Cela fait plus de douze ans que je vais très régulièrement à Luxembourg et je crois que c'est la première fois, aujourd'hui à midi, que je mange des kniddelen luxembourgeois. On m'a dit ensuite que ce que j'avais mangé n'était pas vraiment des kniddelen qui, d'habitude, sont mélangés à des lardons bien croustillants. Je n'ai pas eu droit aux lardons, que je n'aurais pas mangés de toute manière puisque, depuis un mois et demi environ, je ne mange plus de viande de porc. Le plat d'aujourd'hui m'a été servi avec une sauce blanche à la ciboulette qui, faut-il l'avouer, n'a pas rendu ces espèces de "quenelles de farine" moins insipides. C'est un peu comme si l'on vous faisait avaler des "croquettes de plomb" qui, très probablement, vont peser lourd dans mon estomac pendant tout l'après-midi. En cherchant plus d'informations sur internet, je tombe sur des recettes vantées pour leur finesse gastronomique.
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jeudi 31 mai 2018
Instant
Isabel m'a téléphoné hier après-midi pour me dire que le chirurgien m'attendait lundi matin pour une nouvelle opération à ma vessie. Cela ne me réjouit guère, évidemment, alors que je devrais sauter de joie : cette opération est une étape vers la guérison. Il est fort probable que je n'échapperai pas cette fois-ci à la chimio qui doit suivre l'opération pendant 6 mois. Une période difficile en perspective.
Hier, dans l'avion, j'ai lu une grande partie du livre que m'a donné Vincent Bontems et qu'il a lui-même dirigé : Bachelard et l'avenir de la culture. Du surrationalisme à la raison créative, Presses des Mines, 2018, avec notamment un très bel article de mon ami Zbyszek sur "l'atomisme dans la pensée de Bachelard". Je cite ce commentaire qu'il fait de quelques citations de Bachelard :
"Or, l'instant n'est pas une unité de temps, "il est fécond", mais une de ses dimensions où se déploie une intensité, une "ligne perpendiculaire à l'axe temporel de la simple vitalité [qui] donne précisément à la conscience du présent ses moyens de fuite, d'évasion, d'expansion, d'approfondissement, qui ont bien souvent fait apparenter l'instant présent à une éternité", et c'est pourquoi des événements extrêmement rares suffisent à entretenir une vie spirituelle, à propager une forme"; un instant de courage peut transformer le sens d'une vie." (p. 33)
L'atomisme, qui exprime la discontinuité dans l'espace entre le plein et le vide, s'applique également au temps qui, pour Bachelard, exprime une discontinuité analogue à celle qui caractérise l'espace, entre l'instant fécond qui ouvre sur les fulgurances de la nouveauté et ce "reste temporel" qui se noie dans la substance de ce qui est seulement parce que ça était.
C'est aussi dans l'avion que j'ai écrit ce "rugue" :
Piliers de brumes
Soutenant le toit du ciel
Que l'oiseau traverse
mercredi 30 mai 2018
Surrationalisme
Dans moins d'une heure, un taxi vient me chercher pour me conduire à l'aéroport où je prendrai à nouveau l'avion pour Luxembourg. Je reviendrai vendredi soir.
Hier, j'ai participé au séminaire organisé par Olga et Isabel S. en hommage à Zbyszek, chercheur au CFCUL et surtout, en tout cas pour Isabel et moi, grand ami. La conférence de Vincent Bontems sur Bachelard a été très intéressante. Il a fait un large commentaire sur l'article que Bachelard a publié en 1934 sur le surrationalisme, en insistant sur les trois dimensions de cet article étrange : la dimension politique, la dimension esthétique et la dimension épistémologique. Son argument était très clair. Et je dois dire que j'ai été très frappé par cette dimension politique implicite, a-t-il précisé, de ce texte majeur dont Zbyszek avait assuré la traduction en anglais.
Après le séminaire je suis rentré chez moi pour préparer un apple crumble, c'est à dire un dessert pour recevoir à 20h30, Miriam Davis, son mari Michael Purucker (découvreur de planètes à la NASA) et un couple de leurs amis. Miriam est la sœur de Sam, l'ex-mari de ma fille Célia. La soirée a été très chaleureuse. J'ai complètement oublié de leur dire que j'avais pris le soin d'acheter de la farine sans glüten car je suis sûr que Miriam a adopté ce type de régime pour elle-même. Or elle n'a fait que toucher légèrement à son dessert. Bien qu'un peu brûlé, j'ai trouvé mon premier apple crumble excellent. En fin de soirée j'ai montré comment j'avais vaincu mon mal de dos grâce à cette position préconisée par Célia que j'appelle "en équerre" et que je pratique encore tous les matins. C'est Mike Purucker qui a pris les photos et fait ce montage qui montre Mike, Elise et moi-même dans cette position très relaxante. Célia me disait qu'il fallait se concentrer sur sa colonne et ressentir les effets de la gravité. N'est-ce pas formidable de terminer une soirée au tapis !
* * *
Après le séminaire je suis rentré chez moi pour préparer un apple crumble, c'est à dire un dessert pour recevoir à 20h30, Miriam Davis, son mari Michael Purucker (découvreur de planètes à la NASA) et un couple de leurs amis. Miriam est la sœur de Sam, l'ex-mari de ma fille Célia. La soirée a été très chaleureuse. J'ai complètement oublié de leur dire que j'avais pris le soin d'acheter de la farine sans glüten car je suis sûr que Miriam a adopté ce type de régime pour elle-même. Or elle n'a fait que toucher légèrement à son dessert. Bien qu'un peu brûlé, j'ai trouvé mon premier apple crumble excellent. En fin de soirée j'ai montré comment j'avais vaincu mon mal de dos grâce à cette position préconisée par Célia que j'appelle "en équerre" et que je pratique encore tous les matins. C'est Mike Purucker qui a pris les photos et fait ce montage qui montre Mike, Elise et moi-même dans cette position très relaxante. Célia me disait qu'il fallait se concentrer sur sa colonne et ressentir les effets de la gravité. N'est-ce pas formidable de terminer une soirée au tapis !
mardi 29 mai 2018
Bachelard
Hommage à Zbyszek aujourd'hui à l'Université de Lisbonne. J'irai là-bas pour 14h. Je dois y faire une petite intervention. J'ai décidé d'évoquer mes discussions avec Z. sur Bachelard et en particulier sur La Poétique de l'espace, l'ouvrage dont la lecture avait décidé mon ami de changer de sujet de thèse et de travailler sur Bachelard. J'aimerais vraiment avoir la possibilité de traduire ce livre, ne fut-ce que pour que les Français puissent aborder Bachelard autrement qu'à travers La Formation de l'esprit scientifique.
"L'être commence par le bien-être" écrivait Bachelard dans La Poétique de l'espace. Cette citation, Zbyszek me la répétait souvent, ponctuant en souriant de manière entendue, le propos avec ce simple commentaire : "C'est beau..."
lundi 28 mai 2018
Amour
Hier matin, donc, nous avons procédé à cette petite cérémonie autour des cendres de Marina, la cousine d'Isabel. Nous nous sommes réunis au bord du Tage et plusieurs personnes ont pris la parole pour évoquer Marina. J'ai été frappé par l'importance que les uns et les autres ont donnée à sa générosité alors qu'un peu plus tard, au moment du repas que nous avons pris tous ensemble dans un restaurant tout proche, il était plutôt question de son égocentrisme. Peut-être que ce qui rend ses deux aspects conciliables en une même personne, c'est l'amour, un désir d'amour absolu, un désir absolu d'amour. Et il me paraît évident que c'était là, la grande préoccupation, le souci permanent, l'obsession première de Marina : l'amour qui se conjugue dans un même geste à l'actif et au passif, aimer et être aimé, deux modalités indissociables et dont l'indissociabilité justement ne peut que nous fasciner.
dimanche 27 mai 2018
Travaux
Le temps qu'il fait à Lisbonne actuellement est assez bizarre. Généralement, en mai, nous amorçons des périodes de chaleur qui iront en s'intensifiant jusqu'au mois d'août. Or, fin mai, nous avons encore froid. Il y a ce vent du Nord, Nord-Est qui rafraîchit l'atmosphère. C'est inhabituel.
Les travaux à notre immeuble ont effectivement commencé. Tous les plafonds ont été démolis. Mais on ne voit pas encore grand chose. Je publierai des photos demain, après avoir été voir par moi-même comment les choses progressent.
Mardi, j'interviens dans un séminaire qui a été organisé en hommage à Zbyszek. On évoquera évidemment son propre travail sur Bachelard. Moi, j'aimerais parler de façon plus personnelle de la manière dont il rapprochait la philosophie de Bachelard du boudhisme.
samedi 26 mai 2018
Alcool
J'ai continué de m'abstenir du moindre alcool après la fin de la période préconisée par notre maître de la cérémonie "ayahuasca" qui s'est déroulée dans la nuit du 20 au 21 avril dernier. Je m'en sens parfaitement bien évidemment. Ce qui est agréable dans cette restriction c'est le plaisir du détachement, le plaisir de se savoir non dépendant d'un truc extérieur, le vin ou la vodka ou le cognac ou... Ainsi il est possible de jouir d'une décision qui se renouvelle quasiment chaque jour tant la tentation reste présente dès que l'on va au restaurant avec un ami par exemple, ce qui m'est arrivé hier en effet. En utilisant le mot "tentation", j'exagère certainement. Quand mon ami a commandé sa petite bouteille de vin blanc pour accompagner ses sashimis, cela a déclenché en moi le souvenir de ce goût légèrement acide du vin et de l'effet, presqu'immédiat, que la première gorgée peut avoir sur notre esprit, quand vous sentez ce "quelque chose d'imperceptible" qui vous monte à la tête. C'est donc plutôt le souvenir de ce plaisir particulier d'un verre de vin qui se fait passer pour une "tentation".
* * *
Je suis en train d'écouter Alain Finkelkraut sur le philosophe Alain dont j'apprends, avec stupéfaction, l'antisémitisme. Il a lu, et approuvé semble-t-il, Mein Kampf. Il avait une grande admiration pour ce "penseur admirable" qu'était, à ses yeux, Hitler. L'interlocuteur de Finkelkraut, c'est Michel Onfray, Solstice d'hiver (2018) qui dénonce, à juste titre les propos franchement antisémites d'Alain, tirés notamment de son Journal inédit (1937-1950) publié aux Editions Equateurs en mars 2018.
vendredi 25 mai 2018
Florio
Lors de mon dernier passage à Paris, Martine m'a fait cadeau d'un petit livre de Tanguy Viel, Insoupçonnable (Minuit, 2006) dont j'avais déjà lu deux romans que j'avais bien appréciés. Cet auteur a un style bien à lui bien qu'on puisse aisément le rapprocher du style d'Eric Vuillard. Un style léger, qui lie le fil de l'écriture à une sorte de distance réflexive associée à une ironie latente ondulant à la surface du texte. Même quand il aborde des événements graves, le texte dispose en nous une amorce permanente de sourire. Ce sont des ouvrages plutôt joyeux qui induisent une complicité auteur-lecteur fondée sur l'accord implicite de ne pas se prendre trop au sérieux, ni dans l'écriture, ni dans la lecture. Ce roman —que je viens de terminer— est bien mené.
Hier j'ai assisté à la présentation du livre qui est sorti d'un petit colloque qui s'est déroulé il y a deux ans à Lisbonne et où je suis intervenu sur le thème "Science and literature". L'ouvrage, évidemment collectif, s'intitule Interdisciplinarity and general education in the 21st century et a été dirigé par Maria Burguete et Jean-Patrick Connerade, avec qui j'ai déjeuné dans un restaurant que je connais bien, au bord de la merveilleuse plage de Guincho, au delà de Cascais. Avec ce titre un peu prétentieux et un contenu qui ne risque pas de nous bouleverser, ce livre aurait très bien pu ne pas exister sans que le monde y ait à redire quoi que ce soit. Pendant le déjeuner, Jean-Patrick est revenu sur les thèses de Lamberto Tassinari concernant l'identité de Shakespeare. Il a lui-même apporté des éléments —la science dans les tragédies de Shakespeare— qui soutiennent la thèse de cet auteur italien qui attribue les pièces du grand dramaturge anglais à la plume de John Florio, d'origine italienne, né à Londres en 1553. Jean-Patrick correspond avec Tassinari et, lui en tout cas, semble tout prêt à être convaincu, ce qui entamerait sérieusement sa britishness ! Je reviendrai sans doute encore sur ce thème, comme je l'avais déjà annoncé en avril/mai 2016 quand Guy m'a parlé pour la première fois de Lamberto Tassinari dont j'ai trouvé une photo avec un article qui précise qu'il est également poète. En tout cas, il a l'air bien sympathique.
jeudi 24 mai 2018
E171
Je crois que c'est avec Françoise que j'en parlais récemment, ou avec Claude, peut-être, ou Martine... ou Irène, ou Célia ??? —bref, je ne me souviens plus. Elle critiquait l'usage du dioxide de titane dans une multitude de produits alimentaires et de médicaments. Et, aujourd'hui, je lis qu'il est question d'interdire l'usage de ce colorant au nom du fait qu'il serait probablement cancérogène. Il fragiliserait les parois de notre tuyauterie colorectale. Bon ! j'espère que l'interdiction sera votée car on retrouve ce produit absolument partout. Dans les bonbons, —ces magnifiques bonbons Haribo, par exemple, si merveilleusement colorés à l'E171— dans toutes sortes de jambons —je ne mange plus de jambon depuis plus d'un mois—, dans les plats cuisinés, etc., bref, PARTOUT. Rebref, crions ensemble "Haribo, euh... haro sur l'E171 et les bonbons !"
* * *
Hier, j'ai déjeuné avec Isabel S. à l'Université. Il faisait très beau et c'était agréable d'arpenter ces lieux de savoir avec elle. En principe je dois la revoir aujourd'hui, mais il semblerait que les plans ont été changés. Il faudra que je lui téléphone tout-à-l'heure.
* * *
Hier, avant de m'endormir, j'ai lules dernières pages du petit livre de Jean-François Billeter, Un paradigme. En voici un passage intéressant sur l'égalité :
"Nous sommes égaux par nos dispositions. Nous avons tous pour vocation de devenir des personnes. [...] Mais nous devenons inégaux parce que les uns réalisent cette vocation, à un moment de leur vie, tandis que d'autres sont arrêtés en chemin par des difficultés qu'ils ne parviennent pas à surmonter. Ils se résignent à vivre à moitié. Si une crise salutaire ne vient pas les remettre en mouvement, ils dépérissent. Quand l'angoisse ou la souffrance qui les tient devient trop forte, il n'est pas rare qu'ils essayent d'y échapper en se détruisant ou en faisant du mal aux autres." (p.86)
Lui aussi cite Spinoza pour nous accompagner sur notre chemin vers la sagesse.
Je pense que mon expérience avec l'ayahuasca, il y a un mois, a provoqué en moi cette "crise salutaire" dont parle Billeter. En tout cas j'ai la sensation qu'elle m'a "remis en mouvement".
"Nous sommes égaux par nos dispositions. Nous avons tous pour vocation de devenir des personnes. [...] Mais nous devenons inégaux parce que les uns réalisent cette vocation, à un moment de leur vie, tandis que d'autres sont arrêtés en chemin par des difficultés qu'ils ne parviennent pas à surmonter. Ils se résignent à vivre à moitié. Si une crise salutaire ne vient pas les remettre en mouvement, ils dépérissent. Quand l'angoisse ou la souffrance qui les tient devient trop forte, il n'est pas rare qu'ils essayent d'y échapper en se détruisant ou en faisant du mal aux autres." (p.86)
Lui aussi cite Spinoza pour nous accompagner sur notre chemin vers la sagesse.
Je pense que mon expérience avec l'ayahuasca, il y a un mois, a provoqué en moi cette "crise salutaire" dont parle Billeter. En tout cas j'ai la sensation qu'elle m'a "remis en mouvement".
mercredi 23 mai 2018
Philip Roth
Cet auteur, dont je ne connais que quelques éléments de l'œuvre considérable, est mort. Sans avoir obtenu le prix Nobel, se plaît à dire la presse. "Ah zut, encore raté, et cette fois, pour de bon !" doit-il penser maintenant en tant que "pur esprit" quoique ce soit difficile à imaginer : Philip Roth en pur esprit, lui dont le corps est si présent dans les écritures qu'il nous laisse en souvenir de lui.
De retour à ma table de travail et de rêve devant la rue et le ciel, je m'aperçois que mon peuplier a profité de mon absence de quatre jours pour se remplumer complètement. Il était encore tout rabougri d'hiver quand je suis parti et maintenant, il ressemble à un perroquet Amazone géant dignement revêtu de son habit d'académicien ! Respect.
J'ai beaucoup aimé le livre de Frédéric Lenoir sur Spinoza et je le recommande à la lecture de tous ceux qui s'intéressent à vivre libres dans la joie de la raison et de la nécessité.
mardi 22 mai 2018
Herem
J'ai passé toute l'après-midi d'hier avec ma sœur Françoise. Nous avons marché dans les rues de Strasbourg et j'ai pris la photo de ce monstre couché, rue de la Haute Montée. (Sur mon appareil, "ils" [???] me disent que la photo a été prise rue du 22 novembre, ce qui est faux. "Ils" peuvent donc se tromper. Si vous cliquez sur la photo vous apercevrez sur la droite, la découpe d'un diablotin.) Je dédie cette photo à Richard puisqu'il s'agit d'un ornement de portail strasbourgeois !
* * *
Je regrette de ne pas avoir pu voir l'exposition d'Alexandra mais le temps était trop court. Par contre j'ai revu son père, Jean-Michel, qui devait m'emmener, et j'ai été très heureusement surpris par son calme et sa gentillesse. Je me souvenais d'un homme sur les nerfs en permanence. Ce n'est plus du tout le cas comme si ce n'était pas seulement son corps qui avait pris un peu de poids mais son esprit également, plus pondéré apparemment que jadis.
Françoise m'a accompagné jusqu'à la gare. Elle est même venue avec moi jusqu'au quai et nous avons pu nous faire des signes, comme aux moments de départ d'autrefois. Dans la gare, je suis allé comme d'habitude voir les nouveautés dans le kiosque à journaux et j'ai aperçu le livre de Frédéric Lenoir, Le miracle Spinoza (Fayard, 2017), que Françoise m'offre. J'en ai lu la plus grande partie dans le train et j'ai trouvé cette présentation du philosophe très accessible et convaincante. Spinoza se méfiait de l'institution religieuse et, en 1656, le 27 juillet, les anciens de la synagogue d'Amsterdam prononcent un herem, un acte d'exclusion contre lui, le mettant hors de la communauté judaïque. On ne peut qu'être frappé par la violence de cette "excommunication" :
"À l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos livres saints et des six cent treize commandements qui y sont enfermés. Nous formulons ce herem comme Josué le formula à l'encontre de Jéricho. Nous le maudissons comme Élie maudit les enfants et avec toutes les malédictions que l'on trouve dans la Loi. Qu'il soit maudit le jour et maudit la nuit. Qu'il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille. Qu'il soit maudit à son entrée et qu'il soit maudit à sa sortie..."
On n'a pas intérêt à rigoler avec les religions. On le sait depuis longtemps.
* * *
Françoise m'a accompagné jusqu'à la gare. Elle est même venue avec moi jusqu'au quai et nous avons pu nous faire des signes, comme aux moments de départ d'autrefois. Dans la gare, je suis allé comme d'habitude voir les nouveautés dans le kiosque à journaux et j'ai aperçu le livre de Frédéric Lenoir, Le miracle Spinoza (Fayard, 2017), que Françoise m'offre. J'en ai lu la plus grande partie dans le train et j'ai trouvé cette présentation du philosophe très accessible et convaincante. Spinoza se méfiait de l'institution religieuse et, en 1656, le 27 juillet, les anciens de la synagogue d'Amsterdam prononcent un herem, un acte d'exclusion contre lui, le mettant hors de la communauté judaïque. On ne peut qu'être frappé par la violence de cette "excommunication" :
"À l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos livres saints et des six cent treize commandements qui y sont enfermés. Nous formulons ce herem comme Josué le formula à l'encontre de Jéricho. Nous le maudissons comme Élie maudit les enfants et avec toutes les malédictions que l'on trouve dans la Loi. Qu'il soit maudit le jour et maudit la nuit. Qu'il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille. Qu'il soit maudit à son entrée et qu'il soit maudit à sa sortie..."
On n'a pas intérêt à rigoler avec les religions. On le sait depuis longtemps.
lundi 21 mai 2018
Johann Knauth
En écho avec ce qu'écrivait Fabien sur la journée d'hier, je voudrais mentionner cette visite du "livre" de la cathédrale de Strasbourg avec Jean-Jacques, un ami d'Irène, qui a passé trente ans de sa vie à déchiffrer les significations secrètes des portails, gargouilles, statues, inscriptions et autres détails qui forment la texture de cet édifice extraordinaire. Nous avons passé toute la matinée et une grande partie de l'après-midi à écouter ce "sage" qui nous a fait traverser l'œuvre au noir. Nous avons vécu ces moments comme une sorte d'initiation aux mystères de la cathédrale, mystères qui n'ont rien à voir avec la divinité ou même avec l'Église, mais qui, manifestement, ont jailli des réseaux de connaissances et des croyances entremêlées qui façonnaient la vie locale des bâtisseurs de cathédrale. J'ai été très intéressé par l'histoire de Johann Knauth, qui fut le maître d'œuvre de la cathédrale de Strasbourg en 1871 et qui a fait un travail absolument remarquable pour sauver cet édifice en renforçant avec du bèton armé ses assises souterraines. Cet homme génial a été rejeté par ses compatriotes après la défaite allemande de 1918, et rejeté par les Français pour avoir été l'un des notables du Strasbourg germanique entre 1871 et 1918. Il est mort dans la misère. Une plaque apposée en 2014 sur l'un des murs de la poste de la cathédrale, le reconnaît comme le "sauveur de la cathédrale". Sans lui, celle-ci n'existerait plus aujourd'hui.
dimanche 20 mai 2018
Célia
Les 50 ans de ma fille Célia ont été célébrés joyeusement dans une atmosphère multilingue très chaleureuse (allemand, anglais, français). Nous avons bien profité de la magnifique terrasse de son appartement. Nous avons chanté. Nous avons même dansé (un peu). J'ai rencontré toutes ces femmes qui avaient sans doute à peu près le même âge que ma fille et qui se tenaient toutes bien droites et dont les mouvements se faisaient tout en souplesse grâce, sans doute, à la technique Alexander. J'espère que ceux qui ont pris des photos m'en enverront quelques unes. Cette fête m'a donné l'occasion de revoir Margarete, que je n'avais plus vue depuis plus de dix ans et qui était en pleine forme. Elle a ramené une sorte de brasero avec de belle bûches qui nous ont permis de faire un feu magnifique sur la terrasse.
samedi 19 mai 2018
Blabla
Je m'apprête à quitter l'appartement de mon fils Fabien pour aller rejoindre mon lieu de rendez-vous avec Blablacar au Parc de Saint Cloud pour aller en voiture à Strasbourg. Le conducteur qui nous —moi et Alexandra, une amie de Célia qui habite Paris— offre une place dans sa voiture, nous annonce 5 heures de route. J'avoue qu'un train qui met deux heures aurait eu ma préférence d'autant plus que le prix n'est pas beaucoup beaucoup moins cher. Je vais payer 40 euros alors qu'en train, avec ma réduction "Senior", j'aurais payé à peu près la même chose. Evidemment, il me manquerait le blabla en train, ce qui n'est pas évident non plus car il arrive que le voyageur qui s'assied juste à côté de vous en train soit très bavard, ce qui m'est arrivé plus d'une fois. Bon, allons-y !
vendredi 18 mai 2018
Billeter
Il est 4h22 et je viens de prendre ma douche froide du matin. Un taxi doit m'emmener à l'aéroport dans une demi-heure et j'arriverai à Paris vers 9 heures. Hier soir, j'ai commencé Paradigme de Jean-François Billeter, auteur que j'aime bien n'en déplaise à mon ex-collègue François Jullien. D'ailleurs, j'apprécie également beaucoup l'écriture et l'intelligence de Jullien. Par contre je déteste son arrogance et le mépris qu'il affiche pour les gens ordinaires.
jeudi 17 mai 2018
Verticalité
Ce sont surtout les religions monothéistes qui foutent le bordel. Le rapport maléfique qu'elles entretiennent avec les écritures n'arrange rien. Ma mère, qui était très religieuse, très pieuse même, sans pour autant qu'on puisse l'accuser de bigoterie ou de puritanisme —elle adorait rire aux éclats et appréciait toutes les formes de l'humour— avait décelé la dimension frondeuse de mon caractère. Dans les dernières recommandations qu'elle me fit avant sa mort, il y avait celle de ne pas attaquer la religion. Je ne me souviens pas lui avoir promis quoi que ce soit. Et je suis intimement persuadé qu'elle aurait trouvé mes arguments antireligieux sensés. En tout cas j'aurais certainement pu en discuter avec elle car elle avait un esprit très libre de tout préjugé, ce qui n'était pas le cas de mon père, malheureusement. Je reproche à ces religions monothéistes leur obsession de la verticalité au détriment de tout ce qui, juste à côté de nous, dans notre voisinage le plus immédiat, requiert notre attention. Cette verticalité fait l'objet d'une sorte d'imprinting dans l'enfance. Nous oublions que le ciel n'est pas au dessus de nos têtes. Nous vivons sur la terre et celle-ci nous fait tourner dans le ciel.
J'avais à peine fini d'écrire que je reçois l'annonce d'une nouvelle publication sur le site Academia.edu auquel je suis abonné. Stupéfaction : l'article qu'on m'annonçait, signé par Daniel Keeran, était intitulé "The Raging War : Secular Versus Sacred". Je cite en faisant un copier/coller :
Si je comprends bien, une vie "sacrée" fait qu'on "s'engage dans la vie quotidienne avec une forte conscience de Dieu." C'est bien là le problème. Cette "forte conscience de Dieu" détourne l'attention que nous sommes prêts à accorder aux êtres et aux choses. Elle introduit une perturbation dans notre considération de ce qui est juste à côté de nous.
On se demande vraiment comment un tel article a réussi à s'introduire sur un site purement académique.
J'avais à peine fini d'écrire que je reçois l'annonce d'une nouvelle publication sur le site Academia.edu auquel je suis abonné. Stupéfaction : l'article qu'on m'annonçait, signé par Daniel Keeran, était intitulé "The Raging War : Secular Versus Sacred". Je cite en faisant un copier/coller :
The difference between a
secular mindset and a sacred mindset is that in the secular life, one engages
in dailylife disconnected and without awareness of God. In the sacred life, one
engages in daily life with a strong awareness of God. In the sacred life,
the child of God sees everything and every moment in the context
of the spiritual and says, “The God of
the universe who holds everything together is fully and personally present
right here, right now.”
Si je comprends bien, une vie "sacrée" fait qu'on "s'engage dans la vie quotidienne avec une forte conscience de Dieu." C'est bien là le problème. Cette "forte conscience de Dieu" détourne l'attention que nous sommes prêts à accorder aux êtres et aux choses. Elle introduit une perturbation dans notre considération de ce qui est juste à côté de nous.
On se demande vraiment comment un tel article a réussi à s'introduire sur un site purement académique.
mercredi 16 mai 2018
Palestine
Je délaisse de plus en plus la lecture des actualités. Pourtant, les Palestiniens mériteraient non seulement qu'on s'y intéresse, mais encore que l'on vole à leur secours. L'armée israélienne tue des hommes, des femmes, des enfants désarmés qui manifestent leur désespoir. Le cynisme de Netanyahou est sans égal quand il accuse le Hamas d'envoyer des enfants à la mort alors que c'est lui qui tue. Richard me rappelle ce projet de Grève Mondiale de la Faim par solidarité avec la Palestine.
Zbyszek en avait corrigé la traduction anglaise. Je vais publier mon appel sur Facebook. Ce sera peut-être plus efficace que ce blog dont l'audience est plutôt restreinte, il faut le dire.
Hier j'ai lu l'annonce du livre Les illusions dangereuses par Vitaly Malkin, un auteur russe, ancien scientifique qui s'élève contre cette même bêtise des trois religions monothéistes qui fait que "les hommes continuent de croire alors que leur religion les fait souffrir." Une affaire de bon sens.
Hier également, j'ai appris la mort de Tom Wolfe, l'auteur de ce roman magnifique The Bonfire of the Vanities, publié en 1987 et qui m'a donné l'occasion d'une lecture passionnée. Paul Feyerabend le cite dans The Tyranny of Science que j'ai traduit il y a quelques années.
Enfin, aujourd'hui, 16 mai 2018, ma fille Célia a 50 ans.
Je vais lui téléphoner bien sûr.
J'étais en train de manifester à Strasbourg devant le Palais Universitaire quand un ami est venu me dire qu'Irène avait entamé l'accouchement. J'ai sauté dans ma 2CV pour me précipiter à l'hôpital Sainte Anne. Je suis arrivé dix minutes avant de voir la tête de Célia émerger de cette échancrure du corps féminin d'où jaillissent les cris de la vie.
Hier également, j'ai appris la mort de Tom Wolfe, l'auteur de ce roman magnifique The Bonfire of the Vanities, publié en 1987 et qui m'a donné l'occasion d'une lecture passionnée. Paul Feyerabend le cite dans The Tyranny of Science que j'ai traduit il y a quelques années.
Enfin, aujourd'hui, 16 mai 2018, ma fille Célia a 50 ans.
Je vais lui téléphoner bien sûr.
J'étais en train de manifester à Strasbourg devant le Palais Universitaire quand un ami est venu me dire qu'Irène avait entamé l'accouchement. J'ai sauté dans ma 2CV pour me précipiter à l'hôpital Sainte Anne. Je suis arrivé dix minutes avant de voir la tête de Célia émerger de cette échancrure du corps féminin d'où jaillissent les cris de la vie.
mardi 15 mai 2018
Café
Je lis sur un site d'actualités ce matin cette nouvelle qui, pour le coup, me semble vraiment extraordinaire :
Et ils ont découvert que les grands buveurs de café avaient 12 % de risque de mourir en moins que les non-buveurs.
Le café nous rend immortels. Voilà qui, avec notre petit café du matin, devrait nous mettre en joie pour toute la journée, non ? Ceci dit, quand on lit ce qui se publie sur internet, on ne peut qu'être assez effaré par les maladresses, les fautes d'orthographe, les négligences de l'écriture du français contemporain. Aaaah, mon bon monsieur ! quel désastre. Rien ne va plus si la langue se déteriore. Bon ! Les erreurs et les maladresses témoignent aussi d'une certaine vitalité et souvent, d'une grande créativité.
* * *
J'ai pris du retard dans mes livres. Je poursuis ma lecture des aventures de Schultes en Bolivie telles que les retrace Wade Davis. Ses premiers contacts avec le yagé, ses discriminations des plantes toxiques, sa passion des plantes, le sérieux aussi avec lequl il vit ses aventures. Je lis en même temps le livre de Samantha dont j'attends la troisième partie, avec impatience.
lundi 14 mai 2018
Baptême
La nièce d'Isabel, Beatriz, 9 ans, a demandé à être baptisée et la cérémonie s'est déroulée hier après-midi à Coïmbra. Trois heures de route pour y aller, trois heures pour revenir, une petite église pleine à craquer avec beaucoup d'enfants faisant leur première communion et trois, dont Beatriz, se faisant baptiser. Je suis resté environ cinq minutes dans cette église, une envie pressante m'obligeant à sortir pour trouver des toilettes. Pas évident, un dimanche, dans une ville qu'on ne connaît pas et dans un quartier manifestement périphérique et chic, rien que des villas bordant des rues désertes avec une église au milieu d'elles qui pouvait passer pour l'une d'entre elles, la villa du dieu des bourgeois les plus aisés de la ville. Cette cérémonie ne m'a pas réconcilié avec la religion, surtout qu'à la fin, j'entends de dehors, assis sur un petit mur, frissonnant à cause d'un vent glacial, un tonnerre d'applaudissemnts comme s'il s'était agi d'un spectacle. Il n'est plus question ici du spectacle de la religion, mais bien de la religion du spectacle, la société du spectacle. Debord aura eu raison une fois de plus.
dimanche 13 mai 2018
Extraordinaire
Comment l'ordinaire se transforme, magiquement, pourrait-on dire, en autre chose. Je reçois un message de Françoise W. Elle a lu mon article d'hier et me raconte qu'elle aussi, avait acheté le même livre dans les mêmes conditions et avec le même état d'esprit que moi quand j'ai jeté mon dévolu sur cet ouvrage. En outre, je me suis fait la même réflexion à propos du nom de l'auteur : "C'est comme si un Dupont se sentait concerné par le nom d'un autre Dupont ! " La seule différence apparemment, c'est que moi, j'ai lu le livre en question alors qu'il attend encore d'être lu par sa lectrice homonyme.
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Mais le mot "extraordinaire" dont je fais usage aujourd'hui s'applique à autre chose : il s'agit du couvent, transformé en hôtel très luxueux, que j'ai visité hier, à un peu moins d'une centaine de km au nord-est de Lisbonne, pas trop loin de Santarem. Une magnifique restauration effectuée par un homme de goût qui a parsemé cet ancien couvent d'œuvres pas forcément connues mais toujours très particulières et intéressantes. Il y a une piscine qui donne sur un magnifique paysage très ouvert et traversé de long en large, par le Tage. Un bel endroit pour organiser des séminaires ou de petites réunions (pas plus d'une douzaine de participants). J'y ai pensé pour la réunion du Comité scientifique de la Fondation Feyerabend mais ce serait sans doute trop cher. Quoique, Wanda me dit tout-à-fait prête à nous faire des prix intéressants. Le problème de cet "hôtel" est son isolement. Très bénéfique pour s'y retirer au calme et se mettre à penser, mais peu attractif s'il s'agit seulement de tourisme. Le luxe est-il nécessaire pour pouvoir penser ?
samedi 12 mai 2018
Ordinaire
En fait, entre les deux parties du roman de Samantha, j'ai lu rapidement un roman très ordinaire, genre western, Sombre vallée de Thomas Willmann, un auteur allemand qui m'a attiré à cause de son nom, le même que celui de mon amie Françoise, qui a travaillé sur Alfred Sohn-Rethel. Je suis parfaitement conscient du fait que cette raison est idiote. De nos jours, le même nom ne veut rien dire. Mais un nom peut avoir des résonances mystérieuses, qui n'ont rien à voir avec la généalogie. En fait, le nom —qui m'était familier— a fait ressortir l'ouvrage parmi des centaines d'autres offerts à mon regard sur l'étal "collections de poche" de la Nouvelle Librairie Française. Ensuite, le titre m'a plu. Et il n'en fallait pas plus pour que j'achète —à la hâte car Isabel m'attendait dans la voiture— cet ouvrage sans prétention. Un peu lent au démarrage, ce livre raconte l'histoire d'une vengeance. J'aurais bien vu Clint Eastwood dans le rôle du héros, si ç'avait été un film.
Aujourd'hui, nous rendons visite à une amie de Richard T., Wanda, qui dirige un hôtel installé dans un ancien couvent à une heure de Lisbonne. Je prendrai des photos bien sûr.
vendredi 11 mai 2018
Coupeurs de feu
Hier soir, j'ai cuisiné une ratatouille qui a été très appréciée par Sandra notre invitée et par Isabel. Ce soir ou demain soir, nous devrions avoir une sole sur la table. Je m'en réjouis. Mais je n'ai toujours pas de date pour l'opération que je dois subir à nouveau. Cela m'ennuie parce que j'ai d'autres engagements en perspective que je ne peux pas décider sans connaître cette date.
Je lis aujourd'hui un petit article sur un médecin qui conseillait à ses patients en radiothérapie de faire appel à un "coupeur de feu" s'ils souffraient trop. Sans comprendre comment ça marche, il affirmait clairement que dans 80% des cas, cette pratique qui date du Moyen-Âge avait de bons résultats, comme l'attestent de multiples témoignages que l'on peut trouver sur internet. L'article salue le courage de ce médecin qui ose dire que la médecine officielle ne sait pas tout. Généralement elle invoque un effet placebo pour expliquer l'efficacité des coupeurs de feu. Mais alors, pourquoi n'y a-t-il que certaines personnes bien précises qui aient ce don ? Les hôpitaux ont leur numéro de téléphone dans leurs archives pour venir en aide à certains patients. Mystère, mystère. La photo est celle de Bernard Kerespars, un guérisseur qui habite à Clis (Guérande).
J'ai terminé la première partie du livre de Sam. J'aime beaucoup son écriture et j'entamerai aujourd'hui la deuxième partie qu'elle m'a envoyée hier soir.
jeudi 10 mai 2018
Belarus
Une boule de brume traverse lentement un ciel bleu clair juste devant ma fenêtre d'ouest en est. Apparemment il fera assez beau aujourd'hui mais hier encore, la soirée a été très fraîche, presque froide alors que nous sommes en mai qui est un mois généralement chaud, voire trop chaud. Je vois apparaître les premiers rameaux vert tendre du peuplier alors que quelques feuilles mortes y sont encore accrochées désespérément.
Sam m'a envoyé la première partie de son roman dont j'ai déjà lu deux chapitres. Cela s'annonce bien. Nous sommes en Biélorussie, ou République de Belarus (capitale : Minsk), pays dans lequel je ne suis jamais allé. Peut-être ce roman me donnera-t-il l'envie d'aller le visiter tout comme le roman d'Edgar Hilsenrath m'a donné envie de faire un tour en Arménie.
mercredi 9 mai 2018
Arméniens
Je viens de terminer le livre à la fois truculent, terrible, drôle —vraiment drôle— et terrifiant, que Richard T. m'avait offert avant-hier, sur les Arméniens et en particulier, dans la dernière partie de l'ouvrage sur le massacre que ce peuple a subi en 1915/16 de la part des Turcs. L'écriture de cet auteur allemand, Edgar Hilsenrath est magnifique. Elle fait penser à celle de Rabelais mais aussi à celle de Gabriel Garcia Marquez dans Cent ans de solitude. Un livre qui fait à la fois rire et pleurer comme Gargantua à la naissance de Pentagruel, si je me souviens bien. Un livre que je recommande à tous mes lecteurs, et surtout à ceux, qui comme moi, peuvent être encore très ignorants de cette page de l'histoire des Arméniens et de l'Arménie. C'est un très très beau livre.
La première phrase
J'ai rêvé du petit livre sur Platon que je voudrais écrire à partir du dernier chapitre de ma thèse d'Etat. Je lui avais trouvé un titre Platon, comme nous-mêmes, titre qui, dans mon rêve, me paraissait parfait et me semble ce matin, fort peu convaincant. Pas facile de trouver un titre. Dimanche, je pensais avoir trouvé la première phrase de ce livre. Je n'en suis plus aussi sûr aujourd'hui. Quand on tape "première phrase" sur google on s'aperçoit qu'on n'est pas le seul à s'y intéresser. Plusieurs livres ont été écrits sur ce thème : L'angoisse de la première phrase de Bernard Quiriny, L'homme de la première phrase de Salah Guemriche, Lire la première phrase du Capital, de John Hollowry...
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Aujourd'hui, à midi, je vais déjeuner avec Isabel S. pour discuter du séminaire que nous voulons organiser pour le 29 mai en souvenir de notre ami Z. Je ne sais pas encore quel thème je vais traiter.
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Le ciel est brumeux ce matin, mais une vague lueur semble indiquer que la journée sera quand même aussi belle que celle d'hier.
mardi 8 mai 2018
Hilsenrath
Hier, j'ai de nouveau interrompu ma lecture de One River, pour entamer le gros livre d'Edgar Hilsenrath, Le conte de la pensée dernière (Albin Michel, Livre de Poche, 1998, traduit de l'allemand par Bernard Kreiss) qui traite des relations, souvent tendues et toujours compliquées entre les Arméniens, les Turcs et les Kurdes. C'est Richard qui m'a offert cet ourvage très particulier, et surtout très drôle, même quand il aborde des sujets qui sont censés nous faire frémir. Il y a beaucoup de dialogues et l'écriture est pleine de légèreté.
lundi 7 mai 2018
Nietzsche
Mon rêve se terminait sur une évocation d'une pensée de Nietzsche dont je partageais la pertinence avec Bernard Ancori. Il s'agissait de la justice. En substance, Nietzsche disait que les hommes préfèrent généralement être juges plutôt que défendre la justice. L'idée étant qu'il faut se garder de juger justement si l'on veut que la justice ait une chance. J'aime beaucoup cette idée.
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Hier, nous avons fait un grand tour avec Richard après avoir célébré la fête des mères dans notre restaurant favori La Cevicheria où la cuisine du chef Kiko est toujours aussi bonne. Je n'ai toujours pas pris la moindre goutte d'alcool alors qu'Isabel, Richard... et Charlotte ont commandé une bouteille de vin blanc. Dans ce genre d'occasion, c'est presque gênant de ne pas boire un peu, ne fut-ce que pour faire honneur à la personne que l'on fête. Et cela s'est reproduit au dîner du soir. Nous avons commandé chacun une sole au restaurant Sao Miguel à Setubal, arrosée de vin blanc pour Isabel et Richard, et d'eau plate pour moi ce qui a rendu ma dégustation un peu... plate en effet, mais avec une sole, ça colle.
Je reviens de l'hôpital Santa Maria où j'avais un examen urologique. Et voilà : il faut que je repasse sur le billard pour m'enlever une merdouille cancéreuse à la vessie. Des nouvelles qui ont quelque peu atteint notre moral, à Isabel et moi. Et après l'opération dont je ne connais pas encore la date, je n'y couperai pas : il y aura cette chimio que j'hésitais à faire. Tout cela ne me réjouit pas, on s'en doute. Enfin... c'est la vie, comme on dit. Il faut que je me dépêche d'écrire et publier ce qui me tient à cœur.
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Je reviens de l'hôpital Santa Maria où j'avais un examen urologique. Et voilà : il faut que je repasse sur le billard pour m'enlever une merdouille cancéreuse à la vessie. Des nouvelles qui ont quelque peu atteint notre moral, à Isabel et moi. Et après l'opération dont je ne connais pas encore la date, je n'y couperai pas : il y aura cette chimio que j'hésitais à faire. Tout cela ne me réjouit pas, on s'en doute. Enfin... c'est la vie, comme on dit. Il faut que je me dépêche d'écrire et publier ce qui me tient à cœur.
dimanche 6 mai 2018
Tue-mouches
C'est toujours une bonne surprise quand, au fil de la lecture, vous rencontrez tout-à-coup le nom d'une personne qui a été à l'origine d'une sorte de complicité amicale avec un autre lecteur. Ce que je viens d'écrire a l'air un peu mystérieux mais ce n'est pas facile à exprimer. Comme je l'ai dit hier j'ai repris la lecture de One River de Wade Davis où l'on fait connaissance avec le Professeur Richard Evans Schultes, un ethnobotaniste —déjà rencontré dans le film L'étreinte du serpent— en quête des plantes sacrées susceptibles de fonder des pratiques chamaniques. Et ne voilà-t-il pas qu'au cours de ses pérégrinations au Mexique il rencontre le grand Robert Gordon Wasson, ce banquier vice-président de J. P. Morgan & Co in New York, l'auteur de Soma : Divine Mushroom of Immortality dans lequel il défend la thèse selon laquelle le pommier d'Adam et Ève ne serait pas un pommier justement, mais un bouleau au pied duquel ce ne sont pas des pommes qui tombent (Newton et Gottlieb ont le monopole de ce phénomène lié à la gravité) mais plutôt des Amanites tue-mouches (Amanita muscaria) qui poussent. Et c'est mon ami Fred Dijs qui a fait un mémoire sur l'histoire de la découverte des éléments toxiques de ce magnifique champignon hallucinogène. C'est pas beau ça ?
Ceci dit, j'ai fait un rêve qui m'a tourmenté cette nuit. On m'avait donné un nouveau bureau bardé de nouvelles technologies avec un téléphone directement branché sur mon ordinateur. J'ai reçu un appel de Joëlle qui me disait : "Viens vite à Lyon. Tu pourrais encore attraper un avion qui arrive avant midi." Elle reste silencieuse et j'ai l'impression qu'elle pleure. Je me sens paralysé parce que l'aéroport est loin, mes nouveaux collègues arrivent et installent leur bureau jusque à côté du mien. Je ne sais comment faire et vais voir la secrétaire pour qu'elle me commande le premier avion pour Lyon. Il n'arrivera malheureusement que vers 5 heures. J'essaye de rappeler Joëlle, mais l'idiot qui s'est installé dans un voisinage angoissant monopolise le téléphone. Je suis fou d'inquiétude. Et je me réveille.
Coïncidence : le billet de mon fils que je lisais ce matin me parle lui aussi de téléphone. Il pose la question : sont-ce les parents ou les enfants qui doivent prendre l'initiative de téléphoner pour avoir des nouvelles ? Tout ce que je peux dire, c'est que si c'étaient les enfants, je n'aurais pas souvent de nouvelles.
Coïncidence : le billet de mon fils que je lisais ce matin me parle lui aussi de téléphone. Il pose la question : sont-ce les parents ou les enfants qui doivent prendre l'initiative de téléphoner pour avoir des nouvelles ? Tout ce que je peux dire, c'est que si c'étaient les enfants, je n'aurais pas souvent de nouvelles.
samedi 5 mai 2018
Vous cruvez ?
J'ai terminé hier le roman de Zafòn. L'histoire qu'il nous raconte est assez prenante mais, malgré la multiplicité des événements qui s'emboîtent les uns dans les autres, il n'y a pas de grande surprise. Une fois le décor planté et les personnages dessinés, on suit le fil d'une écriture qui, certes, n'est pas sans charme, mais qui n'a pas beaucoup d'éclat. Peut-être que dans la langue originale, les choses sont différentes. Je viens de voir que l'auteur vient de publier un autre roman, Le labyrinthe de l'esprit, où il est certainement encore question de cette abondance de livres qui caractérise notre époque. Je dis ça d'après l'image que l'on voit sur la couverture de ce nouveau roman. En tout cas Zafòn m'a offert une sorte d'intermède agréable dans la lecture de One River, lecture que je vais reprendre ce matin.
Je ne voudrais pas que mes lecteurs croivent —l'Académie a, semble-t-il, accepté en 2014 et grâce à une campagne menée par Alain Finkelkraut, cette forme du verbe "croire" qui, en effet, devrait logiquement se conjuguer à l'image du verbe "boire" bien que cela risque de nous conduire à quelque chose comme "nous cruvons, vous cruvez" à l'image de "nous buvons, vous buvez"— donc, je ne voudrais pas que mes lecteurs croivent que je passe mes journées à lire du matin au soir. Hier j'ai enfourché mon vélo pour faire quelques courses (décidément, Lisbonne n'est pas une ville faite pour le vélo : j'ai dû mettre pied à terre pour vaincre la pente de l'avenue Douque de Loulé) et aller à la poste. La photo de cette avenue ne rend pas justice à la raideur de la pente que l'on distingue vaguement au fond de l'image —comment d'ailleurs peut-on évoquer ainsi le "fond" de ce qui n'est que surface ?— trouvée sur internet.
En réponse à ce qu'a écrit mon fils hier :
"FAIRE DES PLANS. — Faire des plans et prendre des résolutions, cela procure beaucoup de sentiments agréables ; et celui qui aurait la force de n'être, durant toute sa vie, qu'un forgeur de plans serait un homme très heureux : mais il lui faudra à l'occasion se laisser reposer de cette activité en exécutant un plan — et alors viendront pour lui la colère et la désillusion." Nietzsche, "Opinions et sentences mêlées", 85, Humain, trop humain.
Enfin, nous célébrons aujourd'hui le bicentenaire de la naissance de Karl Marx.
En réponse à ce qu'a écrit mon fils hier :
"FAIRE DES PLANS. — Faire des plans et prendre des résolutions, cela procure beaucoup de sentiments agréables ; et celui qui aurait la force de n'être, durant toute sa vie, qu'un forgeur de plans serait un homme très heureux : mais il lui faudra à l'occasion se laisser reposer de cette activité en exécutant un plan — et alors viendront pour lui la colère et la désillusion." Nietzsche, "Opinions et sentences mêlées", 85, Humain, trop humain.
Enfin, nous célébrons aujourd'hui le bicentenaire de la naissance de Karl Marx.
vendredi 4 mai 2018
Zafòn
J'ai interrompu ma lecture du livre de Wade Davis pour honorer le cadeau que je venais de recevoir de FZ et que j'ai reçu hier : L'Ombre du vent par Carlos Ruiz Zafòn (Robert Laffont, 2002, traduit par François Maspero), un auteur espagnol de Barcelone qui raconte l'histoire d'un auteur quasiment inconnu dont un homme mystérieux veut anéantir l'œuvre en en brûlant les éléments juqu'au dernier. Je ne connaissais pas du tout cet auteur qui a pourtant plusieurs romans à son actif. Il faudra que je demande à Claude si elle le connait et ce qu'elle en pense. Ce qui me frappe, c'est l'absence de justesse dans les métaphores dont il émaille son récit. Il y a comme une maladresse déconcertante dans leur usage, mais c'est peut-être lié à la traduction ??? Ceci dit, on est quand même vite accroché aux événements qu'il raconte, aux lieux qu'il nous fait visiter à Barcelone, avec ce magnifique tram bleu qui apparaît de temps en temps dans le récit, aux personnages qu'il nous présente bien que ceux-ci manquent parfois d'épaisseur psychique.
À ce propos, quand on fait défiler sur Google les images associées à cet auteur, on a évidemment beaucoup de représentations de librairies ou de bibliothèques fantastiques avec des piles de bouquins qui vont du sol au plafond, des étagères débordantes, des murs qui disparaissent derrière des rangées de livres qui se superposent indéfiniment. Le Livre (et l'écriture) fait l'objet d'un véritable culte, comme le montre, par exemple la citation ci-jointe de Maupassant que ma nièce Caroline a publié sur Facebook et avec laquelle je ne suis absolument pas d'accord. Pour moi, l'écriture est beaucoup plus trompeuse que la parole. Si l'écriture "pénètre" les gens, c'est à la manière d'une arme tranchante, d'un instrument chirurgical, souvent dévastateur. Quand Maupassant écrit que "les mots sur le papier blanc, c'est l'âme toute nue", n'est-ce pas effrayant ? L'âme, c'est justement ce qui "habille" le corps, ce qui l'anime. Il y a quelque chose de monstrueux à parler d'une "âme toute nue". Ceci me fait penser à cette définition que Robert Musil donne de l'âme dans L'homme sans qualités : "Elle [Diotime] lisait beaucoup dans ses souffrances et découvrit qu'elle avait perdu quelque chose dont elle ne s'était pas souciée jusqu'alors : son âme. Qu'est-ce qu'une âme ? Il est facile de la définir négativement : c'est très exactement cela en nous qui se rétracte quand nous entendons parler de séries algébriques." Tome 1, p. 161.
jeudi 3 mai 2018
Davis
J'ai commencé le livre que m'a conseillé récemment Sasha, One River de Wade Davis. Le sous-titre : Explorations and discoveries in the Amazon rainforest (1996). Je le lis sur mon kindle. J'ai pu en lire une vingtaine de pages cette nuit notamment pour faire quelque chose de mon insomnie passagère. Pas besoin de rallumer la lumière et de risquer le réveil de ma voisine, profondément endormie. Les pages électroniques ne font pas le moindre bruit en passant de l'une à l'autre. Bref, idéal pour ceux qui aiment lire au lit, ce qui a toujours été mon cas. Wade Davis est un anthropologue canadien qui s'est beaucoup intéressé au chamanisme. Sasha m'a dit que ce livre a constitué l'une des sources d'inspiration du film L'étreinte du serpent dont j'ai parlé il y a quelques jours.
mercredi 2 mai 2018
Carpe diem
Alors que les autres arbres de la rue en face de ma fenêtre sont déjà tout verts et bien garnis, mon peuplier reste complètement déplumé et maintient mon esprit dans l'ombre de l'hiver, d'autant plus qu'il ne fait pas très chaud à Lisbonne. Généralement, à cette époque, on abandonne le bleu ou le noir pour s'habiller en beige ou vert clair. Hier après-midi, Isabel et moi sommes allés faire une ballade à vélo. Il y avait beaucoup de vent et, à l'aller, nous avons eu froid.
Cinq minutes de douche froide tous les matins, 2 minutes et demi de "planche" après une dizaine de minutes d'équerre (dos au sol et jambes en équerre sur un fauteuil), mon emploi du temps du matin reste inchangé depuis plusieurs mois. Je m'en porte fort bien. Pour le petit déjeuner : un œuf à la coque (j'ai ramené de Luxembourg 6 œufs fraîchement pondus par les poules de Jeannot et Nadine) suivi d'une tartine (pain sans glüten) de fromage blanc arrosée de mon traditionnel thé vert (genmaïcha). Depuis la "cérémonie" du 20/21 avril dernier, je n'ai pas bu une seule goutte d'alcool, comme cela nous était recommandé. Je me mets à l'ordinateur pour lire mon courrier et prendre connaissance de l'actualité. J'écris mon article du jour pour le blog et parfois, c'est difficile. L'inspiration n'est pas toujours là. Souvent, je termine le livre entamé la veille. Actuellement, c'est mon 5e Philip Kerr. J'adore l'humour de cet auteur qui me fait souvent penser à celui de mon fils.
mardi 1 mai 2018
Esclarmonde
C'est l'héroïne du roman de Carole Martinez, Du domaine des murmures (NRF, 2011). En 1187, Esclarmonde se fait enfermer dans une minuscule prison de pierre à 15 ans pour échapper à son propre mariage avec Lothaire. Elle y acouchera d'un fils, fruit du viol qu'elle a subi juste avant ce mariage. Elle devient ainsi le centre énergétique de toute la région, mettant en échec la mort elle-même pendant quelques années. Ce roman que j'ai lu hier, est très attachant et dépaysant bien que cela se passât en Bourgogne. Charlotte devait le lire mais ne l'a pas encore terminé. Il faudrait qu'elle le finisse avant d'avoir l'occasion d'en parler avec son auteure qui est invitée au Lycée français jeudi prochain. J'aurai moi aussi l'occasion de la rencontrer en lieu et place du Cercle de lecture de l'Institut français de Lisbonne, jeudi en début de soirée. J'ai bien aimé cette réflexion d'Esclarmonde : "... il suffit de regarder quelque chose très longtemps pour qu'une porte s'ouvre et nous absorbe." (p. 140)
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Je viens d'apprendre le décès de Jean Gayon, le 28 avril dernier. J'ai parfois siégé avec lui dans des jurys de thèse, notamment celle d'un de mes étudiants, Ivan K., qui avait travaillé sur la science dans Emile Zola. C'est une thèse que nous avions bien appréciée tous les deux.
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Et, pour conclure, ce joli texte d'Anise Koltz, poétesse luxembourgeoise, qui vient de recevoir un prix littéraire :
Nous marchons tous
sur la même route
Mais personne ne connaît
le chemin de l'autre
sur la même route
Mais personne ne connaît
le chemin de l'autre
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