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samedi 27 décembre 2014

27 décembre : Attaquer le soleil

Avec le vent, dès l'aube. Les arbres d'hiver secoués par des souffles puissants. On les voit se pencher les uns contre les autres comme s'ils avaient des pensées sans feuilles à se dire, des complots à ourdir, des jugements à négocier, ces vieux juges décharnés, maigres et tremblants, et dont on imagine volontiers les voix craquer dans le silence des tribunaux pour annoncer les lourdes peines que l'humanité encourt pour son aveuglement, sa surdité, son anthropocentrisme fanatique. Une épaisse couche de nuages bouche les horizons au nord et au sud du château de Fay.

Nous avons fait hier, une randonnée d'environ trois heures entre les visages blancs des zones calcaires des boucles de la Seine autour des Andelys. Des sentiers détrempés, boueux, glissants, montant et descendant ont égrainé notre petite troupe sur de longues distances. On a failli perdre deux membres du groupe mais on s'est vite retrouvé. Nous étions tous très fatigués. Isabel m'a fait mettre des pilules homéopathiques d'arnica sous la langue, et ce matin, je ne ressens pas les courbatures auxquelles je m'attendais. Nous allons à Paris aujourd'hui, voir l'exposition sur le Marquis de Sade.

Un titre étrange dans Libération aujourd'hui :

«Six personnes vont pouvoir vivre» grâce au don d’organes du jeune homme tué à Nantes

Quelle bonne (et sinistre) nouvelle !

* * *

Cet après-midi, Isabel et moi sommes allés voir l'exposition "Attaquer le soleil" sur le Marquis de Sade à Paris au Musée d'Orsay. Une exposition très étrange. Comme le disait Isabel après coup en parlant du Marquis de Sade qui se cognait contre tout — les lois, la morale, les prescriptions, la société —, je dirais que c'est aussi l'impression que me laisse cette exposition : on se cognait contre les tableaux, les parois habillées de noir, l'esthétique des corps malmenés par l'infini du désir, des passions... J'ai eu un sentiment d'emprisonnement et c'est vrai que le divin marquis a passé 27 ans de sa vie en prison et que c'est en prison qu'il a écrit la plupart de ses oeuvres. Dans un certain sens, j'ai le sentiment que le marquis de Sade se battait contre l'écriture, contre les écritures — les lois, la morale — mais peut-être pas seulement. N'est-il pas un exemple parfaitement clair de cet enfermement de l'humain dans l'humain, tel qu'il a pu être provoqué par l'écriture alphabétique, justement. Mais son apologie des passions sans limites me semble incroyablement cérébrale. On parle du corps, certes, on l'imagine, on le fantasme dans le plaisir comme dans la souffrance : ne s'agit-il pas avant tout de sortir de l'humain, d'un humain narcissisé par l'écriture, miroir de tous les miroirs car la matière dont il est fait est tout simplement la langue telle qu'on l'écrit. Ces réflexions me viennent peu après avoir parcouru les cimaises de l'exposition et m'y être cogné, de tableau en tableau, de dessin en dessin. 

Notre retour à Fay les Etangs a été marqué par plusieurs incidents malheureux. Tout d'abord, la voiture dont nous constatons la disparition. Elle était à la fourrière. Une heure et demi de perdue avant de pouvoir la récupérer à Ballard. Puis la route vers Faye les Etangs. Nous esssuyons deux tempêtes de neige, nous nous trompons de route, nous arrivons vers 21h15. Dieu merci, le délicieux borsch préparé par Fianna nous attendait, encore bien chaud et légèrement piquant. Pendant que nous étions à l'exposition, Charlotte a fait des dégâts en trouant une chaise cannée. Bref, un après-midi de grand luxe !

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