Voilà un mois que ce blog s'écrit. Dedalus. Et en préparant le jus d'orange de Charlotte, je me demandais, faute de rêves suffisamment clairs à raconter, ce que j'allais écrire. Et puis... alors que j'étais plus ou moins agi par ces automatismes quotidiens qui marquent les habitudes de début de journée (mêmes mouvements de jambes et de bras pour sortir le corps du lit, choisir une paire de chaussettes et un slip 'Intimissimi" dans le tiroir, entendre le chat se précipiter pour recevoir sa dose de croquettes "Royal Canin", traverser le couloir vers la salle de bains où un long jet d'urine parfumée aux asperges vertes de la veille me retiendra devant la cuvette des WC, faisant mentir le surnom "pisse-trois-gouttes" que mon frère aîné de 10 ans m'avait donné quand j'avais 7 ans, rester attentif à l'impatience du chat, se diriger lentement vers la cuisine où il faudra mettre l'eau du thé à bouillir —tiens ? il faudra bientôt en racheter ! sera-ce encore du Oolong ?—, donner sa dose au chat, sortir le yogourt de soja du frigidaire, l'huile de lin, une fourchette, une cuiller, un couteau (le couteau acheté au Japon il y a quelques années) une assiette creuse, préparer ce "petit-déjeuner Kousmine" qui n'a plus grand chose de kousminique à part l'huile de lin et les graines (noix du Brésil, baies de goji, graines de tournesol, graines de lin, poudre d'açaï, graines de courge) que je vais moudre dans un moulin à café, voilà ! c'est presque prêt, encore une demi banane écrasée et le jus d'un demi-citron, et c'est prêt —l'eau du thé est arrivée à 75° C, il est temps de la verser dans la théière— quelle heure est-il ? 7h ! il faut réveiller Charlotte... c'est fait, elle prendra une tartine grillée avec du beurre et du miel, et un jus d'orange auquel j'aurai mélangé le jus de la deuxième moitié du citron coupé antérieurement, je me verse un mug de thé —c'est le mug acheté il y a des années dans la boutique de la Tate Gallery à Londres !— j'ai oublié d'allumer la radio, tant pis pour Patrick Cohen, la sirène d'une voiture de police se fait entendre, les rumeurs du trafic augmentent, les avions encombrent le ciel de Lisbonne —ils volent parfois si bas qu'on a envie de freiner en voiture pour ne pas...), et puis, donc... je me suis dit qu'il serait intéressant de réfléchir à cette idée très répandue selon laquelle la vie aurait un sens. Cette proposition apparaît parfois sous la forme d'une injonction : il faut donner un sens à sa vie, comme si, sans sens (?), la vie ne serait plus vraiment la vie ??? Comme si, sans sens, la vie devenait absurde. Ce qui me gêne dans cet impératif de sens, c'est le fait de devoir ajouter quelque chose à la vie pour qu'elle devienne digne d'être vécue. Comme si la vie ne se suffisait pas, en elle-même, pour nous combler. En fait, ce n'est pas de sens que la vie a besoin pour valoir la peine, c'est d'attention. Et je ne crois pas du tout que l'attention puisse être assimilée au sens.
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Ce soir, relâche pour la radio et pour la chimio. Ouf ! La première des cinq semaines de traitement sera passée. J'aimerais savoir où en sont mes cellules folles. Je continue imperturbablement à me préparer des jus de carottes + betteraves + fruits, deux fois par jour, même si les médecins n'ont pas l'air d'y attacher la moindre importance. Les patients ont toutes sortes de lubies, doivent-ils se dire. Laissons-les faire ! Inutile de les contrarier. Ma fille Célia arrive demain avec l'un de mes petit-fils qui a le même âge que Charlotte. Profitons de ce week end qui s'annonce ensoleillé et chaud.
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