et l'a mise à la porte de chez lui/elle. Auparavant, ses parents utilisaient un logiciel de traçage qui leur permettait d'être informés de tous ses mouvements. Ils se sont aperçus que A. déjouait cet espionnage en laissant son téléphone dans des endroits dits "permis". Chez nous par exemple. Exclue de chez elle, A. a trouvé refuge chez son amie Charlotte. Son père est venu jusqu'à la porte de notre immeuble. A. est descendue. Devant les menaces de violence, Isabel, au balcon, crie "Stop !". Deux fois. Le père se calme mais réitère son refus de la voir rentrer à la maison. Hier soir, la mère, qui, en fait, est la belle-mère —son père ne vivant plus avec la mère biologique d'A.— vient nous voir. Elle discute avec Isabel. Elle dit que, chez eux, la régle veut que les enfants n'aient pas le droit de faire l'amour avant 18 ans. Drôle de régle. Impossible à faire respecter sauf en utilisant des ceintures de chasteté, en enfermant les jeunes filles au couvent ou en les chaperonnant en permanence. Malheureusement pour les parents, les logiciels sont des chaperons plutôt ridicules quand il s'agit d'espionner une seule personne. Certes, statistiquement, ils se débrouillent très bien pour explorer l'intériorité subjective des gens et l'exploiter à travers des sollicitations publicitaires bien ciblées. Mais A. ne se réduit pas au profil 'instagram" ou "facebook" de son smartphone. C'est une jeune femme de 17 ans, faite de chair et de sang. Elle est encore chez nous pour l'instant. Elle a pu avoir une très longue discussion avec son père, hier soir. Les choses vont sans doute s'arranger. L'obéissance des enfants à leurs parents, leur fait croire que c'est toujours eux qui décident, ce qui est une manière de dénier aux enfants toute autonomie jusqu'au jour où le jeune homme ou la jeune fille, vers 15/16 ans (parfois plus tôt, parfois plus tard) prend lui-même les décisions qui le ou la concernent. L'enfant prend le risque d'exister pour lui-même. Coup dur pour les parents. Certains d'entre eux, en tout cas. Ceux qui se croient propriétaires de leur progéniture, corps et âme compris.
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