Certains rêves nous apparaissent au réveil comme ayant été très longs, avec de multiples épisodes, souvent complexes, presque impossibles à raconter. Ce fut le cas du rêve que j'ai fait cette nuit et qui était très marqué par le livre de Chalandon que je lis en ce moment. Je devais tenir un rôle sur une scène, un rôle qui m'imposait de mourir. Mon père et Mme W. étaient présents et j'ai l'impression que pour eux, il ne s'agissait pas de théâtre. Ils me préparaient à mourir réellement. Je ne tenais pas à ce rôle. Je leur disais que c'était la première fois que je montais sur une scène. Je ne connaissais pas très bien mon texte mais j'étais convaincu que je pourrais improviser de manière convenable.
Ce récit que je viens de faire du rêve de cette nuit n'exprime absolument pas le sentiment de longueur que j'évoquais. Alors que pour moi, le rêve devait avoir duré toute la nuit, il est clair que ça ne devait pas être le cas. Tout tournait autour de la mort et c'est là que je reconnais maintenant l'impact du livre de Chalandon sur la mise en scène d'Antigone d'Anouilh à Beyrouth au début des années 80. Certaines scènes du roman sont vraiment très prenantes. Beau livre en tout cas.
Je reviens un peu sur cette question de longueur des rêves. En réalité je pense que cette longueur est liée au souvenir que l'on peut avoir d'images oniriques très compliquées, quasi-impossibles à mettre en mots soit en raison de leur incongruité surréaliste soit en raison de l'importance qu'elles semblent avoir dans le déroulé du rêve, importance qui s'évanouit dans le souvenir que l'on en garde presque malgré soi. C'est vraiment très étrange.
Je viens d'apprendre par Martine la mort de l'abbé René Naegert, dit "le Pope" à Strasbourg, à l'âge de 90 ans. L'abbé Naegert a été mon professeur de 6e. La 6e bleue du Collège Saint Etienne. Avec lui, j'ai commencé à apprendre l'allemand. J'excellais d'ailleurs dans cette matière que mon père me fit abandonner en 4e au Lycée Fustel de Coulanges au profit de l'italien que je n'ai jamais véritablement parlé malgré les remarquables leçons de M. Ricklin, grand érudit de la culture et civilisation de l'Italie, qui m'a fait lire I Promessi Sposi de Manzoni et la Divine Comédie de Dante, en italien bien sûr. L'abbé Naegert est celui qui, alors que j'étais en 6e, m'a fait venir un jour dans son bureau pour me dire : "Je pense que dans votre famille, il ne peut pas ne pas y avoir un prêtre." Puis, me regardant droit dans les yeux — je me souviens de ce regard très bleu et fixe, aussi acéré qu'une flèche qui vous fait exploser les neurones — il me dit de façon assez solennelle : "... et je crois que Dieu t'a choisi." C'était en 1952. J'avais dix ans. Et lui 27. En classe, il nous racontait des histoires du front russe où il avait été envoyé en tant que "malgré-nous" par les autorités allemandes. C'est lui qui a présidé la cérémonie funèbre à la mort de mon frère Jean-Pierre il y a deux ans.
La cathédrale était pleine hier pour la cérémonie d'adieu au Pope (que nous avons connu comme abbé Naegert). Francis a mis l'article des DN sur son blog.
RépondreSupprimerAujourd'hui justement Jean-Pierre aurait eu 75 ans.