Voilà. L'année s'achève à Lisbonne avec un soleil radieux. Il fait froid, certes, et même très froid mais la lumière est si belle qu'on oublie vite les désagréments de l'hiver. Nous recevons une quinzaine d'amis ce soir pour le réveillon. En lisant l'actualité, on ne peut qu'être effaré par les nouvelles du monde : la résolution de paix demandée par la Palestine refusée par le Conseil de sécurité, l'augmentation constante des inégalités, les femmes Yésidies violées par les hommes de Daesh, Alexei Navalny arrêté par Poutine, etc., etc. Bref, une actualité bavarde et sinistre.
Je continue ma série de verbes. Voici l'un des derniers que j'ai écrits.
Taire
Taire c’est ne pas dire
cela précisément qui devrait ou pourrait être dit, c’est s’imposer un silence bien
particulier, un silence qui demande une sorte d’effort car les mots sont prêts,
ils sont déjà là, au bord de l’aire de Broca. Pas encore au bord des lèvres.
Non ! Ils s’agitent dans une obscurité émotionnelle qui n’arrive pas à
accueillir la moindre lueur de pensée. Il n’y a rien à dire mais ce rien est
comme une boule dans la terre du cerveau.
Une boule de terre en soi.
Sous sa forme réfléchie,
« se taire », le verbe pourrait s’écrire autrement : se terrer,
camper dans les prés du silence, jouir de cette solitude provisoire qui doit
nous réapprendre l’obligation de la parole en contemplant des fleurs. Se terrer
dans les plis de la souffrance aussi. Il
tait le nom de ses camarades ou de ses complices. Il s’est tu jusqu’au bout. Il
s’est tu et le silence l’a tué. Il s’est tu pour toujours.
Le silence force le respect, celui que l’on doit à
tout mystère, même si le taiseux choisit à tout instant de ne pas dire ce qu’il
pourrait dire. Il refuse quelque chose, cette présence particulière et pourtant
si banale qui vous fait exister dans les mots dont tout le monde se sert tout
le temps pour dire le rien du silence, justement.