J’ai lu hier Le magicien d’Auschwitz (Hervé Chopin, 2021, traduit par Adeline Pereira) de José Rodrigues Dos Santos, écrivain et journaliste portugais, assez prolifique et très connu pour avoir été et être encore le présentateur le plus ancien des nouvelles sur la première chaîne de TV du Portugal. Quand j’ai évoqué cette lecture toute fraîche devant le groupe des psychanalystes qui avait été réuni chez nous par Isabel hier soir, j’ai vu comme un nuage d’indifférence passer dans leurs yeux. Manifestement, cet auteur n’est pas un intellectuel reconnu par l’intelligentsia portugaise ! Ceci dit, ce roman de 440 pages m’a vraiment captivé de la première à la dernière ligne malgré une écriture un peu trop facile, une écriture de journaliste. Mais ce que l’auteur nous raconte est une double descente aux enfers par les deux personnages principaux : le « grand Nivelli » tout d’abord, magicien juif allemand qui a le malheur au cours de l’un de ses spectacles à Prague, de susciter l’intérêt de Reinhardt Heydrich, le bourreau de Prague, très versé dans l’occultisme, puis, le Portugais Francisco, membre de la Division Bleue que les Espagnols avaient constituée pour aider Hitler dans sa guerre contre la Russie. Par des voies très différentes, les deux personnages vont se retrouver à Auschwitz, l’un comme déporté, l’autre en tant que SS faisant partie des Sonderkommandos, chargés de surveiller les détenus. Ce roman est une fiction mais son intérêt principal réside dans la documentation historique qui semble soutenir son propos et qui est liée à la découverte de plusieurs manuscrits qui furent enterrés à proximité des fours crématoires et qui témoignent de ce qui s’est passé par les acteurs mêmes, mais disparus, de cette horreur génocidaire. Le livre est une illustration très parlante de cette « banalité du mal » théorisée par Hannah Arendt et qui ne survient que dans l’absence de pensée, la pensée étant seule à même de donner une certaine profondeur aux événements que nous vivons. Le roman montre très bien comment on peut en arriver à cette superficialité du vivre telle qu’en témoignent les nazis en tant « qu’acteurs qui se débarrassent de leur propre soi » comme l’a écrit Martine Leibovici. Un deuxième volume doit suivre : Le Manuscrit de Birkenau, qui sera disponible en librairie à partir du 21 octobre prochain. Je le lirai dans l’avion qui me ramènera à Lisbonne.
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