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mercredi 31 décembre 2014

Le dernier jour de 2014

Voilà. L'année s'achève à Lisbonne avec un soleil radieux. Il fait froid, certes, et même très froid mais la lumière est si belle qu'on oublie vite les désagréments de l'hiver. Nous recevons une quinzaine d'amis ce soir pour le réveillon. En lisant l'actualité, on ne peut qu'être effaré par les nouvelles du monde : la résolution de paix demandée par la Palestine refusée par le Conseil de sécurité, l'augmentation constante des inégalités, les femmes Yésidies violées par les hommes de Daesh, Alexei Navalny arrêté par Poutine, etc., etc. Bref, une actualité bavarde et sinistre.

Je continue ma série de verbes. Voici l'un des derniers que j'ai écrits.

Taire

Taire c’est ne pas dire cela précisément qui devrait ou pourrait être dit, c’est s’imposer un silence bien particulier, un silence qui demande une sorte d’effort car les mots sont prêts, ils sont déjà là, au bord de l’aire de Broca. Pas encore au bord des lèvres. Non ! Ils s’agitent dans une obscurité émotionnelle qui n’arrive pas à accueillir la moindre lueur de pensée. Il n’y a rien à dire mais ce rien est comme une boule dans la terre du cerveau. Une boule de terre en soi.

Sous sa forme réfléchie, « se taire », le verbe pourrait s’écrire autrement : se terrer, camper dans les prés du silence, jouir de cette solitude provisoire qui doit nous réapprendre l’obligation de la parole en contemplant des fleurs. Se terrer dans les  plis de la souffrance aussi. Il tait le nom de ses camarades ou de ses complices. Il s’est tu jusqu’au bout. Il s’est tu et le silence l’a tué. Il s’est tu pour toujours. 

Le silence force le respect, celui que l’on doit à tout mystère, même si le taiseux choisit à tout instant de ne pas dire ce qu’il pourrait dire. Il refuse quelque chose, cette présence particulière et pourtant si banale qui vous fait exister dans les mots dont tout le monde se sert tout le temps pour dire le rien du silence, justement. 

mardi 30 décembre 2014

30 décembre : Mauvaise surprise...

...hier à l'aéroport de Roissy : alors que j'avais réservé et payé trois allers/retours Lisbonne-Paris en août dernier, je me vois refusé l'embarquement au moment du check in. Explication : comme je n'avais pas utilisé mon aller, étant déjà à Paris à ce moment-là, je n'avais plus droit à mon retour. Résultat : 471 euros à payer pour pouvoir revenir à Lisbonne dans le même avion qu'Isabel et Charlotte. Mauvaise affaire pour moi. Ce que j'aurais dû faire : demander avant mon départ pour Luxembourg une semaine avant notre séjour en France, une modification de mon contrat qui m'aurait permis (peut-être) d'utiliser mon retour indépendamment de l'aller. Mais là encore, j'aurais eu des pénalités à régler. Bref, méfiez-vous des contrats low cost qui peuvent cacher des pièges qui coûtent très cher.

Ceci dit, au cours du voyage, j'ai commencé le livre de Deepti Kapoor, A Bad Character, livre que Samantha m'a offert avec une dédicace de l'auteur qu'elle connaît très bien. Jusqu'ici, j'ai beaucoup aimé ce que j'ai lu. Elle donne une idée très précise de l'atmosphère de vie à Dehli. L'immersion dans un océan de bruits divers, le jeu des ombres et des lumières oranges le long des routes, la cacophonie des couleurs aux étals le long des rues, les odeurs de cadavres brûlés au bord du Gange quand ils n'étaient pas encore à Dehli, l'intensité des regards de conducteurs de rickshaws dans leur rétroviseur, la crasse de Dehli, immense et insurpassable crasse humaine, dans laquelle scintillent encore des robes aux couleurs vives, des voitures rutilantes et silencieuses glissant parfois le long des rues pour disparaître très vite, dans les ténèbres de la nuit où sont tapis des millions d'hommes, de femmes et d'enfants, prêts à surgir au travers de votre chemin à tout instant.

A la maison Pierre-Yves et Pascal nous attendaient. très en forme, apparemment. Et ce matin, le ciel de Lisbonne est d'un bleu extraordinaire. Il fait assez froid, certes, mais le soleil brille et me chauffe à travers les vitres de la fenêtre. C'est délicieusement bon.

lundi 29 décembre 2014

29 décembre : Jour du retour

"Merde, j'ai oublié mon ordinateur dans l'ascenseur !" Telle était la réflexion que je me faisais pour terminer le rêve que j'ai fait cette nuit et qui me représentait en anthropologue de la communauté des mathématiciens. Je devais conduire un entretien avec deux d'entre eux mais il me fallait mon ordinateur pour enregistrer.

Hier après-midi j'ai lu rapidement le livre de Gunther Anders, Nous, les fils d'Eichmann que je ne connaissais pas. C'est une lettre, une longue lettre que l'auteur adresse à Klaus Eichmann, le fils du grand ordonnateur de la solution finale, au moment de sa mort après son procès et son exécution en Israël. Livre intéressant car il met l'accent sur le décalage grandissant, dans un monde devenu machine universelle et totalitaire, entre le "sentir", notre capacité humaine de sentir, et les effets lointains et souvent monstrueux de nos actions parcellarisées, détachées de leur sens justement, ce qui nous expose à l'ouverture sur un monde dépourvu d'humanité, un monde inhumain. Au contraire de l'insistance d'Abram sur les sens comme ouverture sur un monde "plus qu'humain".  L'ouvrage de Gunther Anders est pessimiste dans la mesure où il nous prédit une répétition de l'effroyable. Car nous ne prenons pas conscience de notre propre surdité, de notre propre aveuglement.
Dans la soirée, avec Isabel et Eric, j'ai regardé le film Hitler, la naissance du mal, de Christian Dugay et Robert Carlyle où l'on retrace la vie d'Hitler et son accession au pouvoir. Une explication de la montée du nazisme un peu trop focalisée sur la personne d'Hitler, comme si c'était de lui, exclusivement, que la grande catastrophe du XXe siècle était issue. Eric me signale un ouvrage intéressant à lire : Histoire d'un Allemand de Sébastien Haffner.

Et ce matin, après une bonne discussion avec Eric, je découvre le petit film de B. sur notre journée de Noël à Fay-les-Etangs. Très fidèle à l'atmosphère que nous avons vécue, une fois de plus. Un joli montage avec ce moment-clé que fut la montée des montgolfières apportées par Irène et Pierre, emportant dans la nuit nos voeux pour 2015. Merci, Balti !

Aujourd'hui, retour vers Lisbonne où Pierre-Yves et Pascal nous attendent dans notre appartement. Je me réjouis de les voir.

dimanche 28 décembre 2014

Mykonos

Nous avons quitté cette belle maison de Fay-les-Etangs pour aller conduire Samantha à l'aéroport de Roissy Charles De Gaulle. Elle devait prendre un avion pour Heathrow et de là pour Dehli, après quoi elle avait 13 heures de voiture pour rejoindre Darhamsala où elle vit.  Notre voyage s'est bien passé et nous sommes arrivés vers 12h30 devant Mykonos, la péniche d'Eric et Christine à Joinville-le-Pont (voir la photo du bateau d'Eric en hiver. Il n'y avait pas de neige quand nous y avons dormi !), près de Paris, où nous allons passer la nuit avant de reprendre l'avion pour Lisbonne. Accueil très chaleureux, comme toujours avec un petit repas à midi composé de sushi et de sashimi.

Rêve étrange cette nuit avec Charlotte qui était en danger. Un enfant menaçait de lui trancher la gorge avec une pelle. Je suis intervenu à temps pour que cela ne se passe pas.  Et puis cette formule qui revenait sans cesse pendant une petite heure d'insomnie : la danse du cerveau ou la danse des neurones en rapport avec ce que j'écrivais hier sur mon blog à propos de l'enfermement de l'humain dans l'humain tel qu'il est programmé par l'écriture alphabétique. Cette idée de l'alphabet comme miroir de la langue et donc miroir de tout ce qui est possible dans le registre de l'humain. Oubli majeur du "plus qu'humain" de David Abram.


samedi 27 décembre 2014

27 décembre : Attaquer le soleil

Avec le vent, dès l'aube. Les arbres d'hiver secoués par des souffles puissants. On les voit se pencher les uns contre les autres comme s'ils avaient des pensées sans feuilles à se dire, des complots à ourdir, des jugements à négocier, ces vieux juges décharnés, maigres et tremblants, et dont on imagine volontiers les voix craquer dans le silence des tribunaux pour annoncer les lourdes peines que l'humanité encourt pour son aveuglement, sa surdité, son anthropocentrisme fanatique. Une épaisse couche de nuages bouche les horizons au nord et au sud du château de Fay.

Nous avons fait hier, une randonnée d'environ trois heures entre les visages blancs des zones calcaires des boucles de la Seine autour des Andelys. Des sentiers détrempés, boueux, glissants, montant et descendant ont égrainé notre petite troupe sur de longues distances. On a failli perdre deux membres du groupe mais on s'est vite retrouvé. Nous étions tous très fatigués. Isabel m'a fait mettre des pilules homéopathiques d'arnica sous la langue, et ce matin, je ne ressens pas les courbatures auxquelles je m'attendais. Nous allons à Paris aujourd'hui, voir l'exposition sur le Marquis de Sade.

Un titre étrange dans Libération aujourd'hui :

«Six personnes vont pouvoir vivre» grâce au don d’organes du jeune homme tué à Nantes

Quelle bonne (et sinistre) nouvelle !

* * *

Cet après-midi, Isabel et moi sommes allés voir l'exposition "Attaquer le soleil" sur le Marquis de Sade à Paris au Musée d'Orsay. Une exposition très étrange. Comme le disait Isabel après coup en parlant du Marquis de Sade qui se cognait contre tout — les lois, la morale, les prescriptions, la société —, je dirais que c'est aussi l'impression que me laisse cette exposition : on se cognait contre les tableaux, les parois habillées de noir, l'esthétique des corps malmenés par l'infini du désir, des passions... J'ai eu un sentiment d'emprisonnement et c'est vrai que le divin marquis a passé 27 ans de sa vie en prison et que c'est en prison qu'il a écrit la plupart de ses oeuvres. Dans un certain sens, j'ai le sentiment que le marquis de Sade se battait contre l'écriture, contre les écritures — les lois, la morale — mais peut-être pas seulement. N'est-il pas un exemple parfaitement clair de cet enfermement de l'humain dans l'humain, tel qu'il a pu être provoqué par l'écriture alphabétique, justement. Mais son apologie des passions sans limites me semble incroyablement cérébrale. On parle du corps, certes, on l'imagine, on le fantasme dans le plaisir comme dans la souffrance : ne s'agit-il pas avant tout de sortir de l'humain, d'un humain narcissisé par l'écriture, miroir de tous les miroirs car la matière dont il est fait est tout simplement la langue telle qu'on l'écrit. Ces réflexions me viennent peu après avoir parcouru les cimaises de l'exposition et m'y être cogné, de tableau en tableau, de dessin en dessin. 

Notre retour à Fay les Etangs a été marqué par plusieurs incidents malheureux. Tout d'abord, la voiture dont nous constatons la disparition. Elle était à la fourrière. Une heure et demi de perdue avant de pouvoir la récupérer à Ballard. Puis la route vers Faye les Etangs. Nous esssuyons deux tempêtes de neige, nous nous trompons de route, nous arrivons vers 21h15. Dieu merci, le délicieux borsch préparé par Fianna nous attendait, encore bien chaud et légèrement piquant. Pendant que nous étions à l'exposition, Charlotte a fait des dégâts en trouant une chaise cannée. Bref, un après-midi de grand luxe !

vendredi 26 décembre 2014

Brumes du matin

En allant à Chaumont-en-Vexin ce matin, à partir de Fay-les-Etangs, des couches de brume remplissaient les cuvettes successives à travers lesquelles la route passait comme un ruban gris autour du paquet vert des prés et des champs, de temps en temps un bosquet, un petit groupe de maisons endormies, autour d'un mince filet de fumée s'échappant de l'une d'entre elles. Il avait gelé pendant la nuit.
Hier soir, sur une initiative d'Ir, nous avons lancé tout un groupe de montgolfières en papier dans la nuit. C'était magnifique. Peut-être pourrais-je mettre une photo sur ce blog quand je les recevrai moi-même. Voilà la photo tirée du petit film de Balti que vous pourrez retrouver à l'adresse suivante :


jeudi 25 décembre 2014

25 décembre 2014 : Un dîner arc-en-ciel

Pas besoin de titre pour cette journée. (Il y en aura un quand même.) Peut-être pas besoin de texte non plus. Devant moi, à travers les fenêtres du château de Fay, un arbre couvert de boules de gui, le vert incroyable des prés, les barrières en bois et, à gauche, le pigeonnier, tout près du portail d'entrée. Plus loin, sur les hauteurs d'une douce colline, la grisaille d'une forêt d'hiver.

Dans la maison, des bruits de voix avec tous les timbres possibles et des langues différentes : allemand, anglais, français, portugais, russe. Un kaléidoscope sonore où s'entrecoupent les aigus de l'enfance, les graves de l'homme adulte, les voix muantes de l'adolescence, les bienvenues maternelles...

Et puis, en début d'après-midi, comme pour annoncer la thématique du dîner de ce soir et à la faveur d'une apparition soudaine du soleil traversant une pluie passagère, un arc-en-ciel magnifique dont il était possible de voir les deux extrémités au sol, a formé ses cerceaux de lumière multicolore, bientôt redoublés d'un arc plus petit, tout aussi lumineux. Fianna en a pris une photo très réussie. Merci Fianna !

mercredi 24 décembre 2014

24 décembre : Chercher Ruben

Hier fut une belle journée, même si la nécessité de continuer à faire de nombreuses courses pour les repas de Noël m'a quelque peu fatigué. Ces grands magasins où une foule énervée par les comportements individuels qui s'entrechoquent comme des boules de billard — nous avons joué une partie de billard justement, Louis, Isabel et moi —, se presse devant les étalages débordants de richesses alimentaires, technologiques, vestimentaires, cosmétiques, sanitaires et autres, ces temples de la modernité capitaliste de nos pays développés, ne sont guère réjouissants. Un clafoutis d'odeurs grises dans les lumières blanches du néon, les couleurs vives des produits, l'épuisement des caissières, les annonces publicitaires, le carrousel des voitures ronronnantes dans les parkings encombrés : Noël (que j'ai déjà évoqué dans une page précédente).

J'attends Célia que j'accompagne pour aller chercher Ruben à Roissy. Il est 6 heures et je crains qu'elle ne se soit pas réveillée. Je n'entends aucun bruit.

Le repas d'hier soir, préparé par Hendrik et Célia, a été l'occasion de grandes discussions philosophiques. Nous y avions été préparés par les réflexions sur les valeurs, nos valeurs, que nous a inspiré l'anniversaire de Julien. Moments pleins d'émotion et de chaleur sans aucun débordement paranoïaque intempestif. Un présent tramé par de vraies présences.

Statistiques du blog : avec un lecteur en Russie, un lecteur en Ukraine, un lecteur au Brésil et 507 lecteurs aux Etats-Unis, mon blog couvre presque la moitié du monde selon les cartes qui recensent ces chiffres. Il faut dire qu'il suffit d'un lecteur en Russie pour que toute la Russie soit colorée en vert pâle ! Ces cartes sont décidément très encourageantes.

mardi 23 décembre 2014

Baguettes et boues

Ce sont sans doute mes impressions pendant que j'allais chercher Isabel à la gare de Liancourt Saint Pierre et que je tournais, tournais dans l'obscurité de petites routes étroites au milieu d'une campagne vide, vide, qui ont suscité ce rêve étrange où, avec FZ, je m'étais mis à la recherche d'une boulangerie-pâtisserie en quête d'une vraie baguette, fraîche et craquante, cuite juste à point. J'ai ainsi fait plusieurs boulangeries sans succès. Leurs baguettes avaient toutes des défauts différents : soit elles étaient trop molles, soit trop cuites, soit trop courtes, soit trop épaisses, bref, je n'étais jamais content avec ce qu'on m'offrait.

Dans le rêve suivant, j'étais également en voiture et j'avais fait une manoeuvre qui m'avait obligé à déplacer un tas de boue. De la boue grise, claire qui souillait mes chaussures noires impeccablement cirées de frais.

Le dîner d'hier a été délicieux. En particulier les aubergines.


lundi 22 décembre 2014

Fay-les-Etangs

Nous y sommes arrivés hier soir. Un petit château magnifique. Toutes les fenêtres éclairées dans le noir. L'ombre de ceux arrivés avant nous passant devant les fenêtres. Nous serons 20. Il y a vingt lits.
Le calme d'une campagne verdoyante à travers de grandes fenêtres.

En regardant les statistiques des pages lues de ce blog, je m'aperçois qu'il y a une page qui recueille tous les suffrages dans la mesure où elle apparaît comme la plus lue : c'est la page intitulée "le lac intérieur" du 8 juin 2013. Sans doute est-ce le titre qui séduit les lecteurs. C'est étrange (et bon à savoir si je voulais un jour publier quelque chose : un roman ou un essai). Ce titre fait référence au rêve que j'avais fait cette nuit là. Rien de bien spécial en réalité.

Par contre la maison de maître dans laquelle nous sommes aujourd'hui est vraiment spéciale. Elle a une âme. Celle-ci se manifeste notamment la nuit, avec tous les bruits d'une maison dont les parquets craquent au passage, les portes grincent en s'ouvrant, on entend le vent dans les fentes, le grésillement d'un feu qui meurt doucement, des sommiers qui soupirent... C'est vraiment une très belle maison qui a la sagesse intérieure de celles qui ont été longtemps habitées par des générations successives de jeunes et de vieux.


dimanche 21 décembre 2014

21 décembre 2014 : Passage des Marais

Je suis allé chercher Isabel et Charlotte à la gare du Nord, après avoir loué une voiture avec Fab. Retrouvailles avec le 9, Passage des Marais et ceux qui nous ont succédé dans le petit appartement que nous avions acheté en 1997. Une soirée très agréable dans ce 50m2 magnifiquement redessiné et "relooké" mais qui a gardé les jolies perspectives obliques qui faisaient son charme à l'époque où nous l'habitions.

Nous partons aujourd'hui vers la maison que Fabien et Fianna ont trouvée pour le rassemblement annuel de toute la famille, le château de Faye, dans l'Oise. Evidemment, les arbres seront moins feuillus que sur la photo. Nous sommes en décembre. Mais le lieu a l'air superbe.

Nous allons petit déjeuner avec Latifa ce matin et déjeuner avec tout un groupe d'anciens amis du quartier dans un restaurant Thai, particulièrement apprécié d'Isabel et Charlotte.
Quant à moi, j'ai encore quelques petites courses à faire, du côté de l'Hôtel de Ville, avant d'aller là-bas.

samedi 20 décembre 2014

20 décembre : Une plume de geai

Dans l'un des rêves de cette nuit, nous étions tous les trois assis en tailleur. Un oiseau tournoyait autour de nous. Un oiseau qui voulait manifestement s'approcher de nous. Finalement, il se pose auprès de l'un d'entre nous. C'est un geai et je dis à celui (ou celle) qui était en train de le caresser gentiment : "Prends lui une plume." Il (ou elle)lui arrache doucement une longue plume, très jolie, avec un noeud de couleurs superbes. Le geai reste un moment avec nous. Il y a ensuite d'autres rêves. Mais ils ont dû s'envoler avec le geai. Non ! Je me souviens maintenant que le geai ne s'envole pas. Il se couche sur moi et devient une belle femme nue.

Hier soir, j'ai dîné avec J. Nous avons mangé des huîtres au Chaland, un bistrot proche du passage des Marais, où je suis allé dormir cette nuit, dans l'appartement de celui qui fut notre voisin de pallier, M., pendant 14 ans à Paris. Rien n'a vraiment bougé. Bien sûr des gens sont partis, ou sont morts . Il y a eu du mouvement. Mais les "anciens" sont toujours là : Alain, Pascal, Latifa, les Riess, Lars... un microcosme parisien autour de ce laurier portugais planté au centre de la petite cour pavée.

 Je m'entends magnifiquement bien avec J. Nous avons essayé d'appeler David Abram sur Skype mais comme il n'a pas répondu, nous lui avons laissé un message. Nous avons décidé d'aller lui rendre visite en 2015. Le prix du billet d'avion pour Santa Fé (où il habite) est d'environ 1000 euros.
Faisable.

Hier à midi, j'ai vu Claude, une merveilleuse amie plus que collègue, elle aussi. Elle viendra à Lisbonne en mai prochain. Nous avons beaucoup parlé littérature, poésie, Abram, etc., évidemment.

vendredi 19 décembre 2014

19 décembre : Séminaire de la MSH

Hier, en fin d'après-midi, j'ai animé ce séminaire sur le travail de David Abram et j'ai l'impression que le courant est passé. J'ai eu de nombreuses questions et surtout, j'avais l'impression que tout le monde s'est mis à réfléchir à partir des problèmes évoqués par Abram. Je n'ai malheureusement pas pu faire passer toute la richesse des évocations anthropologiques de l'auteur. Pour cela, il faut lire le livre. En tout cas, j'ai trouvé les personnes très attentives et manifestement interpelées par les thèses d'Abram.

Maintenant, j'attends le coursier des éditions du Seuil qui devrait m'apporter quelques exemplaires de La Tyrannie de la science. Enfin !

Je m'apprête également à retourner au 9, Passage des Marais où je logerai cette nuit dans l'appartement de Marten, qui était notre voisin de palier quand nous habitions là. J'ai appelé Latifa qui m'attend vers 15 heures. Encore une journée où il va falloir marcher longtemps avec valise et paquets. A métro, ce n'est pas toujours facile.

* * *

Depuis quelques jours, je me dis qu'il faut que je revienne sur le petit texte "Ouvrir" que j'ai intégré dans mon "post" du 14 décembre. Pourquoi ? Parce que, bien que convaincu de l'inutilité complète de ce petit texte qui n'est même pas un véritable poème, je voulais le terminer par une phrase qui me revenait sans cesse à l'esprit. C'est ce que j'ai fait aujourd'hui. J'ai rajouté cette phrase : "J'ouvre l'album d'un jour en couleurs." En fait, je voulais simplement rajouter : "J'ouvre l'album." Sans plus. Pourquoi ? Je ne sais pas et c'est peut-être parce que je ne savais pas pourquoi je voulais rajouter cette phrase que j'ai essayé de la compléter avec des mots qui pourraient peut-être fournir une sorte d'explication plausible de cette addition incompréhensible dont je ressentais pourtant l'absolue nécessité. Sans cette phrase, mon texte était incomplet, inachevé. Pourquoi ? Je ne sais pas. Ecrire est vraiment un acte étrange. Dans ce texte "Ouvrir", je ne m'adresse évidemment à personne, je n'apporte aucune information de quelque intérêt de ce soit ; le texte ne demande pas de lecteurs ; d'ailleurs, lire ce texte n'apporte rien. Alors, pourquoi l'avoir écrit ? Je me le demande, en effet.

jeudi 18 décembre 2014

18 décembre 2014 : Paris

Juste avant de prendre le train hier soir, j'achète le dernier roman de Patrick Modiano, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier (Paris, NRF, 2014) que j'ai aussitôt commencé à lire. Toujours la même écriture, dosant de façon subtile le vague et le précis, les souvenirs et les rêves du présent, les rencontres et les abandons...
Arrivé à Paris, je pensais rejoindre Samantha, Sasha et Louis dans le 6e, mais cela ne s'est pas fait; je suis rentré directement chez mon fils Fabien où Louis m'attendait. Joëlle m'apprend le décès de Geneviève Jacquinot, une de nos collègues des sciences de l'information et de la communication, vive et créative, pleine d'idées et surtout, dépourvue de ces raideurs académiques qui alourdissent le rythme vital de beaucoup de nos collègues de l'université.
Ce soir, je donne mon séminaire sur David Abram dont je n'ai plus de nouvelles depuis trois jours. L'état de son père, en train de mourir à New York, s'est peut-être brusquement empiré. Il m'avait prévenu.
Avant cela, je vais aller faire quelques courses en vue de notre fête de famille à Noël.

mercredi 17 décembre 2014

Bon anniversaire, Louis

C'est l'anniversaire de Louis. Je le verrai ce soir, sans doute, à Paris.
Alors que pendant la journée d'hier, le temps s'était légèrement amélioré à Luxembourg, ce matin, c'est pire que tout. Le ciel est très bas, lourd de cette bruine qui semble ne venir de nulle part, installée entre ciel et terre, comme si elle s'était décidée à ne plus bouger. "J'y suis, j'y reste" nous susurre-t-elle comme d'un poumon encombré d'humidité maladive.

J'ai fait la grasse matinée aujourd'hui : levé à 7h30, longue douche bien chaude, deux oeufs à la coque au petit déjeuner avec des rondelles de tomates et un bout de fromage, le tout arrosé de "English breakfast tea".

J'ai reçu aujourd'hui des textes de Marcel Jousse en réponse aux textes de David Abram que j'avais envoyés en vue du séminaire de demain. De beaux textes en effet, que je ne connaissais pas et que je vais lire attentivement. J'en dirai certainement plus après leur lecture.


mardi 16 décembre 2014

16 décembre : Froid...

...et sombre à Luxembourg. Humide également. Mais tout va bien. Je discute par mail avec David Abram. Nous échangeons nos idées et c'est assez passionnant. Je lui demandais où il situait la science dans le modèle qu'il propose, tout en lui donnant mon propre avis sur la question : la science, mais surtout les mathématiques, se construisent à travers les gestes que l'esprit humain peut inventer pour s'ouvrir à ce qui lui est extérieur. Que le monde des choses puissent se laisser prendre dans le réseau de ces gestes n'est pas très étonnant. Bien entendu, ces gestes (et l'ouverture qu'ils déterminent) ne sont pas fondés sur les sens, comme c'est le cas, selon Abram, dans les communautés traditionnelles orales. Ce sont des gestes qui proviennent de dynamiques propres à l'écriture dans le cadre d'un régime de scripturalité que j'ai appelé "scripturalité primaire" dans l'un des articles que j'ai publié dans la revue Alliage. Pourquoi a-t-il fallu inventer cette gestuelle mentale en prise avec le monde extérieur, me demande David ? Et ma réponse a été : SURVIVAL ! Un esprit humain enfermé dans l'humain en raison d'une alphabétisation ubiquitaire, me semble condamné. Il fallait donc se donner la possibilité d'accéder à un monde extérieur, un monde objectivé par le geste mathématique. Mais ce n'est évidemment pas le même monde que celui qu'habitent les communautés traditionnelles orales.

* * *

Après une discussion avec Mehmed, je me branche sur l'URL qu'il m'a envoyé et qui renvoie à des informations qui faisaient partie des données rendues publiques par Snowden. Je vous laisse la surprise de ce qui, pour moi, fut quand même une découverte pour le moins déconcertante. Voici l'URL :


Cela me semble digne d'attention. Pourquoi les médias n'en parlent-ils pas ?

lundi 15 décembre 2014

15 décembre : Abram

Je viens de recevoir un mot de David Abram qui me demande de le "skyper" pour que l'on fasse plus ample connaissance, ce que je ferai volontiers. Comme je vois Joëlle vendredi soir, nous pourrions le contacter à ce moment là car il parle aussi d'elle dans son message. C'est super !

Je ne vais pas raconter mes mésaventures avec l'agence edreams, qui débite mon compte le 14 novembre dernier pour un billet d'avion qu'ils ne m'ont jamais envoyé, ce qui fait qu'il a fallu que je m'achète un nouveau billet à l'aéroport (225 euros). J'ai d'ailleurs pris un aller/retour, car c'était moins cher qu'un aller simple (232 euros).
Je vais réclamer auprès de l'agence mais, comme je les connais, j'ai peu d'espoir ! Comme ils sont à Paris, je vais essayer d'aller les voir directement. En fait, ils ne sont certainement pas à Paris, mais plutôt à Luxembourg justement. Je n'aurai pas le temps d'y aller.

Dans l'avion, j'ai lu un bon polar : Her Last Call to Louis MacNeice de Ken Bruen, un auteur irlandais. C'est un tout petit roman, bien enlevé avec des trouvailles de langage très colorées. J'adore le prénom de l'héroïne, Cassis, à la fois philosophe et marginale, fréquentant des bandits spécialisés dans le vol des banques. Je me demande s'il a déjà été traduit. Je reviendrai peut-être sur mon blog cet après-midi, si j'ai un moment de libre pour faire une petite sieste et écrire tranquillement.


dimanche 14 décembre 2014

14-12-14 : Luxembourg again

Ce matin, je m'envole à nouveau pour Luxembourg. Le ciel est dégagé à part quelques bourrelets blancs débordant de l'horizon, cette ceinture de mon regard. Vitesse ? Je ne sais pas encore.
Hier soir, il pleuvait à verse. Il "drachait" comme l'écrivait mon père dans ses romans policiers. C'est un joli mot, "drache" pour pluie battante. On en use dans le Nord et surtout en Belgique d'après le Larousse en ligne.

Je continue ma série de verbes (l'idée c'est d'écrire de petits textes à partir des associations qui surgissent autour des verbes de la langue française).  L'exercice est intéressant et mes lecteurs ont pu prendre connaissance du ton de ces essais lors de mes derniers "posts". J'ai abordé, hier après-midi, le verbe "ouvrir". Voilà ce que ça donne :

Ouvrir

J’ouvre. Le son même que le geste de la langue fait dans la langue est long et doux comme si c’était toujours d’un écrin qu’il s’agissait, comme s’il ménageait l’attente des yeux, comme si la porte était lourde, la porte de cette ville ancienne par où, lentement, passe le char d’Alexandre le Grand.
S’ouvre le corps pour la première fois, lentement dans l’attente des mystères d’une échancrure qui s’impatiente, s’ouvre la gorge pour un souffle, un cri.
J’ouvre un livre, dont les phrases elles aussi s’impatientent, commencent à se bousculer dans ce déroulement attentif d’un regard qui les traverse rapidement, comme on traverse un troupeau qui se referme après son passage, sans sillage.

S’ouvre le corps encore et d’un trait perlé de rouge, s’annonce l’entame d’un tableau, aussi précis qu’une figure géométrique sur la peau.
J'ouvre l'album d'un jour en couleurs.

* * *

Je ne me prononcerai pas sur l'intérêt de ce genre de textes qui ne servent pas à grand chose. Ils contiennent peu d'informations, ils témoignent d'une certaine prétention poétique mal définie ; sont-ils aussi inutiles que des récits de rêve ? Leur rédaction procure une sorte de plaisir assez particulier : il s'agit de trouver quelque chose de juste sans aucun a priori sur la manière dont cela va s'imposer, noir sur blanc. 
On pourrait certainement en dire plus, mais cela attendra, car l'avion, lui, n'attend pas.

samedi 13 décembre 2014

Traces

Avant hier soir, nous discutions avec Charlotte et, tout-à-coup, elle nous dit : "Quand je serai morte, j'aimerais que vous gardiez toutes mes choses. —Quoi, par exemple ? — Mes dessins, mes films, mes barbies, mes affaires de classe, toutes les petites choses qui étaient à moi. — Mais, tu sais... l'essentiel c'est que tu sois bien vivante dans nos coeurs."
Charlotte témoignait de cette angoisse très particulière, l'angoisse de disparaître complètement. D'être comme quand on n'existait pas encore, dans cet état difficile à imaginer d'avant la naissance. Peut-être ce sentiment est-il lié à l'âge. Pourtant, dans mon souvenir, quand j'avais 13 ans, c'était plutôt le contraire. Et cela s'est accentué ensuite, notamment quand j'ai lu Monsieur Teste, de Paul Valéry, qui me semblait représenter une sorte d'idéal : la Grande Indifférence, l'ataraxie. Il s'agit de ne pas laisser de traces, disparaître en effet, exister de telle sorte que, après la mort, ce serait comme si on n'avait jamais existé. Ce n'est pas très original puisque c'est ce qui arrivera — c'est ce qui arrive et ce qui est arrivé — à la plus grande majorité des êtres humains d'hier et d'aujourd'hui. Tout le monde ne peut prétendre à la gloire posthume des mausolées, des pyramides, ou des schistes, tourbes ou sables qui ont protégé Néandertal ! Mais, quand on voit ce que les traces du passé font au présent, quand on considère cette accumulation fantastique de ruines et de déchets, ce gigantesque amas de restes humains qui encombrent à la fois le monde et nos esprits, il est difficile de ne pas se poser la question : n'est-il pas préférable de disparaître sans traces, de libérer l'avenir de la pesanteur des chairs et des pensées, qui voudrait nous enchaîner à l'éternité ? D'où vient ce désir de ne pas être oublié aussitôt disparu ? qu'est-ce qui nourrit l'illusion d'une survie à travers nos traces ? alors qu'en elles-mêmes celles-ci ne témoignent de rien d'autre que de notre propre disparition.
Cela me fait penser à ce raisonnement qui m'a parfois préoccupé : "Vous êtes bien d'accord que le passé nous renvoie à ce qui n'existe plus ? Alors, qu'est-ce qui vous empêche de penser que, n'étant plus, le passé n'existe pas ?" A moins d'en faire l'une des obsessions du présent.

vendredi 12 décembre 2014

Le bruit du coeur

Un puissant rêve érotique cette nuit avec une femme nommée Agathe qui ne me rappelle personne du passé. Rêve dont je me suis réveillé avec l'arrivée de Charlotte dans la chambre. Elle venait de faire un cauchemar et voulait être rassurée auprès de sa maman. Donc nous étions à trois dans le lit. Pas pour longtemps car, une heure après, je me levais pour la méditation et les "gestes quotidiens" (voir l'un de mes posts précédents) qui définissent l'entame de mes journées à Lisbonne.
Après ma douche, aujourd'hui, j'entendais réellement les battements de mon coeur, à tel point qu'au début, je me demandais d'où venait ce bruit sourd et régulier pour m'apercevoir avec étonnement que c'était de l'intérieur de mon corps que cela provenait. Un peu comme dans Les Visiteurs du soir de Marcel Carné, quand à la fin du film, le diable, juste après avoir changé les amants en statues de pierre, se repaît du silence qui l'entoure ("J'aime le silence", dit-il dans mon souvenir) jusqu'à ce que tout à coup, il fronce les sourcils : "Qu'entends-je ?", il s'approche des statues et, posant son oreille sur la poitrine pétrifiée de l'amant, il perçoit le battement de leurs coeurs, ce qui le met dans une grande colère, mais son fouet ne peut plus rien contre la pierre. Jules Berry est magnifique dans cette scène très particulière. A revoir, à la prochaine occasion !

En attendant, Lisbonne s'est réveillée aujourd'hui dans un coton d'une épaisseur jamais vue auparavant. Je ne distingue presque plus rien par la fenêtre de mon bureau. Certes, je vois encore les silhouettes décharnées de ces antennes de télé anachroniques qui tremblent comme des mains de vieillards, comme pour agripper, au moment de mourir, le vide de la grisaille. Et à un mètre à peine, mon regard saute par dessus le bord de la pente d'un toit qui traverse en oblique rouge, de gauche à droite, l'ouverture vers le dehors.

jeudi 11 décembre 2014

11-12-14 : Badenheim

J'ai enfin reçu le roman Badenheim 1939 de Aharon Appelfeld qui est un auteur que m'avait conseillé, il y a longtemps, Elmina, une amie grecque d'Isabel. J'ai évidemment commencé à le lire aussitôt mais j'ai été très vite détourné de cette lecture par le compte-rendu du livre enfin traduit de Walter Ong, Orality and Literacy, compte-rendu écrit par Pierre Macherey, et dont j'ai parlé hier à la fin de mon "post".
Cette lecture me relance dans mes réflexions sur l'écriture, ce qui est bienvenu pour que je puisse terminer l'article que j'ai promis à notre ouvrage collectif, Le Chaos des écritures. Mais, dimanche, je retourne à Luxembourg. Ce sera ensuite Paris, le séminaire sur David Abram, Joëlle, la famille et... Noël.
Aujourd'hui, je reçois à nouveau Z. à déjeuner. J'ai prévu des pâtes au pesto. J'espère que cela lui conviendra.

Lisbonne est une coupe pleine de nuages mousseux, dont certains, rose-foncé, font espérer la venue du soleil dans un monde encore très sombre derrière la fenêtre de mon bureau.

* * *

Je viens de terminer Badenheim 1939. C'est un roman très étrange, une écriture elliptique qui nous fait vivre au fil des pages une sorte de pressentiment dont les latences variées constituent un relief, avec des hauts et des bas, des moments qui le précipitent pour l'étouffer aussitôt dans les activités quotidiennes d'un monde presque normal, disons, vraiment normal, c'est-à-dire complètement anormal dans sa légèreté, dans une superficialité dont on ne prend conscience par intermittence que sur fonds de ténèbres inconnues et inquiétantes sans qu'il y ait lieu d'être vraiment inquiet. Le festival doit se dérouler à Badenheim comme tous les ans, malgré les petites anomalies de la préparation, des anomalies qui rendent précisément les choses normales tout en générant ce vague pressentiment qui n'a rien à se mettre sous la dent et qui, pourtant, grignote notre attention, comme un rat invisible s'en prendrait au livre qu'on est en train de lire. 

mercredi 10 décembre 2014

Haïr Noël

C'est Z., que je recevais à déjeuner hier à midi, qui me le disait : "Je hais Noël". Il s'agit de la période de Noël. Z. n'est pas le seul à craindre cette épreuve gastronomique, financière, commerciale qui n'a guère d'attraits pour les solitaires. Le temps suspendu à cette forêt qui pénètre dans la ville, dans chaque logement, ces millions de jeunes sapins qui occupent — chacun, digne représentant de la Nature, parfois un peu tordu quand on s'y est pris trop tardivement —, une place d'honneur dans le salon, enguirlandés de toutes les couleurs, surchargés d'étoiles et de boules argentées, perdant petit à petit leurs aiguilles pour finir, squelettiques, comme des parapluies détoilés et abandonnés, sur les trottoirs en janvier. Le temps d'une obligation rituelle de retrouvailles en famille, pourtant. Avec les raideurs soudaines d'un contact entre diverses intimités dont les styles ont divergé pendant un an et qui tentent de se réaccoutumer les unes aux autres, de s'ajuster à nouveau, parfois difficilement, toujours provisoirement. Mais aussi avec des sourires devant les enfants grandis, prêts à aborder des problèmes de grands. On discutera politique, économie, romans primés, films récents, contournant subtilement les risques de désaccords trop radicaux. On cuisinera ensemble avec les ados mal réveillés, encombrants, bloqués juste devant l'armoire aux épices dont on a besoin pour la dinde, en quête de céréales et de café pour leur petit-déjeuner. Les mélanges sont magiques. Parfois tragiques.

***

Je viens de lire le compte-rendu remarquable que Pierre Macherey a écrit sur le livre, enfin traduit et publié (Paris, Les Belles Lettres, 2014), de Walter Ong, Orality and Literacy. The Technologizing of the Word. J'en conseille la lecture à tous ceux qui s'intéressent aux rapports (compliqués) entre parole et écriture. Voici l'URL du site où vous trouverez le compte-rendu de Macherey :
http://philolarge.hypotheses.org/1492/comment-page-1#comment-28395

mardi 9 décembre 2014

9 décembre : Finir

Avant hier, je concluais mon "post" en écrivant "tout est fini". Et hier, comme pour prendre à la lettre ce qui m'est sorti de l'esprit sans crier gare, je n'ai rien écrit sur ce blog. Je voulais y mettre un terme. Le nombre de mes lecteurs diminue. Je ne l'écris plus que dans l'esprit de Thierry L. : "une page par jour, quoiqu'il arrive".
Aujourd'hui, en me réveillant, je me suis dit "rien n'est fini" justement. Nous sommes constamment dans le non-fini, l'in-fini en prenant le préfixe "in" dans le sens qu'il a dans "in-discipline" ! Ceci dit, je ne peux que m'interroger sincèrement : je suis plutôt du genre (comme le dit si souvent ma fille, Charlotte !) ou plutôt, je suis plutôt genre (il faut sauter le "du" pour être "in") pas-fini, le maître de l'inachevé, l'incomplet par excellence, comme si cela me donnait une réserve de vie, quelque chose qui, lorsque ça viendra — de soi-même, évidemment — mettra un terme triomphal à tout ce qui se trouve en instance de clôture.
Comment mettre un point final à une entreprise quelconque. Je me souviens parfaitement bien de l'émotion que j'ai ressentie quand j'ai mis un point final à ma thèse sur la vulgarisation scientifique. C'était à York, à la fin de l'été 1973 (il y a maintenant 40 ans, très exactement), après deux mois d'explosion intellectuelle dans le capharnaüm de mon bureau à l'université. [C'est curieux ce mot "caphanaüm" qui fait référence à un petit village de pêcheur en Galilée et qui, en hébreu, signifie "village de la consolation".] Emotion intense tant je croyais ce terme impossible à atteindre (pendant toute la rédaction de ma thèse, j'entendais le refrain lancinant d'une chanson Nights In White Satin des Moody Blues qui contient cette phrase bien particulière : "never reaching the end" — ce qui était assez décourageant en fait ; c'était le bruit de fond de ma thèse qui me parvenait du bar des étudiants qui était juste en dessous de mon bureau).
Donc, finir, c'est un problème.

dimanche 7 décembre 2014

7 décembre 14 : Respirer

Aujourd'hui, au cours de ma méditation à partir de 5h15, je réfléchissais à ce verbe un peu particulier: respirer. Ce verbe à la fois transitif – quand on prend conscience de ce qu'on respire : les vapeurs du diesel urbain, les flatulences de voisinage dans le métro ou dans un cours de méditation, les odeurs de crottin de cheval à la campagne, le vent de la mer en Bretagne, le sang des tranchées de Roland Dorgelès, le parfum de la coulée de roses d'un parterre à Versailles, les acacias du boulevard de Magenta au printemps, la bouffée puante d'un Phallus impudicus dans une forêt d'automne,  le fumet d'une dinde de Noël,  le sillage urinal d'un clochard qui vient de se réveiller dans le creux d'une entrée de magasin, les exhalaisons capiteuses d'une femme en fourrure rencontrée dans la rue, oeil hautain et lèvres pincées, l'haleine chaude d'une bouche de métro, le café au lait des réfectoires d'internat, le bruit des pensées s'échappant des pages d'un livre neuf, l'odeur de tortue au cuir épais perçue par la Pythie interrogée par les émissaires de Crésus à Delphes, l'encens bleu et sacré des églises, la tryméthilamine freudienne du rêve de l'injection faite à Irma, etc. – et intransitif quand il échappe à la conscience ou qu'il surgit au détour d'une angoisse qui se calme : "Ouf ! je respire", dit-il, soulagé.
C'est un verbe à deux faces. Il y a l'inspiration qui nous rend plus aérien, plein d'idées toujours nouvelles, qui nous fait recommencer la vie à chaque instant, qui ouvre notre corps au monde. L'autre versant du verbe nous vide. Le monde nous déserte. Le monde se termine. "Est-ce qu'il respire encore ? Non. "Il expire, il vient d'expirer" nous dit-il, l'air grave. Son dernier souffle. Une parole ? Non ! Tout est fini.

samedi 6 décembre 2014

6-12-14 : Les gestes du matin

Les couleurs dorées de l'Est ont envahi notre salon, déversant par les fenêtres des flots de lumière qui rampent sur le parquet, les tapis, remontent sur les meubles, éclaboussent l'argenterie et font étinceler les poussières dans des rails obliques qui mènent au grand miroir du fond. Il fait vraiment très beau à Lisbonne aujourd'hui. Quand je me suis levé, la chambre était encore dans les ténèbres. J'essaye de saisir mes lunettes posées sur la table de nuit, elles m'échappent et tombent. Je me baisse pour les récupérer mais elles continuent à m'échapper, se cachant derrière les fils électriques et les prises de courant qui se trouvent là. Je m'emmêle les doigts à leur recherche dans le noir, en silence pour ne pas réveiller Isabel mais elles glissent hors de portée... où sont-elles ? sous le lit ? non ! je saisis l'une des branches mais quelque chose les retient, un fil, un coin de meuble, une prise. Je ne vois rien. Finalement, je les retire, intactes, des ténèbres. Ouf !
Une petite scène comme celle-là, le matin au réveil, vous met dans une certaine disposition pour la journée. Le monde des objets va me résister aujourd'hui. Mais non ! Tout se passe bien ensuite. Mes gestes sont sûrs, les choses répondent à mes injonctions silencieuses : les croquettes du chat dans la gamelle, les légumes un peu fripés que je retire du frigidaire, la peau du citron se détache facilement du fruit, une carotte, des fanes de céleri, une botte de persil, un kiwi, une pomme, deux moignons de gingembre, l'eau pour le thé, le ronronnement de l'extracteur, une saveur connue, un peu surprenante, le lavage de l'appareil, des rondelles de tomate sur lesquelles fondent quelques pincées de sel, un toast au fromage Philadelphia, le chat me demande d'ouvrir la porte du balcon, il sort, je sors verres, assiettes, couverts, casseroles et autres ustensiles de la machine à laver la vaisselle, il rentre, sans bruit, je vais vers la douche avec mon mug de thé trop chaud pour être bu tout de suite, l'eau ruisselle sur un corps, le mien, que je savonne énergiquement avec un gel de cade acheté dans une boutique Occitane qui mousse dans les poils de mon bas-ventre, je remonte par le bras gauche, cou, visage, oreilles, bras droit, jambes, les deux pieds, je passe le gant entre les orteils, entre les fesses, se sécher, se raser, se laver les dents, s'habiller, les verbes réfléchis prennent le relai de la description, une description qui reste tronquée de toutes les sensations singulières qui attestent des formes de notre sensibilité au jour le jour.



vendredi 5 décembre 2014

5-12-14 : Coïncidence

La dernière fois que j'avais rencontré le nom d'Aloys Brunner, c'était dans le roman de Foenkinos, Charlotte,  que j'ai lu récemment. C'était lui qui était à Nice au moment de l'arrestation de Charlotte à Villefranche-sur-Mer et qui l'a envoyée, avec son compagnon, à Drancy d'où elle est partie pour Auschwitz. Or, ce matin, j'apprends qu'Aloys Brunner est mort en 2010 en Syrie après avoir échappé pendant toutes ces années au Mossad. Aloys Brunner était un tortionnaire nazi particulièrement cruel. Il est responsable de la déportation d'environ 130.000 juifs. C'était l'un des adjoints directs d'Eichmann.

Je me suis endormi, hier soir, dans l'atmosphère toujours aussi glauque mais très prenante du roman de Cormac McCarthy. Je n'ai plus que quelques pages à lire. Le Daily Telegraph, en quatrième de couverture, dit de cette oeuvre : "So good it will devour you. It is incandescent." Voici le résumé de l'histoire tiré de la même quatrième de couverture : A father and his young son walk alone through burned America, heading slowly for the coast. Nothing moves in the ravaged landscape save the ash on the wind. They have nothing but a pistol [quand même ! nous sommes aux Etats-Unis, quoi !] to defend themselves against the men who stalk the road, the clothes they are wearing, a cart of scavenged food — and each other."

Lisbonne s'est réveillée [pourquoi le féminin, ici ? alors que si l'on parlait de Paris ou Berlin, on utiliserait plus volontiers le masculin ! Y aurait-il des villes masculines et des villes féminines ? quel serait le genre de New York ? de San Francisco ? de Tokyo ? Pour moi, Amsterdam est féminin. Serait-ce les villes dans les noms se terminent avec une consonne ? Non, car Bordeaux aussi, pour moi, est féminin !] sous un ciel et un soleil magnifiques mais je m'aperçois que déjà, l'air s'assombrit.

jeudi 4 décembre 2014

Bataille contre les cookies

Depuis hier, j'essaie de me débarrasser d'un moteur de recherche qui s'est imposé automatiquement et qui s'ouvre sur mes onglets google chrome sans que j'aie rien demandé. Il s'agit de "trovi.com", l'indésirable. Je n'arrive pas à m'en défaire. Ce truc ne veut pas s'en aller. Et il n'y a rien de plus horripilant que d'avoir affaire à un intrus qui s'installe chez vous (mon écran d'ordinateur) et qui semble prêt à y faire régner ses propres règles.  Je vais aller voir iServices cet après-midi pour demander conseil.

Mais peut-être que mon écran d'ordinateur n'est pas "chez moi" justement ???

Bon ! Il faut que je respire et que j'arrête de m'énerver parce que ça ne sert à rien. Mais si l'un de mes lecteurs a une solution à me proposer, je serais très heureux de l'essayer.

A part ça, il fait beau et froid à Lisbonne. Ce matin, j'ai écourté quelque peu ma méditation. Environ 30 minutes seulement, mais cela fait quand même du bien.

* * *

Je suis allé conduire Charlotte chez le dentiste après quoi j'ai fait un saut à iServices pour voir Bruno, mon informaticien lisboète et anglophone. Il m'a dit que ce truc était un virus qu'il a éliminé aussitôt en m'installant un logiciel qui a fait le travail en quelques secondes. J'étais bluffé. Je vais passer ce logiciel à Sarah, la jeune fille qui travaille avec Isabel et qui, semble-t-il, a le même problème que moi avec son Mac ! 

A part ça, j'ai continué à lire The Road et, comme le dit Sasha, c'est vraiment glauque. Tout y est noir, sombre, gris, humide, sale, obscur... C'est le règne des ténèbres, darkness, pas les mêmes ténèbres que dans The White Tiger... des ténèbres encore plus sombres sans doute à cause de la solitude des hommes qui les traversent comme des fantômes, affamés, angoissés à l'idée qu'ils pourraient rencontrer d'autres humains, susceptibles d'en vouloir à leur corps, ou plutôt à la "viande" qu'ils représentent... vraiment glauque. La question que l'on se pose en lisant : c'est pour quand ?

mercredi 3 décembre 2014

3-12-14 : The Road

Voilà ! J'ai repris la lecture de The Road de Cormac McCarthy. Je l'avais commencé il y a longtemps mais j'avais trouvé le début si glauque que j'avais abandonné. Je l'ai repris hier en espérant pouvoir aller jusqu'au bout. Ce qui m'intéresse dans ce livre c'est la relation père/fils qui s'y trouve engagée. Finalement, j'ai lu pas mal de romans ces derniers temps qui problématisaient cette relation : David Vann (Sukkwan Island), Marylinne Robinson (Gilead)... mais il y en a bien d'autres que j'évoquerai plus tard.

Je suis donc de retour à Lisbonne où il fait assez beau même si le ciel n'est pas avare de nuages qui passent vite.

mardi 2 décembre 2014

Charlotte Salomon

Voilà, thèse soutenue, présidence du jury assumée, mission accomplie. Je n'ai plus qu'à attendre mon taxi qui doit arriver à 6h15 à l'hôtel Sévigné que je quitte à regrets dans la mesure où c'est un hôtel très agréable : propre, confortable, avec un excellent savon liquide dans la salle de bains. Hier soir, j'ai mangé avec mes collègues et la nouvelle "docteure" à la "Taverne de la Marine" un délicieux Saint Pierre au beurre blanc. A midi, j'avais également bien mangé : des ris de veau, plat auquel je n'avais pas goûté depuis de nombreuses années. C'était délicieux. J'ai également bien sympathisé avec mon collègue de Strasbourg, Michel S., que je n'ai pas vraiment connu au cours de mes années strasbourgeoises. Personne très attachante et pleine d'humour. Nous avons évoqué nos amis communs. Hier également, en allant à mon rendez-vous de midi, j'ai demandé mon chemin vers une librairie à un monsieur qui semblait pouvoir me renseigner. Et en effet, il me propose de m'accompagner jusqu'à la librairie en question. Ce monsieur était comme moi, à la retraite, depuis peu. Il en était très heureux. Il avait été médecin, spécialiste de l'hypnose. Il était charmant.


Dans l'avion qui devait d'abord me déposer à Paris CDG et dans celui qui devait m'amener à Lisbonne j'ai lu le dernier prix Renaudot, Charlotte de David Foenkinos, auteur dont je n'avais encore rien lu alors qu'il a déjà publié un dizaine de romans dont les titres sont d'ailleurs assez intéressants. En tout cas j'ai beaucoup aimé Charlotte, l'histoire d'une jeune artiste juive, née dans une famille atteinte de la maladie du suicide —mais est-ce une maladie ?— qui produit une oeuvre à la fois écrite et dessinée, peinte, qu'elle intitule Leben ? oder Theater ? C'était sa vie. L'histoire racontée par David Foenkinos est une histoire vraie. Ci-contre, l'un des dessins de Charlotte Salomon que j'ai trouvé sur internet.
C'est une représentation de la "nuit de cristal" du 9 au 10 novembre 1938. Charlotte a été arrêtée à Villefranche-sur-mer où elle s'était réfugiée. Elle est morte à Auschwitz en 1943. Elle était enceinte.
J'ai également trouvé une photo de Charlotte Salomon sur le net. La voici :
Il semblerait que l'écrivain Richard Millet ait lui aussi publié l'histoire de Charlotte Salomon en 2014 également. Ce roman m'a captivé, non seulement en raison des connotations personnelles que le prénom "Charlotte" peut avoir pour moi, mais aussi à cause d'un style très dépouillé, incisif, direct. Chaque phrase est isolée ce qui donne au texte l'allure d'un long poème. L'auteur dit à un moment donné que c'est cette forme qui lui a permis d'écrire ce texte.
Je recommande à tout le monde la lecture de ce beau texte de David Foenkinos. J'essaierai de lire aussi le livre de Richard Millet. On doit le trouver facilement. Quand on tape "Charlotte Salomon" sur Google, on tombe sur l'ensemble de ses peintures Leben ? oder Theater ?

lundi 1 décembre 2014

1er décembre : Un soir de novembre, à Rennes

Je suis arrivé à Rennes hier soir, dans un aéroport pratiquement désert. Pas de taxi à l'horizon. Je rencontre une jeune fille à qui je demande comment on fait pour aller au centre ville. J'y vais, me dit-elle. Nous prenons le bus dont l'arrêt est situé à 15 minutes de marche de l'aéroport. Là, nous attendons une vingtaine de minutes dans la fraîcheur d'un soir de novembre assez sombre. La jeune fille est étudiante dans une école de commerce. Heureusement qu'elle est là, avec sa gaieté et sa jeunesse. Une prof d'espagnol attend avec nous. Le contact est facile. Enfin, le bus arrive. Il me dépose place de la République à Rennes. Je prends le métro pour aller jusqu'à la gare à partir de laquelle je trouverai facilement mon hôtel. Ce dernier est très bien. Je ressors quand même pour aller dîner au "Café noir" ! Tout est parfait ! Le croassement d'un corbeau me fait tourner la tête vers la fenêtre : Rennes. Des immeubles gris, beiges, blancs sous un ciel gris, beige, blanc. Jusqu'ici, à part la jeune fille rencontrée hier soir, rien n'est très gai à Rennes ! Cela va sûrement changer !