Le temps est bien maussade aujourd'hui. Il fait froid. Le soleil n'est pas encore levé et la ville est dans une obscurité complète. Le bruit d'une voiture remontant la rue de temps en temps. Sinon, silence complet. Non : le ronronnement d'un moteur d'avion très lointain.
Avant de m'endormir, hier soir, je relisais quelques pages de La rage de l'expression de Francis Ponge. Je vous offre ce passage, tout au début de "L'œillet", page 55 :
"Relever le défi des choses au langage. Par exemple ces œillets défient le langage. Je n'aurai de cesse avant d'avoir assemblé quelques mots à la lecture ou l'audition desquels l'on doive s'écrier nécessairement : c'est de quelque chose comme un œillet qu'il s'agit.
Est-ce là poésie ? Je n'en sais rien, et peu importe. Pour moi c'est un besoin, un engagement, une colère, une affaire d'amour-propre et voilà tout."
Faire que le langage puisse exprimer ce qu'il y a de plus intimement lointain de lui-même, à savoir, les choses. Je partage cette ambition tout en étant bien loin d'y réussir. Parfois, Francis Ponge y réussit pleinement et c'est magnifique.
"Etant donné une chose, écrit-il, — la plus ordinaire soit-elle — il me semble qu'elle présente toujours quelques qualités vraiment particulières sur lesquelles, si elles étaient clairement et simplement exprimées, il y aurait opinion unanime et constante : ce sont celles que je cherche à dégager.
(...)
Quelles disciplines sont nécessaires au succès de cette entreprise ? Celles de l'esprit scientifique sans doute, mais surtout beaucoup d'art. Et c'est pourquoi je pense qu'un jour une telle recherche pourra aussi légitimement être appelée poésie." (p.56)
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