Aujourd'hui, au cours de ma méditation à partir de 5h15, je réfléchissais à ce verbe un peu particulier: respirer. Ce verbe à la fois transitif – quand on prend conscience de ce qu'on respire : les vapeurs du diesel urbain, les flatulences de voisinage dans le métro ou dans un cours de méditation, les odeurs de crottin de cheval à la campagne, le vent de la mer en Bretagne, le sang des tranchées de Roland Dorgelès, le parfum de la coulée de roses d'un parterre à Versailles, les acacias du boulevard de Magenta au printemps, la bouffée puante d'un Phallus impudicus dans une forêt d'automne, le fumet d'une dinde de Noël, le sillage urinal d'un clochard qui vient de se réveiller dans le creux d'une entrée de magasin, les exhalaisons capiteuses d'une femme en fourrure rencontrée dans la rue, oeil hautain et lèvres pincées, l'haleine chaude d'une bouche de métro, le café au lait des réfectoires d'internat, le bruit des pensées s'échappant des pages d'un livre neuf, l'odeur de tortue au cuir épais perçue par la Pythie interrogée par les émissaires de Crésus à Delphes, l'encens bleu et sacré des églises, la tryméthilamine freudienne du rêve de l'injection faite à Irma, etc. – et intransitif quand il échappe à la conscience ou qu'il surgit au détour d'une angoisse qui se calme : "Ouf ! je respire", dit-il, soulagé.
C'est un verbe à deux faces. Il y a l'inspiration qui nous rend plus aérien, plein d'idées toujours nouvelles, qui nous fait recommencer la vie à chaque instant, qui ouvre notre corps au monde. L'autre versant du verbe nous vide. Le monde nous déserte. Le monde se termine. "Est-ce qu'il respire encore ? Non. "Il expire, il vient d'expirer" nous dit-il, l'air grave. Son dernier souffle. Une parole ? Non ! Tout est fini.
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