L'un des petits livres achetés hier à la Librairie française de Lisbonne a pour titre Sortir du noir, et pour auteur Georges Didi-Huberman, publié par les Editions de Minuit. Il s'agit d'un commentaire du film de Laszlo Nemes, Le Fils de Saul, que je n'ai pas encore vu mais que j'aimerais voir, évidemment. Le film parle d'événements qui se seraient passés à Auschwitz-Birkenau. Une fiction ? Pas vraiment selon Didi-Hubermann qui s'adresse directement au réalisateur. Il lui écrit une lettre. Tout est intéressant dans ce petit livre d'une cinquantaine de pages. L'auteur s'appuie sur Walter Benjamin pour dire de ce film qu'il s'agit d'un conte, un conte dont il faut défendre selon lui, "l'inactuelle nécessité" et, citant Benjamin, il écrit : "L'art de conter est en train de se perdre. Il est de plus en plus rare de rencontrer des gens qui sachent raconter une histoire [selon] la faculté d'échanger des expériences (Erfahrungen auszutauschen)." C'est là qu'il situait la singularité du film à mi-chemin entre le documentaire et la fiction. "Le conte, écrit Didi-Huberman, échappe au récit romanesque comme à l'information journalistique" (p.52). Je cite ces passages à nouveau parce que j'y vois une convergence avec la réponse que David Abram a donnée à la question que je lui avais posée lors de sa conférence à Lisbonne. Ma question était : Comment pensez-vous que l'on puisse inscrire cette sensibilité au "plus qu'humain" dans l'éducation de demain ? Après tout, la première fonction de l'école c'est de nous apprendre à lire et à écrire et toute l'entreprise scolaire tourne autour de l'écriture. Quand vous préconisez une revalorisation de l'oralité, comment y procéder à travers l'école ? La réponse d'Abram faisait précisément écho à cette idée : l'art de raconter des histoires. Non pas tirer les histoires d'un livre ouvert devant l'enfant et son lecteur, mais bien raconter, inventer les formules et les expressions singulières qui vont pouvoir transmettre nos expériences uniques du monde qui nous entoure ici et maintenant. Il ne faudrait pas seulement apprendre à lire aux enfants, il faudrait encore leur apprendre à parler.
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