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jeudi 23 mai 2013

Ce que l'incertitude fait au savoir

Je le tenais pourtant, je le tenais par les plumes de la queue, ce rêve qui, finalement, a filé comme un lézard, dans les anfractuosités des rochers de l'oubli, sans même me laisser le bout de son appendice codal. Je suis passé des oiseaux aux lézards, en une seule phrase. Magie du verbe.
Il faut dire que ma nuit n'a pas été aussi sereine que les précédentes : réveils fréquents, gorge engorgée de mucus, corps tendu, difficile à bouger.

Hier je me suis souvent posé la question de ce commentaire un peu décalé que j'ai publié sur le suicidé de Notre Dame. Qu'est-ce qui m'a pris de suggérer une sorte de recueillement, on the spot, au nom de cette vision de la mort. Je crois que c'est bien de mon rapport à la mort qu'il était question dans ma réaction, à une mort qui n'a plus rien d'invraisemblable depuis quelque temps. Non pas que les gens en bonne santé oublient leur propre savoir de la mort. On sait tous qu'on va mourir. Mais c'est un savoir sans lien avec le vivant. C'est un savoir très abstrait, très théorique qui, justement, n'intègre pas les incertitudes qui feraient de lui un savoir incarné, roulé dans la chair du cancéreux. Le savoir de la mort des personnes en bonne santé, est un savoir trop certain pour garder quelque vraisemblance. C'est quand ce savoir défaille à travers des supputations ancrées dans la chair, qu'il devient consistant et lourd de questions essentielles, lourd d'ouvertures très concrètes sur le temps, sur l'instant.

* * *

Aujourd'hui, Charlotte est allée pour la première fois toute seule à l'école. Elle est partie prendre le bus à 150 mètres de la maison. Elle entre dans l'adolescence très vite, elle se précipite dans l'adolescence avec tout ce qui accompagne ce mouvement vers une autonomie revendiquée avec passion mais qui n'est pas sans ambiguïtés : au moment de partir, sur le seuil de la porte, elle me dit : " Tu viens me chercher à 4 heures ? " 

2 commentaires:

  1. Très cher Baudouin, je suis très touchée que tu continues à écrire sur ce blog alors que tu as commencé ton traitement. je pensais que tu arrêterais par fatigue ou par manque d'ordinateur. Mais c'est vrai que tu ne dors pas à l'hôpital. C'est un tel cadeau de pouvoir te lire chaque jour.
    Oui comme tu l'écris, c'est une chose de croire que l'on accepte sa propre mort, d'être serein devant cette idée, c'en est une autre quand la perspective de la vivre (si j'ose dire) se présente dans notre corps. tout en nous la refuse. Tout ce qui est de l'ordre de la chair, de la matérialité. Seul l'esprit peut rester serein car il sait lui qu'il est éternel. Sans doute ne crois-tu pas à l'esprit, pourtant cette qualité est éminamment présente et toi et tu en montres beaucoup dans ton blog. Je ne parle pas que de l'humour quoiqu'il en fasse partie.

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  2. Merci Irène pour ce commentaire qui m'invite à préciser. Je ne crois pas que la question de l'esprit puisse relever d'une croyance ou d'une non-croyance. Je pense qu'il s'agit d'autre chose. Que nous soyons liés à chaque instant et par toutes les fibres de notre être, par tous les pores de notre peau, et par toutes les cellules de notre corps à l'univers entier, cette idée me semble tout-à-fait acceptable. Est-ce cela que l'on peut appeler l'esprit ? L'esprit comme lien. Dont on ne peut connaître tout ce à quoi il nous rattache mais dont la présence ne fait aucun doute, comme l'atteste, par exemple, le réseau associé à ce blog.

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